Quebec History Marianopolis College


Date Published:
août 2004

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Louis-Alexandre Taschereau

 

L'ancien premier ministre de la province de Québec, l'hon. Alexandre Taschereau c.r., LL.D., grand'croix de la Légion d'honneur, commandant de l'Ordre de la couronne de Belgique, ancien bâtonnier de Québec et de la Province, est décédé à sa demeure de la Grande-Allée, à Québec, le 6 juillet 1952, à l'âge de 85 ans. Il était gravement malade depuis plusieurs semaines et sa santé avait commencé à décliner peu après le décès de sa femme, quelque cinq mois plus tôt.

 

Né à Québec le 5 mars 1867, il avait reçu sa formation au Séminaire de Québec (1878-1886), et fait son droit à l'Université Laval où il avait remporté tous les honneurs, avec les médailles du gouverneur général, lord Lansdowne, du juge Tessier et du lieutenant-gouverneur Angers. Il fit sa cléricature sous son frère, Édouard (1863-1891), à l'étude Montambault, Langelier et Taschereau.

 

Admis au Barreau de la Province en juillet 1889, il débuta à Québec avec son oncle, sir Charles Fitzpatrick et l'Hon. Simon-Napoléon Parent (1855-1929), premier ministre de la Province de 1900 à 1905. Sir Charles Fitzpatrick devenu juge à la Cour suprême et l'Hon. S.-N. Parent ayant quitté le droit et la politique pour entrer dans l'administration, L.-A. Taschereau devint l'associé principal de l'étude, qui se reforma avec, entre autres, Arthur Cannon (1877-1939) et Georges Parent, qui furent ses associés professionnels pendant de longues années et auxquels s'adjoignirent plus tard ses fils, Paul et Robert.

 

Conseil du roi en 1903, syndic du Barreau de Québec en 1908, il fut bâtonnier de Québec en 1911 et de la Province en 1912.

 

Dans sa jeunesse, L.-A. Taschereau fit du journalisme militant à l'Union libérale. À l'âge de 25 ans, il était candidat au siège du comté de Dorchester, en 1892. Élu, en 1900, dans Montmorency, il devait représenter ce collège électoral pendant trente-six années consécutives, ayant été réélu neuf fois.

 

De 1906 à 1908, il fit partie du conseil de ville de Québec.

 

En octobre 1907, il entrait au Conseil exécutif de la Province comme ministre des travaux publics et du travail dans le gouvernement de sir Lomer Gouin. À cette époque, un ministre nouvellement assermenté devait se présenter de nouveau à ses électeurs. Il se fit réélire dans sa circonscription de Montmorency.

 

En août 1919, il devenait procureur général de la Province, encore dans le cabinet Gouin. Moins d'une année plus tard, sir Lomer Gouin démissionnait comme premier ministre pour devenir ministre de la justice du Canada. Il désigna comme son successeur l'hon. L.-A. Taschereau qui devint alors chef du parti libéral et chef du gouvernement de la Province. En juillet 1920, celui-ci était assermenté comme procureur général, premier ministre et président du Conseil exécutif de la Province.

 

Son administration, dans les quinze années qui suivirent, est entrée dans l'histoire de la Province. Les dix premières années de son régime furent marquées par un intense développement industriel, tandis que la seconde partie fut caractérisée par la dépression économique et la période de chômage qui déferlèrent sur tout le continent après 1930.

 

Parmi les mesures législatives et administratives qu'il a particulièrement inspirées, on peut noter la Loi des accidents du travail, la Loi des liqueurs alcooliques (qui institua la régie d'État du commerce des alcools), la Loi de l'assistance publique, qui souleva à l'origine une vive opposition, mais s'avéra tôt nécessaire, l'imposition sur les lieux d'amusement en fonction des oeuvres d'hospitalisation et de charité, l'impulsion à la colonisation, à l'agronomie, à l'hygiène publique, la refonte des lois du Québec (1925), le développement du réseau routier de la province, en particulier le premier chemin de ceinture (1929) de la péninsule de Gaspé, la création, en 1929, d'un service de géologie et de minéralogie, l'encouragement aux beaux-arts par la création des Écoles de Québec et de Montréal, et le Musée de la Province, à Québec.

 

Comme chef du gouvernement, l'Hon. L.-A. Taschereau fit renouveler son mandat populaire et il fut réélu aux élections de 1923, 1927, 1931 et 1935.

 

Parmi ses activités extérieures, on note les courageuses conférences qu'il prononça aux clubs Empire et Women's, de Toronto sur l'Habitant canadien-francais et la Noblesse canadienne-française (1) ; son voyage en Europe, à l'automne de 1926, où il s'arrêta à Londres, Paris et Rome; sa participation à diverses conférences fédérales-provinciales, où il se fit l'invariable champion des droits constitutionnels et des traditions religieuses et nationales de la province de Québec.

 

Hôte d'honneur, en 1934, de la délégation française comme chef de la Province, lors des fêtes du quatrième centenaire de la découverte du Canada, il fut créé, à cette occasion, avec S. E. le cardinal Villeneuve, grand'croix de la Légion d'honneur, dont il était déjà officier depuis dix ans. Avec sir Wilfrid Laurier, tous trois ont été les plus éminents dignitaires de cet Ordre parmi nos compatriotes (2). Depuis 1926, il était également commandant de l'Ordre de la couronne de Belgique.

 

En 1908, l'Université Laval lui avait conféré un doctorat en droit, honoris causa .

 

En juin 1936, il démissionnait comme chef du parti libéral et chef du gouvernement, et il désignait, pour lui succéder, l'hon. Adélard Godbout. Il avait présidé aux destinées de la Province pendant seize années moins un mois. Sa retraite de la vie publique fut dès lors définitive et il reprit l'exercice de sa profession. Jusqu'au début de 1952, il fut assidu à son étude d'avocat.

 

De 1939 à 1945, il avait été l'un des patrons d'honneur des emprunts de la victoire et, en 1944, président honoraire conjoint de la campagne nationale de la Croix Rouge.

 

Le 26 mai 1891 il épousait, à Ste-Anne-de-la-Pocatière, Adine Dionne (1871-1952). Elle s'éteignit quelques mois avant son illustre mari, en janvier 1952. Lui survivent deux filles et trois fils: Gabrielle (épouse de feu le colonel Cortland Fages) de Québec, Juliette (madame Louis-Philippe Gélinas) de Montréal, Me Paul Taschereau c.r., son associé professionnel, l'hon. Robert Taschereau, juge à la Cour suprême du Canada, et Charles Taschereau, ing. p., de même que plusieurs petits-enfants.

 

Il avait, entre autres, deux frères, Antoine et Edmond (1868-1946), notaire, celui-ci père de Me André Taschereau c.r., LL.D., ancien, bâtonnier de la Province et l'actuel président de l'Association du Barreau canadien, et trois soeurs, Louise, mariée d'abord à Christian Hecker, puis à P. B. Dumoulin, père de Me Jacques Dumoulin c.r., bâtonnier de la Province, Hélène, mariée à William Duval, et Caroline (épouse du docteur Patrice Coote), mère de Me Gerald Coote c.r., de Québec.

 

Ses obsèques eurent lieu à l'église du Saint-Coeur-de-Marie de Québec. Y assistaient S. E. Mgr l'archevêque de Québec, Mgr le recteur de l'Université Laval, de nombreux dignitaires ecclésiastiques, le t. h. premier ministre du Canada et plusieurs membres de son cabinet, des membres du Conseil Privé du Canada, les délégués de l'hon. premier ministre de la province, alors en tournée électorale, des membres du cabinet provincial, le maire de Québec, le président du comité exécutif de la Ville de Montréal, le chef du parti libéral provincial et le chef de l'opposition conservatrice à Ottawa, les Hon. juges en chef de la Cour du banc de la reine et de la Cour supérieure, de nombreux magistrats, des membres du Sénat, l'Hon. président du Conseil législatif, des représentants des facultés, professions libérales et corps publics, et l'innombrable foule du peuple québécois, de toutes les sphères.

 

Inhumation au cimetière Belmont, à Québec.

 

Issu d'une famille qui porte « le plus beau nom de la race française en Canada » (3), les ascendants et alliés de l'Hon. L.-A. Taschereau sont bien connus. Consignons quelques faits (4).

 

Son père, Jean-Thomas Taschereau (1814-1893) , avocat à Québec en 1836, fut juge à la Cour supérieure en 1865, à la Cour du banc de la reine en 1873 et à la Cour suprême du Canada en 1875. Le cousin de Jean-Thomas, sir Henri-Elzéar Taschereau (1836-1911) lui succéda à la Cour suprême en 1878, devint juge en chef du Canada en 1902 et membre du Conseil Privé du Canada en 1904.

 

Issu d'un premier mariage de Jean-Thomas, sir Henri-Thomas Taschereau (1841-1909), demi-frère du premier ministre, juge à la Cour supérieure en 1878, fut juge en chef de la Province de Québec en 1907.

 

La mère du premier ministre, Joséphine Caron, était fille de René-Edouard Caron (1800-1875) qui fut le premier maire de Québec en 1834, président du Conseil législatif en 1843, juge à la Cour supérieure en 1853, et enfin lieutenant-gouverneur de la Province en 1873.

 

Son grand-père paternel, Jean-Thomas Taschereau (1778-1832), avocat en 1801, était député de Dorchester en 1800, et l'un des directeurs du Canadien. A ce titre il fut écroué pendant trois mois par le gouverneur Craig en 1810. Adjudant général adjoint des milices du Bas-Canada et combattant à Châteauguay en 1813, il devint juge à la Cour du banc du roi en 1827. Par son mariage à Marie Panet, fille de Jean-Antoine Panet, premier président de la Chambre de Québec en 1792, Jean-Thomas fut le père du premier cardinal canadien, intronisé en 1886.

 

Le bisaïeul de l'Hon. L.-A. Taschereau, Gabriel-Elzéar Taschereau (1741-1809), l'un des défenseurs de Québec aux sièges de 1760 et 1775, fut juge à la Cour des plaidoyers communs de Montréal, en 1777, député de Dorchester au premier parlement de 1792, seigneur de la Beauce, colonel de milice et membre du Conseil législatif en 1798.

 

Enfin, son premier aïeul français, Thomas-Jacques Taschereau (1680-1749), originaire de Tours, arrivé en Nouvelle-France en 1726, fut secrétaire et membre du Conseil supérieur, lequel était à la fois chambre législative et cour d'appel. Il avait épousé, près de la cinquantième année, en 1728, Claire Fleury de La Gorgendière (1708-1797), petite-fille de Louis Jolliet, le découvreur du Mississipi.

 

Les portraits physiques et moraux de l'Hon. L.-A. Taschereau ont été nombreux, du fait même de sa longue vie publique. A son décès la presse canadienne en dressa un, coloré. Au-dessus de la taille moyenne, de mince silhouette, il avait des traits nettement accentués, le torse droit, le geste sobre, l'oeil bleu, la démarche souple. D'esprit incisif, il avait la parole brève. Réputé d'un abord froid, et expéditif aux affaires d'Etat, il était, attestent ses intimes, un causeur recherché qui aimait l'anecdote et les fins mots (5).

 

La presse de la province et du pays a été unanime à rappeler, lors de son décès, son oeuvre législative et administrative, ses qualités d'homme d'Etat, de juriste au coup d'oeil rapide, de travailleur inlassable, et à saluer en l'éminent disparu l'un des grands premiers ministres de la Province de Québec.

 

(1) Montréal, Imprimerie Le Canada, 1922, avec préface de F[ernand] R[infret].

 

(2) Aegédius Fauteux, Le Courrier historique et littéraire, LA PATRIE; Montréal, 5 avril 1936.

 

(3) Sir Wilfrid Laurier dixit, 1892.

 

(4) P.-G. Roy, La Famille Taschereau, Lévis 1901, et Les avocats de la région de Québec, Lévis, 1936.

 

(5) P.-E. Parent, L'hon. L.-A. Taschereau . . . Trente-cinq années de vie publique, 1900-1935 , V. Le Mois, Paris, avril 1933.

 

Source : Jean-Jacques LEFEBVRE et Robert LÉVÊQUE, « Nos Disparus : Louis-Alexandre Taschereau, », dans Revue du Barreau , vol. 12, 1952, pp. 396-400. Article reproduit avec l'aimable permission des éditeurs de la Revue du Barreau. Le texte a été reformaté pour l'édition sur le web.

 

 

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College