Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Février 2007

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Histoire de la littérature canadienne-française

Le théâtre

 

[Ce texte a été publié en 1954. Pour la référence bibliographique précise, voir la fin du document.]

 

ÉLÉMENTS DU THÉÂTRE. — Le Théâtre comporte trois éléments essentiels : une pièce vivante faite pour être jouée, des acteurs qui sachent leur métier, une mise en scène qui crée le milieu exigé par le jeu.

Jusqu'à ces dernières années, l'art dramatique n'a guère été cultivé au Canada français, d'où la rareté des oeuvres de valeur. D'autre part, les acteurs étaient ou des étrangers ou des amateurs qui n'avaient que peu ou point de formation professionnelle. Si notre Théâtre fait aujourd'hui meilleure figure, il faut avouer que, pendant longtemps, il fut fort pauvre, même inexistant, d'après l'opinion de certains critiques.

SOUS LE RÉGIME FRANÇAIS. — Le régime français connut quelques représentations théâtrales. Dans Un épisode de l'Histoire du Théâtre au Canada (Mémoires de la Société Royale du Canada, Section 1, 1898, p. 54), l'abbé Auguste Gosselin écrit : « A cette époque, c'est au magasin, à la maison des Cent-Associés, que se réunit l'élite de la société canadienne pour assister à la représentation de quelque pièce de Corneille. Plus tard, c'est au château Saint-Louis que le gouverneur convie ses invités ».

Le Journal des Jésuites mentionne que « le 28 juillet, M. le gouverneur d'Argenson, arrivé le 11 juillet 1658, nous fit l'honneur, avec M. de Queylus, de dîner chez nous, où il fut reçu par la jeunesse du pays d'un petit drame en français, huron et algonquin, dans notre jardin, à la vue de tout le peuple de Québec. »

APRÈS LA CESSION. — Après la cession, les 60,000 colons français auraient pu transposer à la scène le drame qu'ils venaient de vivre; mais ils n'avaient ni le temps, ni les aptitudes, ni les moyens, ni même la pensée de composer des tragédies et des comédies. C'est Joseph Quesnel, né en France et venu au Canada en 1779, qui ouvre la liste de nos auteurs dramatiques. Il fit jouer Colas et Colinette et écrivit trois ou quatre autres pièces, parmi lesquelles l'Anglomanie, comédie légère qui renferme d'excellentes leçons.

NAISSANCE DU THÉÂTRE CANADIEN D'EXPRESSION FRANÇAISE. — Ceux des écrivains canadiens d'avant 1900, qui ont composé pour le théâtre, avaient plus de bonne volonté que de connaissance des règles de l'art dramatique et des conventions scéniques. La plupart de leurs œuvres sont artificielles ; elles manquent de vie, d'unité, de simplicité, de naturel ; quelques-unes même pèchent contre le hors sens. Toutefois, ces auteurs, parce qu'ils ont osé s'aven­turer dans cette voie périlleuse, et en dépit de leurs déficiences, méritent qu'on rappelle leurs noms. Leurs essais, tout imparfaits qu'ils sont, marquent le point de départ d'un Théâtre vraiment canadien, digne d'un peuple adulte fier de sa culture.

NOS PREMIERS AUTEURS DRAMATIQUES. — Antoine Gérin-Lajoie, encore étudiant au collège de Nicolet, avait lu l'aventure d'un jeune patriote, fils de Charles de la Tour, gouverneur de l'Acadie. Il voulut faire de ce jeune homme le personnage central d'une tragédie en trois actes et en vers, intitulée Le Jeune Latour, représentée à la séance de fin d'année du Collège de Nicolet (1842).

Louis Fréchette s'avisa, lui aussi, de puiser dans l'histoire du Canada le sujet d'une tragédie, et il écrivit Papineau, drame en quatre actes (1881). Voici le jugement que porte sur cette pièce Marcel Dugas, dans Un Romatique canadien, p. 258 : « Louis Fréchette évoque plutôt ici l'idée d'un compère de comédie que d'un grand chef. Ses gestes, ses paroles, ses actes (de Papineau) sont grotesques, absurdes. Les autres personnages prêtent à la même critique ... » Veronica, autre drame en cinq actes, du même auteur, « est un singulier mélange d'horreur tragique et de bouffonnerie ». (Id. p. 280)

Félix-Gabriel Marchand (1832-1900), premier ministre à Québec de 1897 à 1900, publia quelques comédies, dont l'une, Fatenville, parut dans la Revue Canadienne, 1869, (pp. 666-710).

Joseph Marmette adapta à la scène deux de ses romans historiques : L'Intendant Bigot et François de Bienville.

On pourrait citer encore Les Vengeances, drame en six actes (1876), Rouges et Bleus, comédie (1891), de Pamphile Lemay ; L'Auberge du numéro 3, de Régis Roy ; Madeleine et la Bouée, d'Ernest Choquette ; L'Adieu du poète, de Madeleine.

AUTEURS CONTEMPORAINS. — Peu à peu notre répertoire théâtral s'enrichit, quant au nombre et quant à la valeur. M. Léopold Houlé, qui a publié L'histoire du Théâtre au Canada (1945), a composé lui-même plusieurs comédies dont l'une, Le Presbytère en fleurs, en deux actes avec prologue, a été couronnée par l'Académie française en 1935. Matines et Laudes (1940), pièce en un acte du même auteur, porte en sous-titre : Du Bal au Cloître. Le Père A. Saint-Pierre, o.p., qui l'a recensée dans la Revue Dominicaine (février 1941, p. 110), loue l'exquise délicatesse de l'atmosphère au milieu de laquelle se noue et se dénoue l'intrigue de ce petit drame». La Réussite, comédie en trois actes de Mme Yvette Mercier-Gouin, a été représentée sur une scène parisienne, de même que trois pièces d'Ernest Pallascio-Morin : L'Homme que j'ai aimé, La Nuit qui s'achève, Le Coeur de Paris.

Dans Aux Feux de la Rampe (1927), Mlle Marie-Claire Daveluy a réuni onze pièces dont la plupart sont destinées à la jeunesse. Une autre brochure du même auteur présente Les Jeux dramatiques de l'Histoire (1944).

DEUX CONCEPTIONS DU THÉÂTRE. — Parmi les oeuvres dramatiques créées récemment, deux se sont imposées non seulement à cause de leur réussite, mais aussi parce qu'elles illustrent deux conceptions du Théâtre. Ces conceptions, issues de doctrines opposées, sont la doctrine spiritualiste dans Le Jeu de la Voyagère, de Rina Lasnier, et la doctrine réaliste dans Tit-Coq, de Gratien Gélinas.

Chacune de ces doctrines a reçu l'approbation de la critique. Le premier drame, représenté le 26 juin 1949 à Troyes en Champagne, a été hautement apprécié dans un long article de Jean Mauduit, critique littéraire de Témoignage chrétien de Paris.

Tit-Coq a valu à son auteur un doctorat honorifique de la Faculté des lettres de l'Université de Montréal et obtenu sur les planches un succès sans précédent.

LES ACTEURS. — La pièce de théâtre la mieux conçue, la plus solidement construite, ne prend toute sa valeur que si elle est habilement interprétée. Certes, nos acteurs canadiens ne jouissent pas encore d'une renommée mondiale. Plusieurs d'entre eux possèdent néanmoins un véritable talent dramatique. Quelques-uns sont allés parfaire leur formation artistique à l'étranger. Un certain nombre se sont groupés en équipe. L'une des mieux connues de ces troupes, Les Compagnons de Saint-Laurent, existe depuis une douzaine d'années.

Pour relever le Théâtre, le Père Gustave Lamarche, c.s.v. a fondé, en 1939, la corporation des Paraboliers du Roi, destinée à créer un répertoire spirituel et national.

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Source: SŒURS DE SAINTE-ANNE, « Théâtre », Histoire des littératures française et canadienne, Lachine, procure des Missions Mont Sainte-Anne, 1954, 602p., pp. 542-545.

 

 
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