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Documents in Quebec History

 

Last revised:
23 August 2000


Documents sur le Rapatriement de la Constitution, 1980-1982

Extraits d'une lettre de Peter Lougheed, premier ministre de l'Alberta, à René Lévesque, le 8 mars 1982

Sur 1e sens et la portée de l'accord du 16 avril 1981

À mes yeux, l'accord du 16 avril 1981 procédait logiquement de l'alliance établie par les six provinces le 14 octobre 1980. Dès le départ, il était clair qu'il s'agissait d'une alliance limitée, limitée à bloquer l'entreprise unilatérale de M. Trudeau et à le forcer à revenir à la table de conférence pour y reprendre les négociations constitutionnelles. Un examen des déclarations publiques de chacun des six premiers ministres à l'époque confirme que tel était alors notre objectif commun. (...)

En plus, au cours de février 1981, Allan Blakeney, premier ministre de la Saskatchewan (...) de même que ses conseillers furent très clairs - en public . comme en privé - sur le fait que l'engagement de la Saskatchewan avec les sept autres provinces ne le commettait ni lui, ni son gouvernement, à des positions constitutionnelles données s'il survenait de nouvelles négociations, et que l'engagement de son gouvernement ne reposait que sur la nécessité de changer le processus en cours. (...)

Les huit premiers ministres se sont rencontrés pendant toute la soirée du 15 avril 1981,jusqu'aux petites heures du matin. Nous nous trouvions au Château Laurier, dans la suite du premier ministre Lyon. Dès le départ, M. Blakeney ainsi ' que d'autres, je crois, réaffirmèrent qu'il ne devrait y avoir aucun malentendu: la signature de l'accord ne liait irrévocablement aucun des gouvernements signataires à quelque position constitutionnelle que ce soit- qu'il s'agisse de la formule d'amendement ou d'autre chose - s'il advenait que M. Trudeau renonce à sa procédure unilatérale et s'il acceptait de modifier sa position pour en venir véritablement à la négociation d'un consensus. Personne ne formula d'objection à ce point de vue. J'ai même en particulier déclaré que, selon moi, telle était l'interprétation de chacun depuis le 14 octobre 1980. (...)

Il était absolument clair pour moi et, je crois, pour tous ceux qui participèrent aux discussions des huit premiers ministres, les 19 et 20 octobre (1981), à l'hôtel Ritz Carlton de Montréal, que nous nous étions organisés en Groupe des Huit seulement dans la mesure où M. Trudeau continuerait à procéder unilatéralement. S'il venait à abandonner sa procédure unilatérale et qu'il consentait à modifier la résolution (fédérale) et à entreprendre des négociations sérieuses, alors chacun des huit premiers ministres était dégagé de toute obligation découlant de l'accord du 16 avril, et par conséquent libre de modifier ou de transformer la position de son gouvernement sur la formule d'amendement ou sur toute autre question constitutionnelle. La teneur même de nos échanges et les déclarations de plusieurs premiers ministres sur des approches nouvelles possibles confirma cette interprétation. Il était impossible d'imaginer que, si M. Trudeau faisait volte-face et acceptait le point de vue constitutionnel d'une province, il demeurerait toujours interdit à celle-ci d'opter pour les propositions nouvelles et différentes de M. Trudeau, ou encore qu'elle ne pourrait le faire que moyennant l'accord et le consentement des sept autres provinces du groupe des Huit. Je crois cependant que nous avons tous reconnu l'efficacité de notre solide front commun jusque-là et qu'il demeurait tactiquement avantageux pour nous de le maintenir. (...)

Sur la rencontre des huit premiers ministres, le 15 avril 1981

Au cours de la discussion, vous avez insisté sur un important changement à la formule d'amendement, alléguant qu'en pleine campagne électorale vous n'aviez pas pu consacrer toute votre attention à cette formule. Vous avez notamment demandé que la formule, présentée aux huit d'entre nous le soir du 15 avril, soit modifiée en y remplaçant par une majorité simple l'exigence selon laquelle une province se retirant d'un changement (constitutionnel) devrait obtenir l'assentiment d'une majorité des deux tiers (de son Assemblée législative). Bien que nous ayons été alertés à cette préoccupation de votre part durant notre conférence téléphonique du 30 mars, nous ignorions que vous faisiez de cette modification une condition à votre signature de l'accord. Après une longue discussion, les sept autres premiers ministres consentirent, à contrecoeur, à la position du Québec. Vous avez clairement dit que, à défaut de notre ralliement à ce changement, vous ne signeriez pas (l'accord), même si vous étiez prêt à le faire quelques semaines plus tôt. Vous avez aussi insisté pour modifier substan-tiellement le programme détaillé des discussions constitutionnelles à venir contenu (dans l'accord), y compris la suppression de la date du 1er juillet 1981 comme date ultime pour le rapatriement. Ces changements ont été acceptés. Vous avez également exigé que le plan de rapatriement (du &ont commun) renferme une disposition selon laquelle il serait ratifié par les assemblées législatives (des provinces) et par l'Assemblée nationale (du Québec). Cela fut aussi accepté. (...)

Sur l'«impossibilité» des provinces de s'entendre entre elles

Le 9 février 1981 (...) nous nous sommes (...) penchés sur la critique soutenue du public, exprimée depuis la formation de notre alliance en octobre, selon laquelle nous n'avions qu'une position négative et aucune alternative face à la proposition fédérale. Il était évident que la plupart des Canadiens souhaitaient le rapatriement et qu'ils partageaient l'avis que les premiers ministres (des provinces) ne pouvaient même pas s'entendre entre eux sur une question aussi fondamentale que la formule d'amendement. (...)

Sur les buts de l' Alberta

Le but de l'Alberta était de résoudre la crise constitutionnelle par la négociation, pourvu qu'on satisfasse (à ses) deux objectifs. Ces deux objectifs: obtenir une formule d'amendement fondée sur l'égalité des provinces, pas des régions, et préserver la suprématie des législatures en introduisant une clause de dérogation dans la charte des droits. (...)

Sur la soirée et la nuit du 4 au 5 novembre 1981

J'aurais pensé que chaque premier ministre se serait attendu à une bonne dose de lobbying et d'échanges de vues pendant la soirée du 4 novembre (1981). Il me semblait évident que lorsqu'elle reprendrait, le jeudi 5, la conférence (constitutionnelle) ferait des progrès significatifs, ou qu'elle se terminerait dans l'échec. À ma connaissance, vous n'avez pas essayé de discuter des événements à venir avec aucun autre premier ministre. (...)

 

Source : Claude MORIN, Lendemains piégés. Du référendum à la nuit des longs couteaux. Montréal, Boréal, 1988, pp. 376-378