Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Décembre 2004

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

Le castor et la traite des fourrures

 

 

CASTOR, mammifère rongeur habitant, l'été, des terriers qu'il creuse au bord des rivières et des fleuves; l'hiver, des cabanes qu'il construit sur le bord ou au milieu des eaux, et qu'il protège par des espèces de digues.

 

M. Bacqueville de la Potherie affirme que l'adresse avec laquelle le castor bâtit sa maison est si admirable que l'on reconnaît en lui l'autorité d'un maître absolu, le véritable caractère d'un père de famille, le génie d'un habile architecte. Aussi les Sauvages disent que c'est un esprit et non un animal. Les castors s'assemblent, ordinairement neuf, et connaissent la bonté de leur établissement par la quantité d'eau qu'ils trouvent. Lorsqu'il s'agit de faire la charpente, il y en a un qui commande comme un premier moteur; et quand l'arbre qu'ils coupent avec les dents est près de tomber du côté où il le juge à propos, il fait un cri, qui est un signal à tous les autres d'en éviter la chute. Le travail d'un charpentier et l'application d'un maçon y sont observés avec art. Les uns taillent les arbres, d'autres font les fondations avec une force qu'un mouton ne pourrait enfoncer la pièce de bois avec plus de solidité; les autres, prenant du limon avec leur queue, en façon de truelle, en font le ciment des murailles, qui se trouvent à l'épreuve des injures du temps. Leurs maisons ont trois ou quatre étages. Les planchers sont faits de branches d'arbres. La chambre est toujours d'une grande propreté. Lorsque les eaux grossissent, les castors montent à l'étage, supérieur. Leurs provisions, écorces de tremble, sont au fond de l'eau. En dehors, ils avaient des maisons de campagne situées à quelques centaines de pas des demeures aquatiques.

 

Dans le commerce du XVIIe siècle, l'on distinguait plusieurs espèces de castor : le castor gras était le castor mis en robe et longtemps porté par les Sauvages; le demi-gras, mis en robe, n'ayant jamais été porté; le moscovite, sorti de la bête, n'était ni passé en robe, ni mis en usage quelconque et convenait le mieux à la vente en Moscovie, pays très froid; le sec , sorti de la bête, n'était ni passé, ni mis en robe, appelé d'ordinaire bardeau, parce que le cuir en était très épais, exposé à la vente chargé encore de chair, les Sauvages l'ayant mal gratté et apprêté, exprès pour trouver leur compte dans le poids. Le castor gras d'été était le castor passé par les Sauvages pour leur servir d'habillement; le castor sec d'été était le même, sauf qu'il n'était ni passé, ni apprêté, ni porté, depuis qu'on l'avait tiré de l'animal (V. P. Margry, t: V).

 

Selon M. George Johnson, dans les armoiries, le castor paraît pour la première fois comme emblème du Canada sur la cotte d'armes de sir William Alexander, accordée au vicomte de Sterling par le roi Charles Ier. En 1632, sir James Balfour reçut de Sa Majesté l'ordre de fixer cette cotte d'armes : on vit alors un castor représenté exactement comme on le voit aujourd'hui, dans les nombreux emblèmes destinés à symboliser l'intelligence, l'industrie et la persévérance du peuple canadien (V. Bull. des Rech. hist ., année 1905).

 

Le 13 octobre 1673, M, de Frontenac écrivait à Colbert qu'il proposait au roi. « comme ivrées et armes de la ville de Québec : les fleurs de lys sans nombre, au chef d'or, chargé d'un castor de sable, avec deux orignaux pour supports, et le blanc et le bleu, pour les livrées de la ville ». L'idée du gouverneur demeura sans réalisation.

 

Sur la médaille commémorative de la défaite de Phipps en 1690, l'on voit un castor s'avancer timidement vers une femme, qui, trône avec majesté sur les trophées enlevés à l'ennemi : figure symbolique de la Nouvelle et de l'Ancienne France.

 

La première édition de l'Histoire de Ia Nouv.-France du Père de Charlevoix, en 1744, porte au bas du titre une allégorie, représentant une ruche d'abeilles et deux castors placés sous des branches d'arbre.

 

En 1792, MM. Phyn, Ellice et Inglis, négociants de Londres, et MM: Mac Gill [sic] et Compagnie, de Montréal, fondaient une banque éphémère - Canada Banking C° -sur l'un des billets émis paraît, un castor rongeant le pied d'un arbrisseau.

 

En 1815, M. Viger, premier maire de Montréal fit dessiner un écusson de fantaisie, qui avait un castor comme support : ainsi le rongeur a passé dans les armes de la ville.

 

Quelques années plus tard, au sentiment de M. H. Larue, les emblèmes distinctifs des Sociétés Saint-Jean-Baptiste sont : un castor entouré d'une guirlande de feuilles d'érable, avec cette épigraphe : Nos Institutions, Notre Langue et Nos Lois. Aux premiers banquets de la Société qui se tinrent à Montréal, la salle de festin « était décorée de bouquets, de fleurs, de feuillages disposés en festons ». On y remarquait, à l'entrée, un faisceau de branches d'érables chargées de feuilles.

 

En 1836, le président de la Société, Denis Benjamin Viger, dit au banquet en parlant de l'érable: « Cet arbre, qui croît dans nos vallons, sur nos rochers, d'abord jeune et battu par la tempête, languit, en arrachant avec peine sa nourriture du sol qui le produit; mais bientôt il s'élance et, devenu grand et robuste, brave les orages et triomphe de l'aquilon qui ne saurait l'ébranler. L'érable, c'est le roi de nos forêts, c'est l'emblème du peuple canadien. » Quelques mois plus tard, le Canadien changeait sa vignette - à savoir un laboureur se reposant ­près de sa charrue et de ses boeufs - en adoptant comme emblème la feuille d'érable et le castor. « Frontispice, écrivait le rédacteur, facile à­ comprendre. Le principal, la feuille d'érable, a été, on le sait, adopté comme emblème du Bas-Canada, de même que la rose en Angleterre, le chardon en­ Ecosse, le trèfle en Irlande. » L'on croit que l'épigraphe fut inspirée par M. Etienne Parent. (V. Bull. des Rech. hist ., année 1898.)

 

Source  : LE JEUNE, L., « Castor », dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. 1, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 862p., pp. 325-326.

 

 

 

          

 

 

 
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