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Documents in Quebec History

 

Last revised:
23 August 2000


Documents on Public Immorality in Quebec in the Duplessis Era / Documents sur l'immoralité publique sous Duplessis [1956]

La déclaration DION - O'NEILL avait été acceptée par la censure ecclésiastique
(interview exclusive au DEVOIR)
Publiée le Samedi 11 août 1956 par Cyrille Felteau

Québec, 11 août - "La publication de notre lettre conjointe sur l'immoralité politique dans la province de Québec nous a surpris, mon collègue et moi", me déclarait hier M. l'abbé Gérard Dion dans son bureau de la faculté des Sciences sociales de l'Université Laval où, depuis onze ans déjà, il occupe les fonctions de directeur adjoint du département des relations industrielles.

"Quand nous l'avons rédigée pour le périodique ecclésiastique "Ad Usum Sacerdotum" dont je suis le directeur-fondateur depuis dix ans et dont chaque numéro est soumis à un censeur ainsi qu'il est de règle pour les publications religieuses. Nous étions loin de penser qu'elle connaîtrait une telle diffusion et un tel retentissement. Elle était exclusivement destinée aux membres du clergé; de là son ton et sa forme spéciale qui eussent été quelque peu différents si l'auditoire prévu avait été le grand public."

"Toutefois, continua-t-il, je tiens à préciser que si, par impossible, nous nous étions adressés à cet auditoire, nous eussions écrit en substance les mêmes choses. D'autre part, nous eussions insisté sur le rôle joué par les membres de certaines classes sociales qu'on a coutume d'associer à l'élite.

En l'absence de l'autre co-signataire de la lettre, M. l'abbé Louis O'Neill, professeur de morale au Petit Séminaire de Québec, M. l'abbé Dion avec son autorisation s'est fait son porteparole et a bien voulu me livret en exclusivité quelques précisions et commentaires inédits en marge de ce document extraordinaire.

"Nous sommes plutôt étonnés de la commotion causée dans l'opinion par ce texte", déclara-t-il. "En somme, qu'y avons-nous dit de plus que ce que tout le monde savait déjà ? N'est-il pas troublant de constater que dans notre province, la vérité pure et simple ne puisse apparaître au grand jour sans provoquer ce qu'on pourrait appeler le scandale des faibles ?"

"Je conviens avec mon collègue que certains passages rendaient un son nouveau, notamment ceux où, en tant que prêtres, nous faisons notre Mea Culpa. Mais pour quiconque connaît un peu la régie interne de l'Église, il n'y a pas là matière à étonnement et encore moins à scandale. C'est tout simplement une forme de "correction fraternelle", ou encore "d'auto-critique" d'usage courant et qui a contribué énormément à la force et à la pérennité de l'Église. Nous sommes convaincus que cet effort évident de réadaptation de la prédication aux circonstances et exigences de notre temps, loin de scandaliser les laïques et même les non-catholiques, est au contraire de nature à leur faire comprendre et admirer davantage l'Église catholique."

"Dans certaines dépêches de presse, poursuivit-il, on nous a présentés comme les porte-parole officieux d'un groupe de "réformistes" ou de "réformateurs" au sein de l'Église québécoise. je crois opportun de rappeler qu'il n'y a pas - qu'il ne peut y avoir - de réformistes ou de réformateurs dans l'Église catholique romaine. Tous, du haut en bas de l'échelle hiérarchique, nous acceptons le dogme tel qu'il est, et nous nous soumettons aux directives et aux décisions de nos supérieurs dans ce domaine, en l'occurrence les évêques. Eux seuls ont le droit et le pouvoir de parler an nom de l'Église et d'engager sa responsabilité.

Malgré tout, en ce qui a trait aux applications concrètes de la morale, il peut exister diverses tendances que nous avons toute liberté d'exprimer et de faire valoir. C'est ainsi que dans l'Église de Pierre, s'allient et se compénètrent discipline et liberté".

"Enfin, un reporter de Québec paraît avoir interprété de façon erronée les quelques allusions que je lui ai faites personnellement sur la liberté de la presse dans la province de Québec. J'ai dit tout simplement que je craignais qu'un certain nombre de journaux québécois n'appuyassent pas la campagne d'éducation morale, civique et politique que nous avions préconisée dans notre article. De là affirmer qu'ils ne l'appuieront pas en fait, et que la liberté de la presse n'existe absolument pas dans la province de Québec, il y a toute la marge entre la demi vérité et la vérité. D'ailleurs, les derniers développements nous portent à croire que cette crainte ne sera pas confirmée par les faits. C'est d'excellent augure pour les idées que nous soutenons et pour l'assainissement progressif de l'atmosphère "politico-morale" du Québec".