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Le Programme catholique tel que vu par L'Opinion publique [L. O. David], 28 avril 1871. [Note de l'éditeur : L.-O. David était un rédacteur et éditeur de journaux libéraux à l'époque; il deviendra éventuellement un historien. L'opinion publique était, au moment où cet article a été rédigé, un journal à tendance libérale modérée.] Après la lettre de Mgr. l'Archevêque condamnant le programme catholique, est venue celle de Mgr. de St.-Hyacinthe ; la voici : « Beloeil, 28 avril 1871. Monsieur, Je me fais un devoir d'appeler votre attention sur la circulaire ci-dessous reproduite, que Sa Grâce Monseigneur l'Archevêque de Québec vient d'adresser à son clergé, et qui a paru, ces jours-ci, dans les journaux de Québec et de Montréal. Des informations des plus positives me permettent de vous dire que cette circulaire doit s'interpréter dans le sens d'un désaveu du Programme politique dont il est question; et c'est en lui attribuant ce sens que je vous en donne une communication officielle. » Mgr. de Saint-Hyacinthe reproduit textuellement la circulaire de Mgr. l'Archevêque de Québec, et termine par ces mots : "Recevez, monsieur, l'assurance de ma considération, et croyez-moi en Jésus, Marie et Joseph, « Votre très-humble serviteur, C. Ev. De ST. Hyacinthe ». Après la lettre de Mgr. de St.Hyacinthe, est venue celle de Mgr. de Rimouski : «CIRCULAIRE AU CLERGÉ. Evêché de RIMOUSKI, 29 avril 1871. « Monsieur, Quelques journaux viennent de s'arroger le droit de tracer aux catholiques de la Province de Québec la ligne de conduite que ceux-ci auront à tenir dans les élections prochaines. A l'exemple de Monseigneur l'Archevêque, je crois devoir vous informer que ce programme ne m'a été connu que par ces journaux, et qu'il a le grave défaut d'avoir été formulé en dehors de toute participation de l'épiscopat. Je déclare donc qu'il ne saurait autoriser aucun membre du clergé de ce diocèse à dépasser les limites tracées par le Décret du 4e Concile de Québec sur les Élections, dont je vous ai transmis une traduction française le 1er de ce mois. Recevez, Monsieur, la nouvelle assurance de mon sincère attachement. JEAN, Ev. de St. G. de Rimouski. » Il faut avouer que les adversaires du programme se trouvent en bonne compagnie ; sur cinq évêques, il y en a trois qui ont parlé en leur faveur, et les deux autres ne disant rien, on peut en conclure que les évêques de la province sont unanimes à rejeter le programme. A moins d'être excessivement scrupuleux, on peut espérer faire son salut sans appartenir à la religion de Nouveau Monde, de L'Ordre, et du Journal de Trois-Rivières. Je crois, même malgré toute l'estime que je porte aux rédacteurs de ces journaux, qu'on doit être plus sûr de son affaire en se rangeant du côté des évêques, surtout lorsqu'ils donnent de si bonnes raisons et qu'ils s'appuient sur les conciles et les plus hautes autorités catholiques. Quelques uns de ces messieurs déclarent que les autorités religieuses n'ont rien à faire avec leur programme, que les électeurs seuls en sont juges, et qu'ils ont droit d'enseigner au peuple les vrais principes sur lesquels ils doit bâser ses opinions et son vote. Ah ! mais alors comment conciliez-vous vos principes d'aujourd'hui avec ceux que vous avez professés depuis plusieurs années, et au nom desquels vous avez écrasé vos adversaires? Quel a été, par exemple, l'arme puissante dont vous vous êtes servis pour combattre ceux qui croyaient aux dernières élections, que le peuple devait condamner les auteurs de la Confédération, puisque c'était la première et la seule occasion qui s'offrait à lui de se prononcer sur ce système politique? N'est-ce pas les mandements des évêques à la main qu'on les a partout terrassés? N'est-ce pas en dénonçant leur révolte contre l'autorité des évêques qu'on les a fait repousser par le peuple? Eh ! d'ailleurs les triomphes du parti conservateur depuis vingt ans ne sont-ils pas en grande partie le résultat de la protection et de l'intervention du clergé en sa faveur, protection et intervention par vous, messieurs, sollicitées, bénies et supportées ? Et lorsque le parti libéral s'est insurgé contre cette intervention, lorsqu'il a dévoilé certains abus qu'elle avait produits, quelles malédictions, mon Dieu ! Quelle est donc la différence entre leur position et la vôtre? La différence ? la voici. Dans le cas de la Confédération, il s'agissait simplement de questions nationales, politiques et financières; en vertu de la constitution qui nous régit, c'était un devoir pour ceux qui redoutaient le nouveau régime de le dénoncer et de blâmer ceux qui nous l'avaient donné. Dans ce cas-ci, il s'agit d'une question purement religieuse et considérée comme telle par les autorités catholiques. Ce sont les chefs de l'Église qui déclarent qu'elle est uniquement de leur ressort, et qui demandent, ordonnent même l'abstention des laïques ! Assurément, s'il est un cas où l'autorité religieuse mérite d'être écoutée par ceux qui l'invoquent à tout moment, s'il est un cas où la soumission soit de rigueur, c'est bien celui-ci. Qu'auraient donc fait le Nouveau-Monde, le Journal des Trois-Rivières et l'Union des Cantons de l'Est à la place du parti libéral ? J'entends parler depuis dix ou quinze ans des violences et de l'esprit de révolte de ce parti; ce qui me surprend maintenant, en présence de l'attitude des défenseurs du vrai catholicisme, c'est qu'un parti si impie n'ait pas commis plus d'excès et qu'un grand nombre de libéraux soient restés catholiques. Et puis, messieurs, savez vous bien ce que vous faites en provoquant la lutte sur les rapports de l'Eglise avec l'Etat ? Ignorez-vous que le résultat de cette lutte dans ce pays serait la séparation de l'Eglise avec l'Etat, et que cette séparation est contraire à vos doctrines, et condamnée même par le syllabus, ce qui me paraît plus grave ? En sorte que, sans vous en douter et sans le vouloir, j'ose le croire, vous marchez dans la voie de l'excommunication. Vous allez nier sans doute la logique de cette conclusion ; mais avouez-le c'est bien ce que vous diriez à vos adversaires, s'ils étaient à votre place. Ainsi, messieurs, au point de vue religieux comme au point de vue national et politique, dans l'intérêt même du salut de vos âmes, qui vous est si cher, votre mouvement catholique est une mauvaise affaire. L. 0. DAVID. Source: L. O. David, « Le programme catholique », dans l'Opinion publique, 18 mai 1871, p. 245. © 2000 Claude Bélanger, Marianopolis College |