Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juillet 2006

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Ange de Menneville, Marquis de Du Quesne

Gouverneur de la Neuvelle-France

 

DU QUESNE (Ange de Menneville, marquis de) (1702-78), garde-marine, garde-pavilIon, enseigne de vaisseau, aide-major, capi­taine, dix-huitième gouverneur de la Nou­velle-France, lieutenant-général. — Menne­ville, bourg de 500 âmes environ, dans le Pas-de-Calais. — Il signait Du Quesne-Menne­ville.

 

Abraham Du Quesne naquit en 1610, à Dieppe, devint chef d'escadre en 1647 et lieu­tenant-général de la marine, en août 1677 : il expira subitement le 1er février 1688. Il laissait trois fils : Abraham ou le Grand Du Quesne, qui obtint du roi l'érection de sa terre en marquisat; Etienne et Jacob, qui embrassèrent la carrière de leur père. Afin de se distinguer entre cousins, les fils des trois frères firent des additions à leurs noms : Alexandre, fils d'Etienne, utilisa le nom de sa mère, appelée Suzanne Le Monnier, et signe : Du Quesne-Monnier : il fut le père de notre gouverneur; né vers 1653, Alexandre entra dans la marine, devint enseigne (1678), capitaine de galiote (1684), de vaisseau (1685), chef d'escadre (5 août 1715), com­mandant du port de Toulon, où il marie sa fille Ursule à Guillaume d'Icard et où figure Ange de Menneville comme témoin, comman­deur de Saint-Louis et décédé le 17 novem­bre 1726, laissant sept enfants : 1° le premier entra dans la marine comme garde en 1697 et périt sur le Vaillant, la même année; 2° Louis-Marie, né en 1694, garde-marine (1707), en­seigne (1712), lieutenant (1727), capitaine (1738) et chevalier de Saint-Louis : il si­gnait Duquesne.

 

Le troisième fils de Du Quesne-Monnier et d'Ursule Poissel fut Ange, sieur de Menne­ville. Il naquit à Toulon en 1702. Le 13 janvier 1714, il est admis garde-marine et passe cinq mois sur le Diamant; le 1er juillet 1716, il est nommé garde-pavillon et navigue six mois sur le Comte de Toulouse; puis sur le Henri, le Saint-Paul, le Solide, entre 1717 et 1726; le 4 décembre de cette année, on lui accorde une gratification de 200 liv. du Tré­sor Royal, à la mort de son père. Le 17 mars 1727, il est fait enseigne de vaisseau à Toulon et il navigue quatre mois à bord du Ti­gre; puis sur le Léopard, le Rubis, le Dia­mant, I'Eléphant, de 1728 à 1734. Le 1er juil­let 1735, on le nomme aide-major et il arma quinze mois sur l'Inconnu. Le 13 mai 1738, il est décoré de la croix de Saint-Louis. Puis il navigue au long cours jusqu'en 1745, sur le Ferme, la Sibylle, le Terrible, le Diamant. Le 1er janvier 1746, il est promu major à Toulon et, le 25 août 1749, capitaine de vaisseau. Le 1er janvier 1752, il est nommé gouverneur de la Nouvelle-France avec le titre de marquis; mais sa commission est datée du 1er mars suivant et ses fonctions le sont du 15 mai.

 

Antérieurement, M. Du Quesne s'était souvent signalé : M. de La Galissonnière l'ap­préciait et recommanda vivement sa nomination. Le 22 février 1744, eut lieu un engagement entre la flotte anglaise, commandée par l'amiral Mathews et la flotte franco-espagnole de l'amiral La Bruyère de Court, devant Tou­lon : la bataille resta indécise, malgré la valeur et l'habileté déployées par les officiers supérieurs. Le 6 décembre suivant dans l'escadre de la Jonquière, qui s'em­para du César-Auguste, richement chargé, M. Du Quesne commandait en Méditerranée le Léopard, qui se signala dans l'action : M. Du Quesne reçut 2.000 liv. d'acompte pour son 10e. Le 4 juin 1745, le marquis de Cay­lus, commandant d'escadre, écrivait à M. de Maurepas : « Si vous m'envoyez de temps en temps, comme je l'espère et qu'il est né­cessaire, quelques vaisseaux de guerre, que votre choix tombe sur les plus jeunes, tels que Blériac, Du Quesne-Menneville, Sérigny, etc...» En 1746, dans la formidable escadre du duc d'Anville, M. Du Quesne commandait le Barré, où se trouvait le gou­verneur promu, M. de La Jonquière.

 

Le ministre, dans la teneur de ses instruc­tions, avisait M. Du Quesne de ne point faire de dépenses excessives, de surveiller de près les Sauvages de l'Ohio, de bien examiner les cas des officiers recommandés par M. de La Jonquière pour la croix de Saint-Louis, de tenir ferme le bien-fondé de nos droits sur la vallée de l'Ohio et de ses tributaires, de bien encourager l'exploitation du sol, de veiller à l'établissement de nouveaux postes de défense aux frontières, d'y prévenir les abus de tout genre, de s'assurer des bons sentiments des Sauvages alliés, de s'entendre avec M. de Raymond de l'Ile-Royale relativement aux troupes : il est assuré du bon vou­loir du roi et de sa bienveillante assistance.

 

Débarqué à Québec au commencement du mois d'août 1752, M. Du Quesne ne tarda pas à s'instruire de l'état des troupes de la colo­nie. La discipline était fort relâchée : il s'ap­plique à la raffermir. Il y avait des désertions, « à cause, dit-il au ministre, de l'impunité dans les cas les plus griefs ». En quel­ques mois, il transforme ces mauvais soldats en troupes dociles et pleines d'ardeur (V. Garneau, t. II). Il avisa le ministre de déco­rer les officiers, Le Mercier, Jacrau de Fied­mont et Lusignan, de la croix de Saint-Louis. Au printemps de 1753, il envoya 1.500 Ca­nadiens et Sauvages dans la vallée de l'Ohio, sous les ordres de M. Marin et de M. Legardeur de Saint-Pierre. Ceux-ci construisirent le fort de la Presqu'île, au sud-est du lac Erié et celui de la Rivière-aux-Boeufs (French Creek, aujourd'hui). Aussitôt les Miamis, Sakis, Pouteoutamis, Chippewas prirent parti pour la France.

 

Alors le gouverneur de la Virginie, Robert Dinwiddie, qui se préparait à prendre posi­tion sur l'Ohio, leur signifia qu'ils eussent à se retirer des terres d'une dépendance de sa Province. Mais bientôt, M. de Pécaudy de Contrecoeur, commandant sur cette rivière, envoya Le Mercier, le 16 avril, chasser un détachement, occupé à faire des retranche­ments sur la langue de terre au confluent de la Monongahéla et de l'Alléghany, à 20 lieues environ des monts Apalaches : dans le mê­me endroit il érigea le fort Du Quesne (auj. Pittsburg en Pennsylvanie). En même temps, on avait mis plusieurs barques sur les chantiers aux lacs Erié et Ontario pour le service des transports. Et le marquis de Du Quesne avait demandé à M. de Kerlérec, gouverneur de la Louisiane, de ga­gner par des présents les tribus du haut Mississipi à joindre leurs forces à celles des Français sur l'Ohio. Surviennent bientôt le guet-apens de M. de Jumonville et ensuite la prise du fort Necessity (3 juillet 1754).

 

Dans l'intervalle, M. Du Quesne s'occupait des intérêts immédiats de la colonie, qui concernaient les représentations des habitants de Détroit, des demoiselles Desaulniers du Saut-Saint-Louis, la protection des frontières im­menses du pays, les devoirs de l'inspection générale, la situation économique des pos­tes éloignés et la condition morale et discipli­naire des déserteurs; ainsi que la surveillance des agissements des Anglo-Américains. Plusieurs de ses réformes essuyèrent une vio­lente opposition à laquelle se mêla l'intendant Bigot. Celui-ci adressait au ministre, M. Rouillé, les plaintes les plus acerbes contre le gouverneur. « Le marquis Duquesne, dit-il le 28 août 1753, bannit de la colonie, chasse sans procès, sans enquête et sans prendre l'avis de l'intendant. » Il parle de deux miliciens mutinés que M. Du Quesne a mis sept mois au cachot et a bannis; il a exilé aussi un habitant de Détroit pour avoir traité avec les Sauvages malgré la défense du commandant du poste.

 

M. le gouverneur sollicita son rappel pour rentrer dans la marine. « Il était d'une taille au-dessus de la médiocre, bien fait, et il avait de l'esprit; il était fier et hautain et ne souffrait pas que l'on manquât impunément à ses ordres... Comme il avait peu de biens, il chercha à s'en procurer, mais ce ne fut jamais par des voies criantes; son mérite ne fut pas connu, on ne le regretta que lorsque son successeur eut fait assez de fautes pour faire dire que si le marquis Du Quesne avait com­mandé on eût réussi. » (V. Mém. sur les aff. du Can., 1749-60.) L'historien Garneau ajoute: « Son départ ne causa aucun regret, quoiqu'il eût conduit assez heureusement les affaires publiques et pourvu avec sagesse aux besoins de la colonie. Son caractère hautain l'avait empêché de devenir populaire... Avant son départ, il eût voulu rallier les Iroquois et, en octobre 1754, il tint à Montréal un Conseil, où vinrent de leurs guerriers, ainsi que des Sauvages alliés, qui leur parlèrent avec force en faveur des Français.» (Duquesne à Rouillé, 31 octobre 1755).

 

Rendu en France, le mois suivant, le marquis reprit son service dans la marine. Créé chef d'escadre, il commandait, en avril 1759, le vaisseau le Foudroyant : il soutint contre trois navires anglais un combat de sept heu­res, mais il fut contraint alors de se rendre. Sa conduite fut vivement critiquée; le minis­tre, M. de Choiseul de Stainville, se montra très dur. Toutefois, le marquis parvint à se justifier complètement. En janvier 1763, il fut fait commandeur de Saint-Louis avec la pen­sion de 3.000 livres. Il se retira du service, le 8 avril 1776, avec le titre de lieutenant-géné­ral et une pension de 6.000 liv. Il mourut à Anthony (Seine), le 17 septembre 1778.

 

Source : Louis LE JEUNE, «Ange de Menneville, marquis de Du Quesne», dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. I, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931,  862p., pp. 561-563.

 
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