Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Septembre 2010

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

La géologie de la Province de Québec

(1947)

La connaissance de la géologie de Québec c'est-à-dire la connaissance de la nature, de la distribution et des traits structuraux des roches a grandement aidé au développement de l'industrie minière très variée de cette Province. Cette industrie, qui est déjà l'une des plus importantes dans la vie économique de la Province et du Canada, est destinée à se développer, et l'application des sciences géologiques jouera un rôle toujours plus grand dans cette expansion.

La connaissance des conditions géologiques particulières à un district déterminé est très importants non seulement en ce qu'elle détermine les possibilités minérales de ce district, mais aussi en ce qu'elle sert au développement des autres ressources naturelles et aux différentes formes de l'industrie. La nature des roches sous-jacentes ou du terrain déposé par les divers agents géologiques a une influence considérable sur les possibilités agricoles d'une région. De plus, les roches et le sol influent sur la croissance des arbres et il faut tenir compte de la topographie de la surface, résultant d'une grande diversité des conditions géologiques et de nombreux développements géologiques, pour l'exploitation profitable des forêts. La nature des roches traversées ou rencontrées est d'une grande importance dans la construction des routes et des voies ferrées, dans l'établissement de ponts sur des emplacements sûrs et solides, dans la détermination d'assises fermes pour les fondations de grandes constructions industrielles. Et il est particulièrement important de connaître les conditions géologiques des emplacements prévus pour les barrages devant servir à l'établissement d'usines hydro-électriques ou pour la construction de réservoirs établis à des fins diverses. La connaissance de la géologie locale, également, présente un grand intérêt pour la solution des problèmes d'approvisionnement domestique ou industriel en eau, qu'il s'agisse d'un puits artésien, d'un puits de pompage ou d'une source.

Il faudra de longues années d'efforts soutenus de la part d'un nombre toujours croissant de géologues pour qu'on puisse simplement avoir une idée adéquate du vaste territoire compris dans la province de Québec. Le Ministère des Mines de cette Province, cependant, joue un rôle important dans la poursuite de cet objectif. Grâce aux levés géologiques qu'il exécute et aux rapports et cartes géologiques publiés en conséquence, il constitue graduellement un fonds de connaissances qui contribue dans une large mesure au développement du pays. Il s'efforce de rendre les nombreux services qu'on lui demande dans les sections habitées de la Province et, avec le concours de prospecteurs entreprenants et d'autres intérêts privés ayant tous recours aux moyens les plus modernes de communication et au transport aérien il aide à reculer les frontières plus au Nord, au delà des régions inhabitées et peu connues. L'avenir assez proche, croit-on, recèle de grandes promesses pour l'exploitation minière de large envergure et pour d'autres champs d'activité économique dans ce qui n'est encore maintenant que l'hinterland du Québec.

Dans le présent article nous ne tenterons que de tracer les grandes lignes de la géologie de la province de Québec, notre objet étant de donner plus pour le profane que pour l'homme de métier une description générale des conditions géologiques de la Province, à l'aide des connaissances acquises à ce jour. Notre intention est de donner un fond aux descriptions plus détaillées de la géologie de la Province, de l'industrie minière et des possibilités minérales pour l'avenir. Ces sujets pourraient faire l'objet de discussions ultérieures, ou encore l'on pourra obtenir une connaissance plus complète de ces sujets en recherchant des précisions dans divers rapports et cartes géologiques, aussi bien que dans d'autres publications qu'on peut se procurer au Ministère des Mines.

 

HISTOIRE GÉOLOGIQUE

 

Une étude des roches de la Province révèle sauf quelques chapitres qui manquent les diverses pages de l'histoire du monde depuis les temps très anciens jusqu'aux temps récents.

On ne sait pas avec certitude si certaines des roches affleurant à la surface représentent des parties de l'écorce originaire de la terre, mais on soupçonne que, dans quelques sections peu étendues des Laurentides, au nord du Saint-Laurent, quelques unes de ces roches peuvent être de celles qui se formèrent lorsque la Terre commença à se refroidir et à se former pour prendre à peu près sa forme actuelle par l'accumulation des gaz et des particules tourbillonnant dans les espaces sidéraux. On trouve cependant dans ces roches les preuves que, très tôt dans l'histoire de la Terre une fois que les vapeurs denses, qui avaient tout d'abord entouré le monde naissant, se furent condensées pour former l'atmosphère, les océans, les lacs et les cours d'eau-l'eau courante, le vent et les autres agents commencèrent leur travail d'érosion sur la surface irrégulière de la Terre. La surface originaire, inégale, rocheuse, fut usée; les sédiments furent entraînés par les rivières pour aller s'accumuler dans les mers et les océans d'alors. Et c'est ainsi que commencèrent les cycles d'érosion et d'accumulation, d'usure et de formation qui se sont répétés tour à tour au cours de l'histoire géologique. En reconstruisant l'histoire des événements successifs, les géologues ont pu diviser cette histoire de la Terre en ères, périodes, époques et divisions plus détaillées de temps et de formations, chacune marquée de quelque trait caractéristique et se terminant, en règle générale, par quelque changement radical, soit brusque, soit prolongé, et qui sert à distinguer cette division géologique de celle qui l'a précédée ou suivie. La première division majeure qu'il est possible de distinguer a été nommée «Précambrien» et son début date probablement d'environ deux billions d'années.

 

TEMPS PRÉCAMBRIEN

 

Au début de l'ère Archéenne comme on appelle la première partie du Précambrien la plus grande partie de la province de Québec était probablement sous les eaux ou, si elle affleurait, c'était une terre basse. Si, comme certains le pensent, les roches du sud de la Province furent formées à peu près en même temps que celles qui sont plus au nord, dans ce qui est maintenant la région de l’Abitibi, il semble que, bien que les niveaux de la mer et des terres aient oscillé, se soulevant et s'abaissant au cours de ce long espace de temps, les mers, en général, doivent avoir été plus profondes vers le sud. De temps à autre, plus particulièrement dans la région de l’Abitibi, il y eut une grande activité volcanique et des séries de laves épaisses s'étendirent sur le sol et les parties peu profondes des mers. On a donné le nom de Grenville aux roches les plus anciennes de la partie sud de la Province, lesquelles proviennent principalement de sédiments accumulés, bien qu'il y ait aussi preuve d'une certaine activité volcanique. La période de leur formation s'appelle Période de Grenville. Plus au nord, dans la région de l’Abitibi, les roches volcaniques dominantes, avec quelques roches sédimentaires interstratifiées, sont connues sous le nom de Keewatin ou de la Période du Keewatin. Il est possible, bien que la chose ne soit pas absolument certaine, que les périodes de Grenville et du Keewatin aient été les mêmes et que celle de Grenville puisse comprendre même celle du Témiscamien qui apparaît dans la région plus au nord.

Encore dans l'ère Archéenne, après l'apparition des roches volcaniques du Keewatin, des mouvements profonds de l'écorce terrestre se produisirent, au cours desquels les roches formées précédemment furent tassées, plissées, brisées et repoussées vers le haut pour former des montagnes. Ces déplacements sont connus sous le nom de Révolution Laurentienne. Au cours de ces mouvements de la croûte terrestre, des matières en fusion firent irruption de l'intérieur, se solidifièrent en approchant de la surface pour former de grandes masses de granit et d'autres roches similaires d'origine ignée. C'est dans les roches de la province voisine d'Ontario que les traces de cette révolution et de ces intrusions de roches ignées sont les plus évidentes, tandis que dans la province de Québec la seule indication que l'on possède de l'existence antérieure de hautes terres, où apparaissaient des granits de la révolution Laurentienne, consiste dans la présence de galets et blocs de granit dans certaines des roches sédimentaires de la période du Témiscamien, qui sont considérées comme plus récentes que celles du Keewatin. Il peut avoir existé quelque part des masses granitiques d'où seraient provenus, par érosion, ces galets et ces blocs.

A la suite de cette révolution Laurentienne qui forma des montagnes, les forces d'érosion continuèrent à régner tout au long d'un des chapitres étendus de l'histoire du monde connu sous le nom de Période du Témiscamien. Le pays fut graduellement rongé par l'érosion et d'épaisses couches de sédiments se déposèrent sur les basses terres et dans les mers qui, par voie de conséquence, purent à nouveau envahir le continent. De temps à autre, il se manifesta une certaine activité volcanique, comme on peut s'en rendre compte par la présence de quelques roches d'origine volcanique interstratifiées avec les sédiments du Témiscamien.

Succédant à cette longue période d'érosion et de dépôts sédimentaires, une autre révolution, celle de l'Algomien d'une plus grande intensité et dont les effets furent beaucoup plus étendus que ceux de la révolution Laurentienne souleva, encore une fois, l'écorce terrestre pour en former une série de hautes montagnes, avec intrusions ignées très importantes et mit fin à la période du Témiscamien et à l'ère Archéenne du Précambrien. C'est dans les dernières phases des intrusions granitiques de l'Algomien que surgirent à travers la croûte terrestre les solutions métallifères d'où furent précipités l'or, le cuivre, le plomb, le zinc, et les autres métaux qui forment les dépôts qu'on exploite ou que l'on prospecte aujourd'hui dans la région qui s'étend du lac Guillet (comté de Témiscamingue) et de Noranda, à travers Malartic et Val-d'Or, et se dirige vers le nord et le nord-est jusqu'aux confins de la baie James et du lac Chibougamau. Il n'est pas encore clairement établi si les importantes intrusions ignées de la vaste bande des roches de Grenville, existant dans la région au nord de l'Outaouais et du Saint-Laurent et s'étendant jusqu'aux limites est de la Province, sont de l'âge Algomien ou Laurentien ou appartiennent aux deux. Mais à ces intrusions se trouvent associés des dépôts minéraux de grande valeur ou de grande valeur potentielle: molybdénite, feldspath, mica, plomb, zinc, cuivre, fer, titane et autres.

Pendant l'ère Algonquienne ou Protérozoïque, la seconde des deux principales divisions du Précambrien, la plus grande partie de la province de Québec semble être demeurée une région continentale. Si les eaux, dans lesquelles les sédiments auraient été déposés, couvrirent jamais la plus grande partie de la Province pendant cette longue ère (qui se prolongea pendant plusieurs centaines de millions d'années), le soulèvement de la terre et l'érosion en ont depuis longtemps fait disparaître les traces. Il semblerait plutôt qu'après la révolution Algomienne, seulement de petites régions du pays, très éloignées les unes des autres, se trouvant au nord du Saint-Laurent auraient été à nouveau submergées, et encore à des époques largement espacées.

Dans le début de l'Algonquien, ou pendant ce qu'on nomme la Période Huronienne, dans le sud-ouest de la province de Québec (près de l'endroit où sont maintenant situés le lac Témiscamingue et Noranda) furent déposées des séries épaisses de gros galets, de galets et de sables que l'on croit d'origine glaciaire. C'est-à-dire que le climat et les autres conditions étaient alors similaires aux conditions qui régnèrent pendant la Grande Période Glaciaire qui est d'une époque géologique relativement récente et pendant laquelle de vastes couches de glace ayant les proportions de véritables continents couvrirent la plus grande partie des terres.

Plus tard, dans l'ère Algonquienne, pendant la Période Animikienne, les eaux envahirent une fois de plus la Province, en formant probablement de longues fosses relativement peu profondes le long de la rive est de la baie d'Hudson et pour quelques centaines de milles vers le sud de ce qui est maintenant la baie d'Ungava. Des sédiments marins se déposèrent aussi dans cette partie de la Province où se trouve maintenant le lac Mistassini, mais il reste encore à savoir comment et où se firent les jonctions entre cette fosse et les autres. Pendant une partie de cette période Animikienne, des sédiments riches en fer se déposèrent, donnant naissance à des gisements ferrugineux exploitables comme ceux dont on entreprend actuellement l'exploitation dans l'Ungava ou la fosse du Labrador et comme on peut encore en découvrir dans les régions de Mistassini et de l'Est de la baie d'Hudson.

Vers la fin de l'ère Algonquienne, c'est-à-dire pendant la période Keweenavienne, le tassement des roches sur une grande échelle permit le développement de fissures le long desquelles fit irruption de la matière en fusion qui se solidifia en amas plus ou moins étroits de diabase que, dans de nombreux cas, l'on peut suivre sur des milles à travers les roches Précambriennes de formation antérieure. Cela donne les dernières traces de l'histoire Précambrienne dans la province de Québec, mais en d'autres parties du continent, particulièrement dans l'ouest de l'Ontario, et dans les régions voisines des États-Unis, il existe des preuves d'une activité volcanique étendue et d'autres intrusions d'origine ignée ainsi que de violents mouvements ayant formé des montagnes et qui prennent l'importance d'une «Révolution». A la suite de cette révolution dite Killarnéenne cette grande série de chapitres de l'histoire géologique classée sous le nom de «Précambrien» semble s'être terminée avec un vaste soulèvement de la terre, un léger plissement des roches et un long intervalle d'érosion.

Telle est, en résumé, l'histoire des relations entre la terre et la mer au temps Précambrien tel qu'on l'a déchiffrée dans les roches de la province de Québec. Ce qui est déjà un résumé trop sommaire d'une histoire qui s'est déroulée sur plus d'un billion d'années, serait encore plus incomplet si l'on ne mentionnait pas les conditions de climat et de vie qui ont existé pendant ce temps.

Si l'on en juge d'après les études des conditions actuelles les climats résultant des positions et des dimensions relatives des terres et des mers, la nature des sédiments déposés sous des conditions climatériques variées on peut conclure que les climats au cours de l'histoire géologique des premiers âges, en général, ne différèrent pas beaucoup de ceux des ères qui suivirent. La présence dans les formations Précambriennes de dépôts épais de calcaires qui, à l'origine, étaient des boues déposées au fond de vastes étendues marines, par exemple, indique que, pendant de longues périodes, le climat resta au moins doux. D'autre part, l'étude de certains conglomérats et schistes Précambriens, qui proviennent, respectivement, de dépôts de cailloux et de galets et de dépôts d'argile, montre qu'ils furent formés dans des conditions similaires à celles qui prévalent près des nappes de glace d'aujourd'hui et à celles de l'âge Glaciaire, qui n'est pas si éloigné de nous. De nouveau, l'abondance des roches d'origine sédimentaire c'est-à-dire des roches provenant de l'accumulation de sédiments provenant de l'érosion des roches préexistantes indique que pendant la plus grande partie de l'ère Précambrienne, il y eut des pluies et des eaux courantes très abondantes. Par contraste, la couleur rouge de quelques-unes des roches, comme on en trouve plus spécialement dans les formations du Précambrien supérieur (Animikie) est l'indice d'un climat aride. En résumé, pendant l'ère Précambrienne, comme dans les temps récents, il y eut probablement des cycles de climats chauds, tempérés et froids, le climat différant probablement d'une partie du monde à l'autre, et il est très possible qu'il y avait des changements saisonniers de température et de pluies, comme aujourd'hui.

La vie à l'époque Précambrienne, cependant, fut très différente de celle qui exista pendant le cours de l'histoire géologique qui la suivit. On sait qu'il y eut certainement des êtres vivants à cette époque, et cela est prouvé spécialement par les fossiles nettement conservés et trouvés dans les roches Précambriennes de la Colombie-Britannique, moins métamorphosés, en général, que ceux de la province de Québec. Dans cette dernière province, on trouve des restes fossilisés de plantes marines dans quelques unes des roches sédimentaires du Précambrien supérieur du lac Mistassini et de la côte est de la baie d'Hudson. Comme les calcaires des temps plus récents et des temps modernes sont le plus souvent formés avec au moins un apport d'organismes vivants, il est très possible que la vie ait existé dans les mers lorsque les épaisses séries calcaires furent déposées à l'époque Précambrienne, et même de bonne heure dans cette ère, lorsque les calcaires de Grenville furent déposés sous forme de boues calcaires dans la partie sud de la Province. Les preuves dont nous disposons appuient l'hypothèse qu'il n'existait pas de vie sur le sol lui-même, les animaux terrestres et les plantes terrestres ne firent leur apparition que longtemps plus tard, à une époque avancée de l'ère Paléozoïque, qui suivit le Précambrien. Pendant l'âge précambrien et les quelques centaines de millions d'années qui suivirent, la surface des terrains, étant complètement dépourvue de végétation, devait présenter un aspect morne et désolé.

 

ÈRE PALÉOZOÏQUE

 

Le premier chapitre de l'histoire géologique de l'ère Paléozoïque est connu sous le nom de Période Cambrienne. Au début de cette période les eaux s'avancèrent le long de la partie sud de la province de Québec. Leurs vagues s'attaquèrent à de grandes quantités de roches détériorées qui s'étaient accumulées pendant la longue période d'érosion de la fin de l'âge Précambrien et elles firent écrouler de grandes masses de roches du haut des falaises élevées qui bordaient probablement cette mer. En même temps, de grandes quantités de matériaux semblables étaient apportées jusqu'à la mer par les cours d'eau provenant du territoire Précambrien. Ces premiers sédiments de l'âge Cambrien étaient composés de sables grossiers que l'on peut retrouver maintenant dans les épaisses séries de grès du Cambrien inférieur, dans la campagne s'étendant au sud-ouest de Montréal. Comme la mer en s'avançant devenait plus profonde, les sédiments fins, comme les boues, s'accumulèrent pour, en définitive, donner naissance à d'épaisses formations de schistes et de calcaires. Avant la fin de l'âge Cambrien, la terre se souleva légèrement et les eaux de la mer se retirèrent une fois encore et l'érosion des roches Cambriennes formées précédemment donna naissance à quelques sédiments qui se déposèrent pendant la période suivante, l'Ordovicien.

Contrairement aux roches Précambriennes, celles de l'âge Cambrien montrent qu'il existait à cette époque des êtres vivants. On n'a trouvé que des plantes aquatiques et de nature primitive, mais toutes les branches du royaume des animaux invertébrés semblent avoir été représentées dans les mers. Le climat, peut-être frais pendant le début du Cambrien, devint sans doute tempéré, particulièrement à mesure que les mers s'avançaient sur de larges espaces; les restes animaux trouvés sous forme de fossiles dans les roches Cambriennes indiquent que ces animaux étaient d'un type exigeant un climat au moins tempéré.

Après la fin de l'époque Cambrienne marquée par un soulèvement des terres et un retrait de la mer, la Période Ordovicienne débuta par un nouvel envahissement de la mer sur ce qui est maintenant le Nouveau-Brunswick, la péninsule de Gaspé, la partie de la province de Québec bordant le Saint-Laurent et, au sud, du Saint-Laurent jusqu'à l'intérieur de l'État de New York et au delà. Dans les eaux peu profondes qui dominaient d'abord, il se déposa des sables mais, l'eau devenant plus profonde, des dépôts de boue d'une grande épaisseur se formèrent au cours de la plus grande partie de la longue période comprise dans l'âge Ordovicien et, de ces boues, se constituèrent les épaisses formations de schistes et de calcaires que l'on trouve maintenant dans la partie sud de la Province. Ce n'est pas que l'on se trouve en présence de gains continuels des eaux et d'un approfondissement suivi de la mer Ordo­vicienne, mais bien d'oscillations des niveaux de la terre et de la mer qui provoquèrent ainsi une alternation [sic] des stratifications de nature variée. Pendant presque tout ce temps, la section étendue de la Province qui se trouve maintenant au nord du Saint-Laurent semble être demeurée au-dessus du niveau des eaux, mais il y a des preuves que pendant certains intervalles de la période Ordovicienne, des bras de mer s'étendirent vers le lac Saint-Jean actuel, le lac Manicougan (à 170 milles environ de Baie Comeau) et, peut-être sur une certaine distance au sud-est de la baie James. Vers la fin de la période, il se manifesta une activité volcanique considérable; les laves qui se déver­sèrent sur diverses sections du pays peuvent être observées maintenant dans certaines par­ties de la péninsule de Gaspé et dans diverses sections depuis la vallée de la Matapédia, vers le sud-ouest, jusqu'au coin sud-ouest de la Province. La terre commença alors à se soulever et les sédiments rouges qui se déposèrent vers la fin de la période Ordovicienne indiquent qu'une bonne partie de la région fut alors exposée à l'action des agents atmosphériques.

Le soulèvement graduel de la terre pendant la dernière partie de la période Ordovicienne aboutit à une perturbation profonde de l'écorce terrestre la révolution Taconique pendant laquelle les roches, sauf pour une étroite bande de chaque côté du Saint-Laurent, à partir de Québec et en direction de l'ouest, se trouvèrent fortement plissées et poussées vers le haut pour former des montagnes élevées, probablement aussi élevées que les Montagnes Rocheuses ou les Alpes d'aujourd'hui.

Ainsi prit fin la période Ordovicienne l'une des plus importantes périodes de l'histoire géologique, plus particulièrement en ce qui concerne la province de Québec. Ce fut une longue période, qui dura une centaine de millions d'années ou plus, pendant laquelle le climat semble avoir été uniformément tempéré et chaud. Bien qu'il n'y eût pas encore de plantes terrestres et que le pays bordant la mer Ordovicienne dût encore avoir le même aspect désolé, la vie marine était abondante et variée dans ses formes. Certaines plantes et certains animaux marins secrétaient des substances huileuses, et des matières huileuses se formaient en outre par la décomposition de grandes quantités d'organismes qui mouraient et s'accumulaient au fond de la mer. Bien qu'une telle matière se soit formée à l'époque Cambrienne également, ce fut pendant la période Ordovicienne, alors sans doute que les créatures vivantes se trouvaient en plus grande abondance que jamais dans les mers, que les accumulations d'huile et plus tard de gaz commencèrent à prendre une importance considérable. On n'a pas encore obtenu de production de grande envergure de pétrole ou de gaz des roches de la période Ordovicienne de la province de Québec, mais on connaît des schistes pétrolifères de cette période dans certaines parties de la péninsule de Gaspé; on peut voir de petites quantités de pétrole dans certains calcaires près de la ville de Québec et l'on a produit et l'on produit de petites quantités de gaz, suffisantes cependant pour desservir certaines maisons privées, dans la région agricole s'étendant des deux côtés du Saint-Laurent, entre Trois-Rivières et Montréal. On trouvera peut-être du pétrole ou du gaz en plus grandes quantités dans certaines régions soigneusement choisies des roches Ordoviciennes de la province de Québec, comme on en a trouvé dans les champs en production de l'Ontario et dans certains des États voisins au sud.

Revenant à la description de l'histoire géologique de la province de Québec, suivant l'ordre des événements, on peut dire qu'après la révolution Taconique, qui éleva de hautes montagnes, et la fin de la période Ordovicienne, toutes les parties de la Province restèrent au-dessus du niveau de la mer, pour un temps prolongé. En fait, tandis que quelques autres parties du continent étaient une fois encore submergées, à partir du début de la période suivante, la période Silurienne, ce ne fut seulement que vers le Silurien Moyen que les mers envahirent encore certaines parties du sud de la province de Québec. Ce ne fut pas alors sous la forme de vastes étendues d'eau mais, apparemment, de bras longs et étroits: l'un s'étendant dans une direction nord-est près de ce qui est maintenant la limite sud-est de la Province, d'un point sis juste à l'est du lac Champlain jusqu'à la baie des Chaleurs et l'intérieur de la présente péninsule de Gaspé; et l'autre, probablement séparé du premier par une zone de territoire peu élevé, s'étendant dans une dépression située où se trouve actuellement le golfe Saint-Laurent, jusqu'en un point sis plus haut que l'île d'Anticosti, qui n'existait pas alors. Des dépôts épais de boue se trouvèrent transportés dans ces mers; ils formèrent plus tard des schistes et, par moments, une vie marine abondante précipita du carbonate de chaux qui forma les couches massives de calcaire qui dominent dans les formations de l'âge Silurien. Il se dressa, en nombre de places, des récifs de corail, preuves de l'existence d'un climat modéré ou chaud. De temps à autre, les terres voisines se soulevèrent probablement si bien que les cours d'eau coupèrent à travers ces terrains à un angle plus accentué et entraînèrent sables et cailloux dans la mer Silurienne, comme en témoigne la présence de quelques grès et conglomérats en lits interstratifiés avec les formations plus abondantes de schistes et de calcaires. En général, le Silurien fut une période paisible mais, en certains endroits, comme on peut s'en rendre compte en examinant aujourd'hui les roches de cet âge à Black Cape et en quelques autres parties du sud-est de Gaspé, il y eut une activité volcanique considérable pendant laquelle les coulées de laves s'accumulèrent l'une sur l'autre sur une épaisseur totale de plusieurs milliers de pieds. Ce phénomène volcanique ne fut pas accompagné d'une perturbation sensible de la croûte, terrestre, cependant, et la période Silurienne, en ce qui concerne Québec, semble avoir passé à la période suivante, le Dévonien, sans changement notable.

Certaines des espèces qui avaient dominé la vie marine dans les âges précédents avaient décliné en importance au temps du Silurien, mais beaucoup survivaient encore et les autres, comme les coraux, marquaient une augmentation sensible. Le Silurien représente probablement  un stage intermédiaire dans l'histoire entre les premiers âges, où les animaux invertébrés dominaient et les périodes plus récentes où les types d'animaux vertébrés devinrent plus abondants. Bien qu'on n'ait pas trouvé de spécimens de ces derniers parmi les fossiles du Silurien de la Province de Québec, les requins firent leur première apparition dans cette période et, chose digne de mention, les plantes terrestres apparurent en certaines régions du monde, bien qu'elles ne fussent pas encore abondantes ni largement répandues. Les premiers insectes et scorpions apparurent aussi à l'époque Silurienne. Le pétrole et le gaz se formèrent de certains organismes marins des eaux Siluriennes; on a observé des calcaires pétrolifères de cet âge dans la péninsule de Gaspé, où l'on recherche présentement le pétrole en quantités exploitables.

La province de Québec, pendant la plus grande partie de la période suivante, le Dévonien, présenta sensiblement le même aspect que pendant l'âge Silurien. La plus grande partie consistait en terre, sans aucun doute parsemée ici et là de lacs et traversée par des cours d'eau de dimensions variées mais en général à pente modérée. On doute que la mer se soit étendue jusqu'à l'emplacement du golfe Saint-Laurent actuel, comme elle le faisait du temps du Silurien, mais la mer Dévonienne occupait de longues dépressions probablement en forme de fosses traversant le centre de ce qui est maintenant la Péninsule de Gaspé et, de là et de la région de la Baie des Chaleurs vers le sud-ouest jusqu'à une région quelconque au sud de Montréal. Pendant un certain temps, une mer Dévonienne se trouvait au sud de la baie James. Ces dépressions en forme de fosses continuèrent à s'approfondir pendant le début du Dévonien ou Dévonien inférieur et à recevoir des quantités énormes de boues que déversaient dans leurs fonds les cours d'eau des terres voisines probablement basses. Ces sédiments devinrent plus tard les séries épaisses connues sous le nom de calcaires et schistes de Gaspé. Vers la fin du Dévonien inférieur, la terre commença à se soulever et la mer à se retirer. Il y eut en certains endroits des périodes d'activité volcanique intense et aussi des masses de matière en fusion surgirent de l'intérieur de la terre pour se refroidir en approchant de la surface en formant de gros amas de granit et d'autres roches ignées qui, par l'érosion, se sont trouvées à découvert dans le centre montagneux de Gaspé. Les roches ignées qui forment le Mont-Royal, à Montréal, et les autres collines du même type peuvent être des intrusions de cette époque également. De même âge ou à peu près sont les roches amiantifères des régions de Thetford Mines et d'Asbestos, dans les Cantons de l'Est, et divers gisements de plomb, de zinc, de cuivre, qui peuvent devenir d'une grande importance dans la péninsule de Gaspé.

Le début du Dévonien moyen fut marqué par le soulèvement continu des terres avec, seulement ici et là, de brefs intervalles où la mer envahit la région de Gaspé et où les sédiments marins furent alors déposés. En général, de larges deltas couvrirent les régions qui se trouvaient au-dessous du niveau de la mer pendant le Dévonien inférieur et d'immenses accumulations de sables furent déposées à l'embouchure de cours d'eau qui, leur pente s'accroissant, entaillèrent les terrains voisins qui continuaient à se soulever. Vers la dernière partie du Dévonien moyen et pendant la plus grande partie du Dévonien supérieur, les sédiments se trouvèrent rougis par l'exposition aux agents atmosphériques. Ce sont les roches fortement colorées, formées de ces sédiments et de ceux des roches de l'époque suivante, l'époque Carbonifère, qui ajoutent tant de beauté aux paysages d'une renommée mondiale des côtes est et sud de la Gaspésie.

Un climat doux régna pendant toute l'époque Dévonienne et la vie aquatique fut abondante dans les mers qui empiétèrent sur des parties de la province de Québec, pendant la première partie de cette période. Le Dévonien est connu comme «l'âge des poissons», parce que ces animaux jouèrent un rôle important dans la vie de cette époque. Il y eut des poissons d'eau douce et de mer. Les roches du Dévonien supérieur de la baie Scaumenac, sur le côté sud de la péninsule de Gaspé, sont renommées pour leurs restes fossiles bien conservés des poissons qu'elles contiennent; on a fait une suggestion intéressante d'après laquelle cette région aurait été un lieu de frai, à l'époque où les roches qui contiennent des fossiles n'étaient encore que des sédiments déposés par les cours d'eau de cet âge Dévonien. La première preuve de l'existence d'amphibies, c'est-à-dire d'animaux capables de vivre sur la terre aussi bien que dans l'eau, se trouve dans le Dévonien supérieur en d'autres parties du monde. Les plantes terrestres étaient plus abondantes qu'avant et, alors qu'elles n'étaient pas en quantité suffisamment abondante pour recouvrir de forêts tout le sol, elles étaient cependant assez abondantes pour former des forêts en certains endroits. Le charbon, qui provient de la transformation du bois, ne se trouve que rarement et seulement sous forme de petits amas dans les grès de Gaspé, mais on trouve fréquemment des fragments fossiles de plantes terrestres dans ces mêmes roches. Comme dans les temps Silurien et Ordovicien, les conditions pendant certains intervalles du Dévonien, favorisèrent la formation du pétrole et du gaz. Les écoulements de pétrole de diverses roches de cet âge sont connus dans la péninsule de Gaspé et certaines couches de schistes et de grès y sont grandement bitumineux.

Le soulèvement graduel de la terre qui caractérisa le Dévonien moyen et supérieur, dans la province de Québec, aboutit à une grande perturbation de la croûte terrestre la Révolution Acadienne ou Shickshockienne pendant laquelle la péninsule de Gaspé et toutes les terres qui avaient été soulevées par la révolution Taconique, puis rongées et abaissées pendant les âges d'érosion, furent soulevées à nouveau pour former de hautes chaînes de montagnes. Les roches se trouvèrent comprimées à nouveau en plusieurs séries de plis et, en quelques endroits, furent brisées et déplacées par les forces qui édifiaient des montagnes. Les roches de l'âge Ordovicien et antérieures de la zone de tassement, ayant déjà été soumises à de violentes secousses au temps de la Révolution Taconique, furent comprimées et tordues de façon plus accentuée encore, tandis que les couches du Silurien et du Dévonien, bien que plissées largement et même fracturées en certains endroits, ne semblent avoir subi que les effets d'une seule perturbation, grave, il est vrai.

A la suite de la révolution Shickshockienne et à la fin du temps Dévonien, toute la province de Québec semble être demeurée au-dessus du niveau de la mer, avec, probablement, à peu près la même configuration qu'elle a aujourd'hui, sauf pour une période relativement courte (celle de Champlain dont on parlera ultérieurement) où les eaux envahirent une fois encore quelques-unes des basses régions de la Province. A la fin du Dévonien, il existait sans doute une dépression ou une série de vallées le long de l'emplacement actuel du Saint-Laurent, mais, vers le sud de cette zone, il existait des montagnes élevées et abruptes. Au nord, le terrain, peut-être un peu plus élevé qu'il ne l'est de nos jours, ressemblait beaucoup à ce qu'il est encore c'était une région ondulée formant plateau, qui était demeurée au-dessus du niveau de la mer et avait été soumise à la lente érosion pendant la plupart des longs âges qui suivirent le Précambrien.

Les roches de la province de Québec ne nous donnent qu'une maigre histoire de l'époque Carbonifère, qui suivit le Dévonien et prit fin il y a un peu plus de 200 millions d'années. La plus grande partie, et de beaucoup, de la Province était de la terre ferme où les sédiments ne pouvaient s'accumuler et nous préserver des records [sic] de cette histoire. Cependant, le long de la bordure de ce qui est maintenant la Gaspésie et, probablement à travers l'espace maintenant occupé par la baie des Chaleurs, il y eut des dépôts de boues, de sablés et de gravier dans des deltas et peut-être des lacs. Les couleurs rouges que prirent ces sédiments en se solidifiant en roches, indiquent qu'ils se sont déposés dans des conditions terrestres. Plus au sud, où se trouvent maintenant le Sud-est du Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, il y eut au début des mers ouvertes très étendues, mais, plus tard dans le Carbonifère, ces régions furent de vastes marais où la végétation en décomposition s'accumula pour former des tourbières et, subséquemment, les dépôts de houille que l'on exploite maintenant dans ces provinces maritimes. La vie végétale était probablement abondante à cette époque dans maintes parties de la province de Québec, même si les conditions n'étaient pas favorables à l'accumulation de matières végétales pour former du charbon; le pays devait présenter un plaisant contraste avec l'aridité désertique des premiers âges. Maintenant que la nourriture se trouvait en masse sur la terre, les animaux terrestres devaient avoir commencé à rôder dans le pays et le nombre des insectes à se multiplier et leur taille à s'accroître. Le climat était doux, même jusqu'aux limites nord de la Province, car, au delà, dans les îles de l'Arctique, on trouve de la houille formée des mêmes arbres qui poussaient bien loin au sud.

A la fin de l'âge Carbonifère, le continent de l'Amérique du Nord actuel se trouvait tout entier au-dessus du niveau de la mer et, une fois encore des mouvements violents agitèrent l'écorce terrestre, aboutissant à la Révolution des Appalaches qui termina l'ère Paléozoïque. Gaspé se trouva hors de l'orbite des perturbations violentes qui, plus au Sud, repoussèrent les basses terres en de hautes chaînes de montagnes. Il ne se produisit qu'un léger mouvement ascendant dans cette section sud-est de la Province sans plissement notable ou fracture profonde des formations. Aujourd'hui on voit encore les couches de roches carbonifères de la côte sud de la Gaspésie apparaître, reposant horizontalement sur les strates bouleversées des formations antérieures, qui avaient été soumises à des mouvements basculaires au cours des révolutions précédentes Shickshockienne et Taconique. On ne sait pas clairement si ce que l'on appelle aujourd'hui les Cantons de l'Est furent affectés par la révolution appalachéenne, car il n'y existe pas de roches plus récentes que celles du Dévonien pour renseigner à ce sujet. Qu'il ait pu y avoir quelque activité volcanique de peu d'envergure pendant l'époque carbonifère, ou peu après, est démontré par la présence de quelques dykes de roches ignées coupant les strates de cet âge dans le sud-est de la Gaspésie; ils représentent des fissures qui furent remplies par de la matière en fusion provenant de l'intérieur de la terre.

Pour l'histoire géologique d'environ 200 millions d'années consécutives à l'époque Carbonifère, la province de Québec n'apporte aucun renseignement. Pendant tout cet espace de temps les 150 millions d'années occupées par l'ère Mésozoïque et pendant beaucoup de l'ère Cénozoïque cette histoire a dû être celle d'une lente érosion de la surface et d'une lente évolution physiographique donnant au pays un aspect ressemblant à celui qu'il a aujourd'hui. En général, il a dû se produire pendant ce temps une lente ascension de la croûte terrestre, car autrement, les forces d'érosion auraient aplani le pays à un tel niveau que la mer aurait pu l'envahir de nouveau.

Le fil de l'histoire, en tant que la géologie de la province de Québec est concernée, se retrouve de nouveau, cependant, dans les traces laissées par le dernier des grands événements terrestres, celui de 1’«âge Glaciaire». Débutant à une époque qu'on estime remonter à un million d'années, le climat de la partie nord de ce continent se refroidit à un tel degré qu'il se produisit une accumulation presque continue de neige et de glace jusqu'à ce que des calottes de glace ou des glaciers continentaux, d'une épaisseur de plusieurs milliers de pieds, recouvrissent environ 4,000,000 de milles carrés du Canada et de la partie nord des États-Unis. Il se produisit des précipitations de neige en grandes quantités à l'intérieur du Labrador et, partant de ce centre, les glaces qui se formèrent ainsi se mirent en mouvement dans toutes les directions. Toute la province de Québec fut couverte de glace, avec, peut-être une exception pour quelques points élevés dans les montagnes Shickshock, dans la péninsule de Gaspé. Les nappes de glace en mouvement eurent des effets de profonde érosion; elles creusèrent des vallées qui existaient déjà, les bloquant parfois avec la glace ou des débris, faisant changer le cours des rivières et quelquefois taillant de nouvelles vallées à travers des crêtes dures et rocheuses. A certaines périodes, pendant cette époque d'environ un million d'années, le climat se réchauffa suffisamment pour entraîner la. fonte complète ou presque complète de la glace. La dernière fonte des glaces se produisit il y a environ 20,000 ans alors que le front de la calotte glaciaire «retraita» finalement devant les températures plus élevées s'avançant du sud. Le système d'écoulement des eaux avait été tellement désorganisé et le volume considérable des eaux provenant de la fonte des glaces fut si énorme que d'immenses masses d'eau s'accumulèrent devant le front des glaces qui se retiraient. De grands lacs se formèrent dans lesquels les cours d'eau transportèrent de grandes quantités d'argile, le produit finement broyé de l'érosion des glaces passant sur les roches. Un lac de ce genre couvrit une large portion de la région de l'Abitibi, de la province de Québec et de l'Ontario, pendant une assez longue période, jusqu'à ce que des débouchés s'ouvrissent. Il s'y accumula des dépôts épais d'argile qui, bien qu'ils présentent un obstacle aux opérations de prospection, en cachant des zones minéralisées, a fourni le sol fertile à même lequel se développe maintenant une industrie agricole prospère.

Le poids considérable de la glace qui couvrit le pays a sans doute entraîné un abaissement de la terre et, après la fonte des glaces, certains endroits se trouvèrent assez bas pour permettre une nouvelle invasion des mers. C'est ce qui se produisit le long de la vallée du Saint-Laurent, et, pendant un temps assez considérable, un bras de mer s'étendit bien au delà de Montréal et à une certaine distance au sud. On lui a donné le nom de la Mer Champlain. Avec l'élévation graduelle de la terre, les eaux reculèrent jusqu'à leur emplacement actuel. Mais elles laissèrent derrière elles de vastes étendues de sable et d'argile transportés par les cours d'eau des régions voisines, et qui s'étaient accumulés au fond de la. mer pour atteindre, en certaines places, l'épaisseur de plusieurs centaines de pieds. La découverte d'anciens rivages maritimes, à notre époque, à des altitudes de 700 pieds ou plus au-dessus du niveau de la mer indique que la terre s'est au moins soulevée d'autant depuis l'époque de la Mer Champlain. Ces épaisses couches d'argile et de sable meuble peuvent souvent offrir des problèmes à la construction de grands ponts, de vastes usines industrielles et de barrages hydroélectriques. D'autre part, les sables poreux surmontés d'argile imperméable offrent en nombre d'endroits, de précieux réservoirs d'eau. Bien plus, sans ces dépôts répartis sur des étendues considérables et plates, on pourrait se demander si le «berceau» de l'Amérique du Nord les terres basses arables du Saint-Laurent et des régions voisines pourrait faire vivre la population agricole importante qui l'occupe aujourd'hui et fournir les vivres nécessaires aux grands centres industriels qui se sont développés dans cette partie du pays.

Avec le retrait accompli de la Mer Champlain, l'histoire géologique et physiographique de la province de Québec devient la même que celle des temps plus récents et des temps modernes. En ce qui concerne la terre et sa surface, ce serait l'histoire d'événements similaires à ceux qui se déroulent présentement c'est-à-dire la constatation du travail incessant des vents, de la pluie, du gel, des rivières et de mers sur la terre tel que nous le connaissons aujourd'hui. Les événements exceptionnels comme les tremblements de terre occasionnels le long de la vallée du Saint-Laurent seraient enregistrés et l'explication de leurs causes serait recherchée dans la reconstitution des événements du passé géologique. Pour décrire l'histoire plus loin que cela retracer la vie, les événements historiques, la distribution actuelle des terres et des mers, et leur effet sur l'homme et les animaux des temps modernes le géologue cède sa place à l'historien, au géographe, au botaniste, au zoologiste et autres hommes de science.

 

DISTRIBUTION DES FORMATIONS

 

Au point de vue géologique la province de Québec peut être divisée en trois unités principales qui, en même temps, sont les principales divisions physiographiques de la Province. Ce sont le Bouclier Précambrien (Le Bouclier Canadien, le Plateau Laurentien), la région des Appalaches et les terres basses du Saint-Laurent.

 

LA RÉGION DU BOUCLIER PRÉCAMBRIEN

 

Cette région occupe plus de 90 pour cent de la Province, et, à l'exception d'une étroite bande bordant le fleuve des environs de Montréal jusqu'à un peu en aval de Québec, elle s'étend du Saint-Laurent au détroit d'Hudson à l'extrémité nord de la Province.

Le Bouclier Précambrien de Québec est composé presque entièrement de roches de l’Âge Précambrien. Seules des régions isolées près du lac Saint-Jean, des lacs Manicouagan et Mouchalagan, et de l'extrémité sud de la baie James sont connues comme ayant des formations plus jeunes, celle du Paléozoïque. Dans la zone s'étendant au sud-est d'une ligne joignant, en général, les lacs Témiscamirgue et Mistassini, les roches sont du type de Grenville strates très altérées d'origine sédimentaire (calcaires cristallins, gneiss, et quartzite) et de larges étendues de granit et de roches acides associées ainsi que de larges étendues de roches intrusives basiques comme l'anorthosite et le gabbro. Dans les régions de calcaires cristallins, il se trouve quelques dépôts de plomb, de zinc, de magnésite, de brucite, de graphite et de marbre et l'on a aussi utilisé des roches de ces sections pour la construction et la fabrication de la chaux. Dans d'autres roches sédimentaires altérées de cette zone sud, il existe des dépôts de mica, de molybdénite, d'apatite (une source de phosphate) et d'autres minéraux. Les granits fournissent d'excellentes pierres de construction et les pegmatites qui leur sont apparentées ont fourni du feldspath et du mica. Les roches basiques (anorthosite et gabbro) fournissent les pierres de construction connues sous le nom de «granit noir», et elles contiennent aussi d'importants dépôts de magnétite (un minerai de fer) et d'ilménite (un minerai de titane et de fer).

Dans cette partie du Bouclier Précambrien, qui est au nord-ouest de la ligne que l'on pourrait tirer du lac Témiscamingue au lac Mistassini, il existe des zones de roches volcaniques du Keewatin envahies et séparées par des roches granitiques de l'Algomien. Dans cette région on recherche et exploite activement l'or, le cuivre, le plomb et le zinc.

La vaste région du nord, et de beaucoup la plus grande partie de la Province, est peu connue sous bien des égards. En général, les recherches géologiques ont été réduites à de rapides expéditions de reconnaissance le long de quelques-uns de ses principaux cours d'eau. Les roches caractéristiques des deux sections sud du Bouclier Précambrien, que nous venons de décrire, se retrouvent dans cette région. Grâce à des travaux récents de géologie et de prospection, qui commencent à le faire mieux connaître, on sait qu'il contient des zones de roches sédimentaires du Précambrien supérieur moins altérées qu'aucune des autres roches du bouclier, dans l'Ungava  (à travers la fosse du labrador), au lac Mistassini et dans le voisinage du golfe de Richmond, sur la côte est de la baie d'Hudson. Des gisements importants de fer sont mis en valeur dans la fosse du labrador; on prospecte activement dans la région de Mistassini pour rechercher du plomb et du fer et l'on a entrepris la prospection de gisements de plomb dans la région du golfe de Richmond.

 

LA RÉGION DES TERRES BASSES

DU SAINT-LAURENT

Les terres basses du Saint-Laurent occupent une bande étroite s'étendant de la ville de Québec, en remontant la vallée du Saint-Laurent au delà de Montréal. Sa limite nord, à quelques milles du Saint-Laurent, est constituée par le front des montagnes des Laurentides qui forment le bord sud du Bouclier Précambrien. Au sud-est elles sont bornées par la région accidentée de la zone des Appalaches, suivant une ligne qui rejoindrait, en général, le lac Champlain à un point situé à quelques milles en amont de Lévis.

Les roches sous-jacentes des terres basses se composent presque entièrement de strates de l'âge Ordovicien couches légèrement inchnées (presque plates en certains endroits) de schistes, de calcaires et de grès avec quelques régions importantes de grès du Cambrien au sud-ouest de Montréal. En grande partie elles sont couvertes par un épais manteau d'argile et de sable qui fut déposé dans la Mer Champlain. Les diverses collines de la région de Montréal, composées de roches ignées (peut-être de l'âge Dévonien ou plus récentes) s'élèvent brusquement au-dessus de la plaine uniformément plate, en général, qui caractérise les terres basses du Saint-Laurent.

Le calcaire et le schiste sont activement exploités par des carrières en diverses sections de la région des terres basses, pour la construction et la fabrication du ciment, des briques et autres produits. De petites quantités de gaz naturel provenant de puits peu profonds alimentent individuellement des maisons de fermes ici et là, des deux côtés du Saint-Laurent, entre Trois-Rivières et Montréal. Des recherches plus complètes par des sondages profonds dans des régions soigneusement choisies pourraient peut-être trouver leur récompense dans la découverte de gaz et de pétrole en quantités commerciales.

 

LA RÉGION DES APPALACHES

 

La région des Appalaches, qui comprend environ cinq pour cent de la Province, s'étend au sud-est des terres basses du Saint-Laurent, entre le lac Champlain et la ville de Québec et, au sud du Saint-Laurent, dans la section de la province se trouvant en aval de la ville de Québec. Sa limite nord-ouest est une zone de failles, le long de la partie sud-ouest de laquelle les strates très fortement plissées de la région des Appalaches se trouvèrent poussées contre les formations presque horizontales de la zone des terres basses, et, le long de la partie nord-est, contre les roches anciennes du Bouclier Précambrien. Région montagneuse et accidentée, en général, elle présente ces caractères à un plus haut point dans son extrémité nord-est, dans la péninsule de Gaspé.

La plus grande partie sinon la totalité des roches de cette région bouleversée est Paléozoïque. Des schistes calcaires et grès du Cambrien et de l'Ordovicien prédominent dans la région sise au sud-ouest de la vallée de Témiscouata, avec des étendues isolées de roches Siluriennes et Dévoniennes d'origine sédimentaire. Au nord-est de la vallée de Témiscouata, à travers la vallée de Matapédia et de la péninsule de Gaspé, les roches sédimentaires se présentent en séries de zones d'Ordovicien, de Silurien et de Dévonien, avec des régions de roches Cambriennes d'une moindre étendue et des roches carbonifères restreintes à certaines parties du sud de la Gaspésie. Des roches volcaniques de l'Ordovicien, du Silurien et du Dévonien affleurent en divers endroits.

De grands amas intrusifs de granit du Dévonien forment quelques-unes des hautes montagnes du centre de la péninsule de Gaspé, et il se trouve des masses de serpentine (une roche intrusive ignée et altérée), peut-être de l'âge Dévonien, dans le centre et l'est de la Gaspésie et dans les Cantons de l'Est.

On extrait de l'amiante sur une grande échelle des masses de serpentine des Cantons de l'Est. On y a également extrait de la chromite. On a exploité des mines de cuivre dans la partie de la région voisine de Sherbrooke et l'on a découvert des gisements intéressants contenant ce métal dans les roches du Dévonien du centre de la péninsule de Gaspé. On met en valeur des gisements de plomb et de zinc dans les roches du Dévonien et de l'Ordovicien dans la péninsule de Gaspé. On a obtenu autrefois de l'or de gisements de lavage ou placers, dans la vallée de la Chaudière, où les formations rocheuses consistent surtout en schistes et calcaires altérés de l'Ordovicien et du Cambrien traversés par endroits par des réseaux de veinules de quartz. Dans la péninsule de Gaspé, où il y a des suintements de pétrole et des couches pétrolifères dans les roches d'âge Ordovicien, Silurien et Dévonien, les conditions géologiques sont telles qu'elles justifient des recherches pour obtenir le pétrole en quantités commerciales. La tourbe et la marne sont des dépôts d'un âge géologique récent que l'on exploite dans les parties centrale et orientale de cette région des Appalaches.

Source: I. W. JONES, Un aperçu de la géologie de la Province de Québec, Québec, Imprimeur de Sa Majesté le Roi, 1948, 11p. Cette brochure est un tiré-à-part d’un article publié dans l’Annuaire Statistique de la Province de Québec, 1947.

 

 
© 2010 Claude Bélanger, Marianopolis College