Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Janvier 2005

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Les derniers moments de Cartier

 

 

 

A l'automne de 1872, Cartier s'embarquait à Québec pour aller se reposer et consulter les maîtres de l'art médical à Londres. Le travail professionnel et parlementaire l'avait usé. Sa récente défaite à Montréal, sa ville aimée, l'avait accablé. Il partait, atteint du mal de Bright, avec le pressentiment qu'il ne reverrait plus ces horizons enchanteurs: la vallée fertile du Richelieu, le Mont-Royal, le fleuve majestueux, les douces Laurentides, le promontoire de Québec, la côte de Gaspé. Et cet homme fort pleura devant la foule qui lui disait adieu.

 

Avant son départ, il avait mis ordre à ses affaires spirituelles, sachant bien que les voyages à la recherche de la santé finissent toujours par la mort.

 

Dans la métropole de l'empire britannique et du monde, sous ce ciel brumeux qui semble éteindre toute espérance, Cartier vécut pour mourir. Il s'y prépara sérieusement, retrouvant dans la piété de sa jeunesse des consolations à ses peines et un baume à sa souffrance.

 

Les médecins furent impuissants à retarder la fin de cette vie précieuse. Cependant, au commencement de mai 1873, Cartier espérait pouvoir rentrer au Canada. Mais il rechutait quelques jours après. Il reçut avec foi les derniers sacrements. Et le 20 mai, sa femme et ses deux filles à son chevet, il rendit son âme â Dieu.

 

La réception de cette nouvelle dans la capitale canadienne, rapporte le Courrier d'Outaouais, causa une plus grande consternation que l'assassinat de Thomas d'Arcy McGee par le Fénien Whelan, en 1868.

 

A la chambre des députés, tous ces parlementaires loquaces ne trouvaient pas un mot à se dire tant la tristesse était générale et profonde. Ce fut au milieu d'un silence saisissant que sir John Macdonald se leva et lut le télégramme suivant envoyé par sir John Rose: « Cartier a eu une attaque il y a huit jours, depuis lors il n'a fait qu'empirer et ce matin à six heures il est mort tranquillement. Son corps sera envoyé au Canada par le steamer du 29. » Le premier ministre ajouta: « Monsieur le président, je me sens incapable d'en dire plus long, » et il fondit en larmes. Il se rassit aussitôt, et, la main droite sur le siège vacant de sir Georges, il pleura comme on pleure son meilleur ami. Les Com munes votèrent des funérailles d' État et l'érection d'un monument dans le cimetière de la Côte-des-Neiges.

 

Les restes de Cartier arrivèrent à Québec le 8 juin sur le Prussian, et ils furent immédiatement reçus en chapelle ardente sur le Druid. Un libéra fut chanté dans la basilique de Québec, et une oraison funèbre fut prononcée par l'abbé Antoine Racine, qui devint le premier évêque de Sherbrooke l'année suivante. Le Druid, dans sa marche vers Montréal, fit un arrêt aux Trois-Rivières où un libéra fut chanté dans la cathédrale; le grand vicaire Caron prononça l'éloge de Cartier.

 

Arrivé à Montréal le 11 juin, le corps fut déposé en chapelle ardente dans le Palais de Justice jusqu'au 13 juin, jour des funérailles. Le convoi suivit les rues Notre-Dame, Bonsecours, Saint-Denis, Sainte-Catherine, Saint-Laurent et Craig, pour déboucher sur la Place d'Armes. Une faible partie de cette foule d'environ 100,000 personnes put entrer dans l'église Notre-Dame. Le service fut chanté par Mgr Fabre, beau-frère de Cartier et sacré évêque de Gratianopolis le 1er mai précédent. L'inhumation eut lieu au cimetière de la Côte-des-Neiges. Les gouvernements fédéral et provincial, la magistrature et le barreau, le clergé et le peuple furent largement représentés. On n'avait jamais vu un pareil concours d'admirateurs à des funérailles.

 

Cartier n'avait pas rougi de l'Eglise ni de ses droits durant sa vie, l'Eglise ne rougit pas de lui après sa mort.

 

Il avait aimé le peuple, et le peuple s'agenouilla sur sa tombe, témoignant sa reconnaissance à son plus fidèle serviteur.

 

Source  : Charles-Édouard LAVERGNE, « Les derniers moments », dans Georges-Étienne Cartier - Homme d'État canadien : 1814-1873 , Montréal, Langevin et l'Archevêque, 1914, 91p., pp. 65-69.

 

 

 

 

 

 

 
© 2005 Claude Bélanger, Marianopolis College