Quebec History Marianopolis College


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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

Histoire de la littérature canadienne-française (Québec)

 

DEUXIÈME PÉRIODE

1860-1900

 

LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE DE 1860.

L'ÉCOLE PATRIOTIQUE DE QUÉBEC.

[Ce texte a été écrit par l'abbé Camille Roy; il a été publié en 1962. Pour la référence complète, voir la fin du texte.]

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Cette deuxième période diffère de celle qui précède, non pas par une orientation nouvelle, mais par une activité soudaine et plus féconde de notre vie intellectuelle.

 

Le mouvement littéraire de 1860 est d'ailleurs sorti luimême des préoccupations intellectuelles plus grandes qui se manifestèrent vers la fin de la période précédente, des oeuvres qui y parurent, et en particulier de l'Histoire du Canada de Garneau et des poésies de Crémazie. C'est l'enthousiasme patriotique créé par la lecture du ces deux maîtres, qui groupa toute une pléiade de jeunes écrivains. auxquels, d'ailleurs, les anciens prodiguèrent leurs encouragements. L'abbé Casgrain lui-même, l'un des chefs de cette pléiade, fait remonter jusqu'à l'oeuvre de F.-X. Garneau l'influence décisive qui provoqua ces nouveaux efforts. On ne songea à rien moins, selon l'expression favorite de l'abbé Casgrain, qu'à « créer » enfin une littérature canadienne.

 

Crémazie lui-même fut, dès la première Heure, le centre plutôt que le chef de cette pléiade que l'on peut appeler l'École patriotique de Québec. Il devait, dès 1862, âgé de 35 ans seulement, s'exiler de Québec; il n'écrira plus, ou ne publiera plus de vers, et il ne contribuera donc au nouveau mouvement littéraire que par l'influence des poésies trop rares qu'il publia de 1854 à 1862. dais cette influence fut décisive. D'autre part, la librairie que tenait le poète à Québec, sur la rue de la Fabrique, prit après 1855 un considérable développement; les livres nouveaux y abondèrent, et y attirèrent les esprits curieux de bonnes lectures. C'est là, dans l'arrière boutique où le poète recevait ses amis, que se rencontrèrent les admirateurs et les disciples. On y vit venir les anciens, comme Étienne Parent, F.-X. Garneau, l'abbé Ferland; on y vit entrer aussi, et bientôt dominer, les nouveaux: Gérin-Lajoie, Joseph-Charles Taché, P.-J.-O. Chauveau,. Hubert La Rue, l'abbé Casgrain.

 

On lisait les livres nouvellement arrivés, et on rêvait d'écrire, de doter le Canada de belles oeuvres littéraires. L'abbé Casgrain, qui devint bientôt l'âme du cénacle, Gérin-Lajoie et le docteur La Rue, qui était alors professeur à l'Université Laval, se préoccupèrent d'organiser méthodiquement tant de bonnes volontés. L'isolement des initiatives avait été pour quelque chose dans la lenteur des débuts de notre littérature. On résolut donc de s'unir, et de créer une revue qui serait comme le centre ou le foyer des travailleurs. Les Soirées canadiennes furent alors fondées, en 1861; tout à côté, en 1863, parut le Foyer canadien. Ces périodiques contribuèrent pour beaucoup à provoquer et à multiplier la production littéraire. Ils sont tout remplis d'articles, d'études, de prose et de vers où abonde la vie canadienne. On s'y applique à chanter les gloires anciennes. à raconter les légendes et les traditions du pays, et souvent l'on traite cette matière de chez nous avec les procédés littéraires d'un romantisme un peu démodé. C'est la patrie que l'on veut faire aimer; c'est à elle que vont les ardeurs des nouveaux écrivains: ce mouvement de 1860 est essentiellement patriotique.

 

On remarquera, cependant, que le patriotisme de 1860, moins dominé que celui de la génération qui a préçédé par les épreuves et les angoisses de la politique de persécution, est plus confiant et plus enthousiaste que celui des écrivains antérieurs. Garneau lui-même, malgré l'ardeur qu'il mit à travailler son Histoire duc Canada; avait douté de notre avenir comme race, et de la liberté des développements de notre littérature nationale. Pendant qu'il préparait la deuxième édition de son ouvrage, il écrivait à La Fontaine, le 17 septembre 1850: " Il est probable, à voir la tournure lente, mais inévitable peut-être, que prennent les choses de notre pays, que ce soit le dernier, comme c'est le premier ouvrage historique écrit dans l'esprit et au point de vue assez prononcés qu'on y remarque. » Mais en 1860, l'oeuvre même de Garneau avait relevé bien des courages, et l'établissement du gouvernement responsable avait remis en nos propres mains une large part de nos destinées. Les écrivains qui se groupèrent à ce momentlà, pour mieux assurer le développement de notre littérature, entreprirent donc avec une belle confiance leur tâche laborieuse.

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Source: Mgr Camille ROY, Manuel d'histoire de la Littérature canadienne de langue française , 21 ème edition, revue et corrigée par l'auteur, Montréal, Beauchemin, 1962 [1939], 201p., pp. 46-48. Le texte a été reformaté et les erreurs typographiques évidentes ont été corrigées.

 

 

 
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