Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juin 2006

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Jean-Armand, baron de Dieskau

 

DIESKAU (Jean-Armand, baron de) (1701-67), officier, aide de camp, gouverneur de Brest, maréchal de camp, commandant en chef des troupes au Canada.

 

Né en Saxe en 1701, il embrassa la carrière des armes. Maurice, comte de Saxe, ayant pris du service en France, où il fut promu maréchal de camp en 1720, s'attacha son com­patriote à titre d'aide de camp. Jean-Armand en reçut plusieurs missions diplomatiques se­crètes en Courlande, à Saint-Pétersbourg et l'accompagna dans ses victorieuses campa­gnes (1733-44). En 1744, Maurice fut promu par Louis XV maréchal de France et remporta sur les Anglais, l'année suivante, la victoire de Fontenoy et, en 1746, celle de Raucoux : il fut créé maréchal général. En 1747, nouveaux succès en Hollande, qui hâtèrent la conclusion de la paix d'Aix-la-Cha­pelle. Aussitôt, le baron Dieskau, officier d'état-major, fut nominé maréchal de camp et gouverneur de Brest.

 

Sans nulle déclaration de guerre, les hostilités mettaient aux prises les Anglo-Américains et les défenseurs de la Nouvelle-France: en 1754, M. de Jumonville avait péri dans un guet-apens. M. d'Argenson leva des compa­gnies de réguliers et se prépara à les expé­dier comme troupes de renfort au Canada. Une escadre de quatorze navires, portant en­viron 3.000 soldats, partit de Brest, le 3 mai 1755, sous le commandement de l'amiral Dubois de la Motte : le gouverneur de Vau­dreuil et le baron de Dieskau étaient à bord. Dans les parages de Terre-Neuve, l'Alcide et le Lys furent capturés par la flotte de Bos­cawen : M. Rigaud de Vaudreuil, plusieurs officiers et huit compagnies, faits prisonniers, le 7 juin. Le 23, l'escadre entrait en rade de Québec.

 

Le mois suivant, des milices levées à New-York et ailleurs se rassemblaient à Albany, en vue de tomber sur le fort Saint-Frédéric : elles formaient un corps de 3.000 hommes, sous les ordres du major Phinéas Lyman, commandant en second, le 8 août 1755, tan-dis que le général en chef, William Johnson (V. ce nom) les suivait avec bateaux, vivres, artillerie. Arrivé au portage situé entre l'Hudson et le lac Saint-Sacrement. (George), Lyman y commença le fort Edward ou Lydius sur la rive gauche de la rivière. Johnson accéléra sa marche, atteignit le lac et se proposa de venir de Carillon au lac Champlain. Mais il apprit que l'armée de Dieskau s'ap­prochait vers ses retranchements.

 

Le 1er septembre, le baron se trouvait à la tête de 3.573 hommes. Il sut que l'ennemi travaillait à avancer les travaux de Lydius et à y emmagasiner les munitions et les provisions. Résolu à l'enlever d'un coup de main, il se mit en marche, laissant à Carillon plus de 2.000 hommes d'arrière-garde, avec 220 soldats réguliers, 680 Canadiens, commandés par M. Le Gardeur de Repentigny, et 600 Sauvages domiciliés conduits par M. Le Gar­deur de Saint-Pierre. M. de Vau­dreuil prétend lui avoir expressément ordonné dans ses instructions de n'attaquer qu'avec toutes ses forces réunies. On avertit le baron que 900 ennemis étaient retranchés sous la place : il négligea ce signalement. Pour éviter la rencontre avec Johnson, le gé­néral s'avança par eau, remontant le lac Champlain et débarquant à la haie du Grand-Marais (South Bay), à six lieues environ du fort Lydius. Le soir du 7 septembre, le corps de troupes bivouaquait sur le bord de l'Hud­son, à la distance d'une lieue. Mais les alliés indigènes se refusaient soudain d'attaquer un fort situé en territoire anglais; et le baron dut céder à leur désir de marcher au campement de Johnson, établi en territoire fran­çais : il abandonna l'assaut du fort Edward. Le lendemain, l'armée franchit les hauteurs pour tomber sur l'ennemi, éloigné d'environ cinq lieues.

 

W. Johnson commandait 2.500 hommes dont 300 Agniers. Il détacha le colonel Williams, avec 1.200 guerriers, pour voler au secours du fort; et il marcha à la rencontre des Français. Dieskau fit faire halte aux réguliers du centre, poussa à sa droite les Canadiens qui déposent leurs sacs trop embarrassants, et à sa gauche les alliés, avec or­dre de se coucher à terre et de foncer sur les flancs ennemis au premier feu du centre. Mais le tir prématuré des Sauvages donna l'éveil de l'embuscade à Williams, qui fut néanmoins surpris par l'assaut immédiat des réguliers et des Canadiens. Le commandant de Saint-Pierre étant tombé, les Sauvages vengèrent sa mort avec fureur, mettant l'ennemi en déroute et tuant Williams et Hendrich, chef des Agniers. Dans la poursuite, un second détachement de renfort fut culbuté en un instant. Le général français voulut profiter de ce pêle-mêle pour pénétrer avec les fuyards dans le camp retranché de Johnson. Mais une partie des alliés et des Canadiens, épuisés depuis le matin, se mit à relever les blessés. Le baron, vers onze heures du 8 septembre, se résolut à les entraîner avec la moitié de ses effectifs et mar­cha en avant jusqu'au parapet, formé de bateaux, de chariots et d'arbres renversés et muni de quatre canons. Les réguliers, après un feu de peloton, s'élancent à la baïonnette contre les abattis : un feu de mousqueterie et de mitraille à bout portant les ramena en arrière : ils persistèrent jusqu'à deux heures. Les renforts canadiens et alliés donnaient de droite et de gauche. M. Dieskau, en vrai hé­ros, mit l'épée à la main, entraînant les siens à l'assaut : mais il reçut deux blessures presque en même temps. Le chevalier de Montreuil, son aide-major, qui avait le bras percé près de lui, l'amena proche d'un arbre et le fit porter hors de la ligne de feu. Puis, le blessé envoya son aide-major rani-mer l'attaque et refusa de se laisser écarter, disant « que le lit où il se trouvait était aussi bon pour mourir que celui qu'on lui voulait donner ». Il demanda sa longue-vue et son manteau et ordonna à son entourage de s'éloigner. Les troupes réglées, réduites à une centaine d'hommes, se repliaient avec les Canadiens et les alliés. L'action durait depuis cinq heures. Les ennemis gardaient leurs re­tranchements, excepté quelques maraudeurs, dont l'un, ancien déserteur français de New-York, tira sur le général une balle qui lui traversa les deux cuisses, et le fit prisonnier. M. de Montreuil rallia les troupes en désor­dre et les ramena à Carillon. Les Français avaient 97 hommes tués et 130 blessés ou pris, et parmi eux 13 officiers dont 9 Cana­diens; les Anglais, 262 tués dont le colonel Pitcombe, et le général Johnson et le major Nichols au nombre des blessés.

 

Le 14 septembre, M. Dieskau écrivit à M. d'Argenson : « Comme j'étais près du camp ennemi, je m'avançai avec les 200 hom­mes de troupes réglées pour m'en saisir, per­suadé que les Canadiens ne m'abandonneraient pas, et que les Sauvages reviendraient peut-être, mais inutilement. Les troupes réglées eurent sur elles tout le feu et y périrent presque toutes; je fus jeté à terre par trois coups de feu, dont aucun n'était mor­tel, mais j'en reçus un quatrième qui passa d'une cuisse à l'autre en traversant la vessie.» II ajoutait : « J'ignore en ce moment quel sera mon sort. Je reçois tous les secours possibles de M. de Johnson, général de l'armée anglaise, tels qu'on peut attendre d'un galant homme, plein d'honneur et de sentiment.» Il fut transporté en Angleterre en 1757. Rendu à la liberté à la fin de la guerre, il se retira à Suresnes, près de Paris, où il mourut des suites de ses blessures, en 1767.

 

Source : Louis LE JEUNE, «Jean-Armand, baron de Dieskau», dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. I, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931,  862p., pp. 514-515.

 
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