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Documents in Quebec History

 

Last revised:
23 August 2000


Documents sur le Programme catholique de 1871 / Documents on the Catholic Programme of 1871

Le Programme catholique [1871]

Notre pays, soumis au régime constitutionnel, aura dans peu de temps à choisir ses représentants. Ce simple fait soulève nécessairement une question que notre devoir de journaliste catholique nous oblige de résoudre, et cette question doit se poser comme suit :

Quelle doit être l'action des électeurs catholiques dans la lutte qui se prépare, et quelle doit être leur ligne de conduite dans le choix des candidats qui solliciteront leurs suffrages ?

Nous croyons pouvoir répondre à cette question d'une manière satisfaisante en donnant quelque développement aux idées exprimées par Sa Grandeur Mgr l'Evêque des Trois-Rivières dans sa dernière Lettre Pastorale. Voici les lignes que nous y trouvons :

« Les hommes que vous envoyez vous représenter dans la législature sont chargés de protéger et de défendre vos intérêts religieux, selon l'esprit de l'Église, autant que de promouvoir et sauvegarder vos intérêts temporels. Car les lois civiles sont nécessairement en rapport sur un grand nombre de points avec la religion. C'est ce que les pères du Concile disent clairement dans leur décret.

Vous devez donc vous assurer prudemment que le candidat à qui vous donnez vos suffrages est dûment qualifié sous ce double rapport et qu'il offre, moralement parlant, toutes les garanties convenables pour la protection de ces graves intérêts.

Nous devons sans doute rendre grâce à Dieu, de la pleine et entière liberté que la constitution de notre pays accorde en droit au culte catholique de se régir et de se gouverner conformément aux règles de l'Église.

C'est par un choix judicieux de vos législateurs que vous pourrez vous assurer la conservation et la jouissance de cette liberté la plus précieuse de toutes, et qui doit donner à vous premiers pasteurs l'immense avantage de pouvoir gouverner l'Église du Canada selon les prescriptions et directions immédiates du Saint-Siège et de l'Église romaine, la mère et la maîtresse de toutes les églises. »

Ces conseils dictés par la sagesse, seront compris, nous l'espérons, par tous les électeurs catholiques de la Province de Québec. Il est impossible de le nier, la politique se relie étroitement à la religion, et la séparation de l'Église et de l'État est une doctrine absurde et impie. Cela est particulièrement vrai du régime constitutionnel qui, attribuant au parlement tout pouvoir de législation, met aux mains de ceux qui le composent une arme à double tranchant qui pourrait être terrible.

C'est pourquoi il est nécessaire que ceux qui exercent ce pouvoir législatif soient en parfait accord avec les enseignements de l'Église. C'est pourquoi il est du devoir des électeurs catholiques de choisir pour leurs représentants des hommes dont les principes soient parfaitement sains et sûrs.

L'adhésion pleine et entière aux doctrines catholiques romaines en religion, en politique et en économie sociale, doit être la première et la principale qualification que les électeurs catholiques devront exiger du candidat catholique. C'est le criterium le plus sûr qui devra leur servir à juger des hommes et des choses. On comprend qu'il ne peut être ici question des protestants auxquels nous laissons la même liberté que nous réclamons pour nous-mêmes.

Ces prémisses posées, il est facile d'en déduire des conséquences qui serviront de guide aux électeurs. Mais pour établir des règles pratiques dont l'application soit facile, il faut tenir compte des circonstances particulières où notre pays est placé, des partis politiques qui s'y sont formés et de leurs antécédents.

Nous appartenons en principe au parti conservateur, c'est-à-dire, à celui qui s'est constitué le défenseur de l'autorité sociale. C'est assez dire que par le parti conservateur nous n'entendons pas toute réunion d'hommes n'ayant d'autre lien que celui de l'intérêt et de l'ambition personnelle, mais un groupe d'hommes professant sincèrement les mêmes principes de religion et de nationalité, conservant dans leur intégrité les traditions du vieux parti conservateur qui se résument dans un attachement inviolable aux doctrines catholiques et dans un dévouement absolu aux intérêts nationaux du Bas-Canada.

Dans la situation politique de notre pays, le parti conservateur étant le seul qui offre des garanties sérieuses aux intérêts religieux, nous regardons comme un devoir d'appuyer loyalement les hommes placés à sa tête.

Mais ce loyal appui doit être subordonné aux intérêts religieux que nous ne devons jamais perdre de vue. Si donc il existe dans nos lois des lacunes, des ambiguïtés ou des dispositions qui mettent en péril les intérêts des catholiques, nous devons exiger de nos candidats un engagement formel de travailler à faire disparaître ces défauts de notre législation.

Ainsi, la presse religieuse se plaint avec raison que nos lois sur le mariage, sur l'éducation, sur l'érection des paroisses et sur les registres de l'état civil sont défectueuses, en ce qu'elles blessent les droits de l'Eglise, gênent sa liberté, entravent son administration ou peuvent prêter à des interprétations hostiles. Cet état de choses impose aux députés catholiques le devoir de les changer et modifier selon que Nos Seigneurs les Evêques de la Province pourraient le demander afin de les mettre en harmonie avec les doctrines de l'Eglise catholique romaine. Or, pour que les députés s'acquittent plus diligemment de ce devoir, les électeurs doivent en faire une condition de leur appui. C'est le devoir des électeurs de n'accorder leurs suffrages qu'à ceux qui veulent se conformer entièrement aux enseignements de l'Eglise relativement à ces matières.

Concluons donc en adoptant les règles générales suivantes dans certains cas donnés.

1. Si la lutte se fait entre deux conservateurs, il va sans dire que nous appuierons celui qui acceptera le programme que nous venons de tracer.

2. Si, au contraire, elle se trouve engagée entre un conservateur d'une nuance quelconque, et un adepte de l'école libérale, nos sympathies actives seront pour le premier.

3. Si les seuls candidats qui s'offrent à nos suffrages dans un comté sont tous libéraux ou oppositionnistes, nous devons choisir celui qui souscrira à nos conditions.

4. Enfin, dans le cas où la contestation serait engagée entre un conservateur rejetant notre programme et un oppositionniste quand même l'acceptant, la position serait plus délicate. Voter pour le premier serait nous mettre en contradiction avec la doctrine que nous venons d'exposer. Voter pour le second serait mettre en péril ce parti conservateur que nous voudrions voir puissant. Quel parti prendre entre ces deux dangers ? Nous conseillerions alors l'abstention des électeurs catholiques.

On comprend néanmoins que ces règles posées laissent encore aux électeurs une certaine liberté d'action qui dépendra des circonstances particulières de chaque comté et des antécédents de chaque candidat. Au reste, nous avons tenu à mettre surtout en évidence les convictions et les qualifications religieuses que les électeurs doivent exiger de ceux qui sollicitent leurs suffrages. Il est utile d'ajouter que pour faire prévaloir leurs convictions religieuses, il faut chez les députés l'intelligence et l'instruction. Après s'être assurés des principes religieux des candidats, il faudra donc en second lieu s'efforcer de faire parvenir en chambre la plus grande somme possible d'intelligence et d'instruction.

Nous réprouverions donc toute action ministérielle qui tendrait à éliminer de l'arène parlementaire des hommes capables de rendre service à la cause catholique et nationale, sous le prétexte qu'ils gêneraient quelques ambitions. Composer la représentation de ministres dociles et impuissants serait certainement un grand mal qu'il faut éviter.

En deux mots, nous voulons sauvegarder à la fois l'honneur de la Patrie et la liberté de l'Eglise, et tout notre programme peut se résumer dans ce mot: « Religion et Patrie » .

Source: Le Journal des Trois Rivières, le 20 avril 1871. Reproduit dans André LAVALLÉE, "20 avril 1871 : Un programme électoral catholique", dans Albert DESBIENS, ed., Histoire du Canada. Une expérience tricentenaire, Montréal, Éditions Sainte-Marie, 1967, 163p., pp. 118-121.

© 2000 Claude Bélanger, Marianopolis College