Quebec History Marianopolis College


Date Published:
15 August 2003

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

MGR PAUL-EUGENE ROY (1859-1926)

par
M. L’Abbé Elie-J. AUCLAIR

MGR Paul-Eugène Roy, longtemps auxiliaire puis coadjuteur du cardinal Bégin, et qui lui succéda à l'été de 1925, quelques mois seulement avant de mourir lui-même, sur le trône archiépiscopal de Québec, est né à Berthier-en-Bas, comté de Montmagny, le 9 novembre 1859. Le premier ancêtre de la famille, venu de Dieppe en Normandie au pays canadien vers 1663, Nicolas Roy ou LeRoy, s'était établi près du sault Montmorency, puis, de l'autre côté du fleuve, au Bois-Chatel et à Berthier. De père en fils, depuis deux cents ans, on cultivait le sol en servant Dieu et en observant ses lois. Le père de Monseigneur, Benjamin Roy, et sa mère, Desange Gosselin, étaient de ces braves « habitants », comme il en eut tant chez nous, modestes, honnêtes et bons chrétiens, dont l'union fut particulièrement bénie du ciel, puisqu'ils élevèrent une famille de pas moins de vingt enfants, dont une religieuse et cinq prêtres : Mgr Paul-Eugène Roy, le curé Philéas Roy, de Rivière-du-Loup, Mgr Camille Roy, recteur de l'Université Laval, le Père Arsène Roy, de l'ordre des Dominicains, et le curé Alexandre Roy, de Saint-Henri de Lauzon.

En 1881, à 22 ans, Paul-Eugène terminait à Québec son cours classique, au petit séminaire, et il entrait tout de suite au grand séminaire. Ses succès en classe avaient été brillants et, ainsi qu'on dit souvent, il promettait beaucoup. Aussi, dès 1882, les supérieurs du séminaire de Québec l'envoyèrent-ils suivre les cours de lettres à Paris, à l'Institut catholique et à la Sorbonne. II en revint, au bout de trois ans, avec son parchemin de licencié ès-lettres. A l'Institut catholique, dans la vieille église historique des Carmes, le détail vaut d'être noté, l'abbé canadien avait été, pendant deux ans, le servant de messe de Mgr Gasparri, plus tard cardinal secrétaire d'Etat de Benoit XV et de Pie XI.

Revenu en 1885 à Québec, au séminaire de sa jeunesse, l'abbé Roy y fut ordonné prêtre le 13 juin 1886 et il y vécut cinq ans. Il professa la rhétorique et fut préfet des études au petit séminaire. En 1890, il quittait Québec et s'en allait exercer le saint ministère en Nouvelle-Angleterre, où il fut curé neuf ans, à Sainte-Anne de Hartford, dans le Connecticut. En 1899, Mgr Bégin, devenu archevêque de Québec depuis un an, le rappelait dans son diocèse et le chargeait de prêcher et de quêter pour l'oeuvre de l'Hôtel-Dieu, dont la situation financière se trouvait à ce moment sérieusement compromise. En 1901, l'abbé Roy était nommé curé-fondateur de la paroisse de Notre-Dame de Jacques-Cartier, divisée de celle de Saint-Roch de Québec. En 1907, sur l'appel de l'archevêque, il se séparait de sa paroisse pour s'occuper de l'oeuvre naissante de l'Action sociale catholique. La Providence le préparait ainsi, en l'employant à des ministères variés, à des destinées qu'il ne soupçonnait pas. Comme toujours, Dieu avait ses vues. En effet, le 8 avril 1908, à 48 ans, il était élu par Pie X évêque d'Eleuthéropolis et auxiliaire de Québec.

Son élection fut justement saluée par d'unanimes acclamations de joie. Le 10 mai suivant, il recevait des mains de son archevêque, Mgr Bégin, dans la basilique de Québec, l'onction qui fait les pontifes dans l'Eglise de Dieu. La vie de Mgr Roy, qui avait été jusque-là si active, continua de l'être tout autant, si elle ne le fut pas davantage. En 1909, il prenait part au concile plénier de Québec. En 1910, il organisait et dirigeait à Québec un congrès de tempérance qui eut beaucoup d'éclat. La même année, on le voyait tenir une place importante au congrès eucharistique de Montréal. Deux ans après, en 1912, il présidait à Québec le grand congrès de la langue française au Canada. C'étaient là les événements marquants. Mais, il y en eut d'autres, évidemment, où se déployèrent son initiative, ses talents et sa prodigieuse activité. On se plaisait à répéter que Mgr Bégin avait eu la main heureuse dans le choix de son auxiliaire. Le vénéré archevêque s'en montrait lui-même très satisfait. Devenu cardinal en mai 1914, Mgr Bégin demanda et obtint que son cher auxiliaire passe au rang d'archevêque. Mgr Roy fut en effet nommé archevêque de Séleucie le 8 septembre de la même année 1914. Six ans plus tard, le 1er juin 1920, il devenait en plus coadjuteur du cardinal avec future succession. Mais hélas ! un mal implacable, le cancer d'intestin, allait trop tôt clouer le zélé coadjuteur sur un lit de douleur. Le 17 avril 1923, Mgr Roy entrait à l'hôpital pour n'en plus sortir. C'est dans sa chambre de malade qu'il recueillit, le 18 juillet 1925, la succession de Mgr Bégin et que, le 10 janvier suivant, il reçut le pallium des archevêques, des mains de Mgr Langlois, auxiliaire de Québec. C'est là également qu'il mourut, un mois après, le 20 février 1926, à 65 ans d'âge, 39 de sacerdoce, 17 d'épiscopat et 7 mois de règne comme archevêque de Québec.

Bâti en colosse, avec six pieds de taille, solidement musclé et de figure énergique, la tête un peu altière, le front large, l'oeil clair et pénétrant, la physionomie expressive au possible, Mgr Roy respirait la force, la droiture et la dignité. C'était l'énergie et la volonté en chair et en os ! Il était évidemment marqué du ciel pour l'exercice de l'autorité. Doué des plus belles qualités de l'esprit et du coeur, cultivé d'une façon supérieure, naturellement éloquent et persuasif comme il n'en est pas beaucoup, ayant occupé les postes les plus élevés avec une rare dignité, grand en un mot de toutes les manières, cet évêque distingué, distant peut-être et autoritaire par tempérament, mais affable et bon par vertu, eût été sur le siège de Québec, s'il y était monté avec sa robuste santé d'autrefois, digne en tous points de ses illustres prédécesseurs, les Bégin, les Taschereau, les Plessis, les Briand et les Laval. Qui ne se souvient, à Québec et ailleurs, parmi ceux qui l'ont vu et entendu à l'oeuvre, de sa maîtrise d'allure et de parole, dans ses courses apostoliques, dans les chaires des basiliques et des cathédrales, dans ses croisades de tempérance, ou encore quand il présidait les grandes assemblées et les congrès, celui par exemple de la langue française en 1912 à Québec ?

Au lendemain de la mort de Mgr Roy, Mgr Alfred Langlois, aujourd'hui évêque de Valleyfield, alors devenu vicaire capitulaire et administrateur de Québec, dans une lettre au clergé, écrivait ces lignes, qui résument admirablement sa belle et féconde carrière :

Pendant dix-sept ans, sous la haute direction de notre regretté cardinal-archevêque, comme auxilaire puis comme coadjuteur, Mgr Roy a donné la mesure de ses dons supérieurs, en les consacrant aux oeuvres de jeunesse, de moralisation, de tempérance, de presse, d'action sociale et d'organisation ouvrière catholiques, avec un zèle, une énergie et une puissance de parole que nous n'oublierons jamais. Les travaux accomplis par ce prélat distingué sont inscrits en lettres d'or dans l'histoire de l'Eglise de Québec, et ils resteront, pour le clergé canadien tout entier, un honneur et un exemple immortels. Mais, ce qui surpasse encore ses mérites et sa gloire, c'est la force d'âme et l'inlassable résignation avec lesquelles l'illustre disparu s'est vu peu à peu défaillir au milieu des plus cruelles souffrances et a offert à Dieu le sacrifice suprême. Il fut, certes, admirable toute sa vie dans ses paroles et dans ses oeuvres. Il l'a été davantage sur son lit d'hôpital, car la douleur héroïquement supportée ajoute aux plus nobles dons de l'âme une auréole qui les complète et une majesté qui les couronne . . .

Rien n'est plus tragique et plus beau, en effet, du point de vue surnaturel, que ne le fut la mort de Mgr Roy, qui sut se montrer si vraiment supérieur aux souffrances les plus pénibles. C'est rongé vivant par un mal atroce et couché sur un lit de douleurs qu'il devint archevêque et reçut le pallium qui symbolise la force de Pierre le chef des apôtres. Qu'importe ! Il fut là si généreux et si vaillant qu'on est fondé à croire que la mystérieuse Providence lui aura fait prêcher, par l'exemple, mieux et plus peut-être qu'on ne saurait le faire par la parole, la plus haute et la plus méritoire des vertus chrétiennes et sacerdotales. Quelques jours avant de mourir, le 7 février 1926, Mgr Roy signait de sa main, à l'adresse de ses prêtres, le testament spirituel que voici :

Mes bien chers collaborateurs, — De mon lit de mort, voici les conseils que Dieu m'inspire de vous laisser et que je voudrais écrire avec les dernières gouttes de mon sang : 1. un zèle ardent pour toutes les oeuvres de la propagation de la foi, spécialement pour celle de notre société des missions étrangères et de notre séminaire Saint-François-Xavier. — 2. Un dévouement inlassable et vraiment surnaturel pour toutes nos oeuvres d'Action sociale catholique, en particulier pour celles de la presse, de la tempérance et des unions ouvrières catholiques. Veuillez agréer, avec ma plus affectueuse bénédiction, les voeux que je forme pour que se réalise de plus en plus parmi vous ma suprême et permanente devise dans le Sacré-Coeur de Jésus : Adveniat regnum tuum ! . . . »

Je ne sais rien au monde de plus touchant que cet adieu d'un archevêque mourant adressé à ses prêtres, et je ne sais rien, non plus, qui couronne plus superbement une carrière qui fut celle d'un apôtre et qui s'est auréolée pour finir de tout l'éclat d'un véritable martyre.

Source : Abbé Elie-J. AUCLAIR, Figures canadiennes. Première série, Montréal, éditions Albert Lévesque, 1933, 201p., pp. 176-183.

 
© 2003 Claude Bélanger, Marianopolis College