Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Octobre 2004

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

Louis Riel

 

 

RIEL (Louis) (1844-85), fils [de Jean-Louis Riel], président du Gouvernement provisoire, chef de la Rébellion.

 

L'aîné des onze enfants de Jean-Louis, il naquit à Saint-Boniface le 28 octobre 1844. Mgr Taché, secondé par la bourse de Mme Masson de Terrebonne, lui fit faire ses humanités, en 1858, au collège de Montréal; au décès de son père, Louis entrait en philosophie, mais dut réintégrer le foyer pour en   prendre la place; au retour, il demeura quelques mois à Saint-Paul et à Saint-Joseph aux Etats-Unis, puis s'établit à Saint-Vital sur la terre paternelle.

 

En 1869, le gouvernement fédéral résolut d'amener l'Ouest à entrer dans le pacte d'Union : il acquit de la Compagnie d'Hudson les immenses régions du Nord-Ouest pour la somme de 300.000 liv. st. De nouveaux colons anglais accouraient soudain de l'Est : ils firent signer à des Indiens enivrés des écrits, par lesquels ceux-ci leur cédaient de grandes étendues de terre, en partie occupées par des Métis français.

 

Survint bientôt le colonel John Stoughton Dennis « avec une troupe d'arpenteurs pour diviser et subdiviser le pays en sections, selon son bon plaisir » : tous se réservaient les meilleures pour eux et leurs amis de l'Ontario. Alarmé de tous ces procédés à l'égard des propriétaires naturels, Riel, avec quelques partisans, força un arpenteur, le 11 octobre 1869, à abandonner ses opérations, affirmant que l'Assiniboia n'appartenait point au Fédéral. Celui-ci avait nommé gouverneur William MacDougall. Riel résolut de l'arrêter au seuil de la colonie, en barrant la voie publique à Saint-Norbert et en la faisant garder par des Métis armés : le 21 octobre, le comité organisé défendit au gouverneur expressément l'entrée du pays. Le colonel Dennis voulut alors soulever les Anglais résidants contre cette défense : il subit un échec. Ne pouvant se rendre de Pembina au Fort-Garry (Winnipeg), MacDougall y envoya J.-A.-N. Provencher, son secrétaire, qui fut arrêté et reconduit à la frontière, le 1er novembre.

 

Le lendemain, Riel occupa le Fort et invita la population anglaise et française à élire 24 représentants, chargés de délibérer sur l'ensemble des réclamations que l'on porterait à Ottawa. Réunis le 16 novembre, ces députés ne purent s'entendre que sur un essai de liste de leurs droits. Le transfert de l'Assiniboia au Dominion avait été fixé au 1er décembre : on dut l'ajourner jusqu'à l'entente préalable avec ses habitants; néanmoins MacDougall lança une proclamation de lieutenant-gouverneur et chargea, le 7, le colonel Dennis de compter les récalcitrants. C'est alors que le gouverneur de l'Assiniboia; William MacTavish, se déclara déchu de son mandat. Le même jour, Riel s'empara des armes et munitions enmagasinées chez le docteur Schultz et fit prisonniers 45 gardiens.

 

L'administration d'Ottawa délégua auprès des insurgés l'ancien missionnaire Thibaut et le colonel Charles de Salaberry : mais ils étaient dépourvus de mandat écrit les autorisant à offrir des garanties. Peu après, M. Donald Alexander Smith (Lord Strathcona) arrivait d'Ottawa, muni de documents et convoqua une assemblée publique, le 19 et le 20 janvier 1870. L'on conclut à une nouvelle convention de 40 délégués des deux langues, convoquée le 25 du mois. M. MacTavish les avisa de former un gouvernement régulier. On nomma Riel président, Th. Dunn secrétaire, W. B. O'Donoghue trésorier, James Ross juge en chef, A. G. Bannatyne maître des Postes, Ambroise Lépine chef de la milice. Tel était le gouvernement, agréé par le Commissaire d'Ottawa; il prépara la liste des droits confiés à trois délégués, élus à l'unanimité. Tout était en bonne voie.

 

Le 15 février, survint un incident inattendu. Une bande de plus de 600 Canadiens-Anglais, conduite par le major William Boulton du Portage-la-Prairie, vinrent soudoyer les fermiers écossais qui venaient d'adhérer au gouvernement de leurs députés, et se présentèrent au Fort-Garry : Riel fit relâcher le reste des détenus pour éviter un conflit sanglant. Néanmoins, le 17, un parti exalté repasse devant le Fort : O'Donoghue en capture 48 hommes. Le Conseil prononça la peine de mort contre Boulton et contre le déserteur Thomas Scott : le premier fut relâché; le second, violent dans ses paroles et ses actes, insubordonné sous les verrous, fut exécuté le 3 mars. « Après cela, écrit un Anglais contemporain, le gouvernement provisoire eut la paix jusqu'à l'arrivée du colonel Wolseley. »

 

Cependant, les autorités d'Ottawa, de concert avec la métropole, avaient expédié à la Rivière-Rouge un corps de 1,150 soldats, afin d'assurer le transfert du pays et de protéger les colons nouveaux; elles avaient rappelé du Concile du Vatican Mgr Taché comme pacificateur. Celui-ci s'appuyant sur des promesses formelles, annonça une amnistie du passé et dissuada Riel de toute résistance aux troupes de Wolseley. Riel députa aussitôt les trois délégués à Ottawa. Ceux-ci présentent au gouvernement la liste des droits, qui réclamait entre autres clauses : la reconnaissance officielle du français à l'égal de l'anglais et les écoles séparées. Ces demandes, et la plupart des autres, furent .insérées dans l'Acte du Manitoba ou Constitution du 15 juillet 1870, jour du transfert effectué.

 

Sir George-Etienne Cartier, ministre, avisa Riel de rester au gouvernement jusqu'à l'arrivée du colonel Wolseley, ainsi que du lieutenant-gouverneur, A. G. Archibald. A l'approche des troupes, on clama : Riel le rebelle! Celui-ci dut s'enfuir aux Etats-Unis avec O'Donoghue et Lépine, laissant grandes ouvertes les portes du Fort-Garry, que franchit le colonel avec apparat, le 24 août 1870.

 

En octobre 1871, Riel leva une troupe de 200 à 300 Métis volontaires pour s'opposer aux Féniens des Etats-Unis : service dont le gouverneur le remercia dans une assemblée publique. Il fut plusieurs fois élu aux Communes; mais, par déférence envers son évêque, il se désista généralement en faveur de quelque Canadien influent, par exemple de sir G.-E. Cartier, mis en échec dans sa propre circonscription en 1872. S'il avait pris parti pour les Féniens désireux d'annexer le pays à leur République, il paraît certain que tout l'Ouest .eût passé aux mains des Américains. Agissant de concert avec environ 2.000 cheminots étrangers congédiés sur les voies ferrées, les Métis français n'eussent rencontré qu'une résistance inefficace sous l'influence de son évêque, il sauva à la Couronne les deux tiers du Canada actuel.

 

Néanmoins sa tête était mise à prix. Le 31 décembre 1870, par un juge de paix, en 1872 par la prime de 5.000 dollars du gouverneur de l'Ontario : le 17 septembre 1873, il dut s'enfuir aux Etats-Unis. Mais il fut élu aux Communes en janvier 1874, s'y présenta, fut expulsé le 15 avril officiellement et mis hors la loi le 24 février 1875. Son état mental se troubla et on l'admit dans un asile de Québec jusqu'au 21 janvier 1878.

 

Retiré d'abord à Washington, il séjourna un an à Saint-Joseph du Minnessota [sic], gagna ensuite le Montana, où il épousa Marguerite Monet-Belhumeur, fille d'un Métis français du fort Elliott, dont il eut un fils le 4 mai 1882 et une fille le 17 septembre 1883. Il exerçait les fonctions d'instituteur à la mission Saint-Pierre desservie par les Jésuites, quand le 4 juin 1884, une députation de Métis de la Saskatchewan vint le remettre sur la scène politique, en lui confiant la direction de leur campagne contre l'inertie du gouvernement sourd à leurs justes réclamations.

 

Les causes de la rébellion de la Saskatchewan, où vivait un grand nombre de Métis français, provenait du flot montant de l'immigration blanche : ils signèrent, dès 1878, des pétitions réclamant des titres légaux de leurs propriétés, sans nul résultat. De plus les arpenteurs officiels exécutaient par ordre leurs travaux sans prendre en considération ni la forme, ni les limites des terres des Métis. Après des débuts empreints de modération, Riel se laissa aigrir graduellement, en raison des soucis de l'agitation qu'il provoquait en leur faveur, en raison de l'indifférence témoignée à ses démarches de conciliation, en raison enfin des contradictions inséparables de la campagne qu'il menait : il sentit renaître les accès de sa première maladie mentale. En dépit des avertissements des missionnaires, il constitua un Gouvernement Provisoire, le 18 mars 1885, avec Gabriel Dumont comme chef de sa milice: c'était juste au moment où le Fédéral d'Ottawa télégraphiait la concession des principales requêtes de ses compatriotes.

 

Le président Riel établit ses quartiers généraux à Batoche, sur la rive gauche de la Saskatchewan du Sud, dont il saisit l'église. Puis se voyant abandonné du clergé, qui désapprouvait son insurrection, il osa se créer lui-même une religion qu'il fit partager à ses adhérents, et commença à jouer au prophète. Une rencontre à main armée se produisit, près du lac Canard, entre ses partisans et 140 soldats commandés par le major Crozier, qui laissa 12 morts sur le terrain contre 4 tués du côté dès Métis. L'effet moral du succès rangea aussitôt sous l'étendard de Dumont de nombreuses recrues, malgré l'avis des missionnaires prisonniers à Batoche.

 

Après la victoire, Riel s'adressa aux Indiens pur sang. Le Père Lacombe retint la populeuse tribu des Pieds-Noirs. Mais deux chefs cris non catholiques, Gros-Ours et Faiseur d'Enclos, partagèrent la révolte. Le matin du Jeudi-Saint, 2 avril, les Sauvages du premier massacraient inhumainement, au lac la Grenouille, les Pères Léon Fafard et Félix Marchand, deux missionnaires Oblats, ainsi que l'agent des Indiens, leur fermier-instructeur, cinq autres blancs.

 

Aux premières nouvelles, le gouvernement fédéral leva en hâte des troupes de volontaires qu'il dépêcha aux points stratégiques les plus menacés. Environ 4.400 hommes de toutes armes furent enrôlés et mis sous les ordres du général Frederick Middleton, qui les divisa en trois colonnes : il commanda la première, qu'il dirigea de Qu'Appelle, après une marche de 250 milles, sur Batoche; le colonel Otter la seconde, qui franchit 230 milles, de Swift Current à Battleford : le général Strange la troisième, qui parcourut 180 milles, de Calgary à Edmonton et Saint-Albert.

 

De son côté, Gabriel Dumont alla, avec une partie de ses troupes, rencontrer la première colonne. Le 24 avril, il soutint, à un ravin appelé Anse-au-Poisson, avec 50 des siens, le feu de 350 soldats dont il tua ou blessa dix mortellement, en perdant 4 hommes; il se replia sur Batoche, où Riel s'était retranché . L e 2 mai, le colonel Otter se mesurait au Couteau-Coupé avec les gens de Faiseur-d'Enclos qui, de 5 heures à midi, lui tua 8 soldats et en perdant 5, mais força l'ennemi à la retraite. Le chef sauvage fit cesser le feu, au lieu de le poursuivre pour le mettre en déroute. Le 9 mai, Middleton, muni de canons et de mitrailleuses, alla assiéger Batoche durant trois jours. Le quatrième jour, les troupes canadiennes, qui blâmaient l'hésitation du commandant, s'ébranlaient d'elles-mêmes sous la conduite du colonel Williams et prirent la place d'assaut; tuant 11 Métis et 3 Sauvages, en blessant 30; les Canadiens avaient 8 tués dont 4 officiers et 46 blessés. Dumont et d'autres s'enfuirent aux Etats-Unis; mais Riel, qui aurait pu les imiter, resta rôder dans les environs et fut arrêté, le 16 mai, par des éclaireurs ennemis.

 

Le 26 mai, le Faiseur-d'Enclos se soumit; mais le Gros-Ours ne fut capturé que le 2 juillet. Les résultats étaient en morts : Canadiens, 30; Métis et Sauvages, 29; blancs massacrés, 12; plus tard, coupables exécutés à Régina et à Battleford, 9; total, 84. Les pertes matérielles furent surtout au détriment des missions catholiques : sept églises avec les presbytères, pillés par les Indiens rebelles, ruinés de fond en comble.

 

Riel et les membres du Conseil furent internés à Régina pour y subir leur procès. La cause du chef fut plaidée devant le juge Richardson et la moitié d'un jury anglais. Des spécialistes le déclarèrent non responsable de ses actes en matières politique et religieuse : néanmoins il fut condamné à mort le 1er août suivant : il mourut sur l'échafaud le 16 novembre 1885, tandis que onze de ses principaux adhérents furent relégués au pénitencier. Huit Sauvages étaient condamnés à mort, le 27 du même mois, ainsi que les chefs Gros-Ours et Faiseur-d'Enclos. Tous finirent leur vie chrétiennement.

 

BIBL. - R. P. A. Morice, Hist. de l'Egl. cath . dans le N.-O. , t. II, Montréal, 1922; Bull. des Rech. hist, tabl. gén., 1925; H. Garneau, Hist. du Can., t. II, Paris, 1920.

 

Source  : R. P. L. LeJeune, o.m.i., Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religuses du Canada , Université d'Ottawa, Vol. 2, 1931, 829p., pp. 527-529.

 

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College