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Documents in Quebec History

 

Last revised:
20 August 2001


Documents sur la grève de l’amiante de 1949 / Documents on the 1949 Asbestos Strike

L’amiantose

Vous nous intéressez toujours vivement en notre affaire d'amiantose-silicose si vilaine. Vous voudrez bien sans doute, continuer de la traiter jusqu'à nous la faire voir mieux soignée.

Le Devoir nous fait lire une lettre du médecin de la Cie Johns-Manville. Elle signale des faits intéressants, peu faciles à prouver et qu'elle ne prouve pas. Vous savez sûrement l'apprécier –- mais en notions médicales, il s'en trouve peut-être qui vous sont moins familières.

Ces notions servent souvent à former des opinions divergentes, même divagantes, qui sont des produits d'esprit plus médicinal que médical. Imaginez que deux lettres-réponses me furent adressées par deux confrères, dénommés honorables à Québec. Elles sont tissées d'insignifiances, .de bourrage de crâne et d'une pompe à mépriser. Elles sont vraiment et toute à fait médicinales.

Celle du docteur Kenneth W. Smith reflète au moins une compétence plus avancée, d'un degré plus élevé que celui des deux autres docteurs plus haut placés. Tant il est vrai qu'il y a des honneurs qui n'honorent ni la fonction ni la personne.

Permettez-moi de suggérer une définition médicale de la vie, où l'appareil pulmonaire a un rôle primordial. Ce serait une base de bonne entente médico-sociale. Si elle vous est utile, nous n'aurons qu'à nous en réjouir.

La vie se compare à une combustion. Pour que se produise cette combustion, il faut deux éléments: un comburant ou brûleur et un combustible qui sera le brûlé.

Notre comburant est l'oxygène de l'air respirable et respiré. Le combustible est ce résultat final de notre digestion, mis en circulation dans nos canaux lymphatiques et sanguins. Il est amené, à chaque contraction cardiaque, dans les poumons remplis d'air inspiré.

Au contact de l'air brûlant, ce déchet organique est brûlé. Le produit nouveau, acide carbonique, se dégage ou s'exhale dans l'air expiré. C'est des plus simples et indéniable.

Cet échange gazeux entre l'air et le sang fait l'oxygénation ou régénération sanguine. Le sang veineux, de couleur rouge sombre, se transforme en sang rouge vif artériel, dépuré et plus riche en hémoglobine, plus vivifiant ou de plus haute vitalité. Tout ces échanges respiratoires et circulatoires se font au rythme de 16 à 18 à la minute. Une molécule de sang fait le tour de la circulation deux fois par minute. Inutile d'ajouter que ces fonctions merveilleuses sont coordonnées de parfaite façon par l'Auteur des vies jugées nécessaires, et qu'elles doivent fonctionner sans interruption durant 24 heures par jour.

Il devient évident que plus nous avons d'air pur oxygéné à inspirer, plus nous avons de chances d'une meilleure santé, plus résistante à des atteintes de maladie aiguë ou chronique.

Il est impérieux de reconnaître que toute poussière est nocive, pathogène, et meurtrière pour l'organisme humain. On admet divers degrés de nocivité, selon les variétés et la densité des poussières, mais on ne peut en dire que du mal pour tous les êtres vivants. Les animaux et végétaux eux-mêmes s'en défendent instinctivement et spontanément. La mort est certaine, lente ou rapide selon les sujets, surtout quand la densité moléculaire massive s'élève à multiples millions, comme il fut déclaré à notre députation d'élus délibérants, prétendus gens d'élite, sur notre colline parlementaire de Québec.

Les radiographies soulignées par le docteur Smith sont d'une importance à ne pas ignorer. Il convient d'ajouter, n'en déplaise à quiconque qu'il faut savoir les faire, les lire et interpréter. C'est encore un esprit médical très éclairé qui doit conclure et renseigner savamment. Ce rôle des plus important est attribué aux seuls radiologistes reconnus experts, dans tous les hôpitaux chez nous comme à l'étranger.

Quant aux statistiques, médicales ou autres, il y a distinctions sérieuses à débattre. Les certificats de maladies et de décès sont souvent des puits de science à clarifier. Les médecins d'hôpitaux, nos médecins légistes, font des trouvailles étonnantes dans les protocoles de laboratoires, de salles d'opération et d'autopsie.

En ce qui concerne notre amiantose-silicose, il faut convenir aussi que la poussière se localise où pénètre bien ailleurs qu'aux poumons. La tuberculose n'est pas, non plus, la seule complication possible et à redouter. C'est tout l'organisme humain, dans toutes ses fonctions diverses de nutrition et d'élimination, qui peut en être vitalement lésé et qu'il faut protéger.

Comme vous voyez, cher Monsieur Laurendeau, il peut se construire des opinions variées en notre médecine. C'est qu'elle se définit une science et un art. On y voit des artistes qui, comme en peinture, s'ingénient à créer de l'artificiel pour défigurer, déformer, essayer de tuer le naturel. Les études médicales ont pourtant pour objets de connaissance des beautés naturelles très réelles. L'être humain, la vie humaine, sont des réalités vivantes qu'il faut apprendre et connaître telles qu'elles furent créées afin de mieux les soigner.

IL est interdit d'imaginer ou de modifier à son gré le chef-d'oeuvre le plus admirable de la Création. Il est bien au-dessus de la haute et hautaine légèreté d'esprits superficiels ou artificieux. Les phantasme de prétendus ou faux savants prétentieux sont des fumisteries avilissantes d'anormaux conscients ou inconscients. Les anthropoïdes, les bêtes humaines et les robots qu'on nous fait voir, soient-ils parleurs et rieurs, ne sont pas en lignée directe de l'être humain « créé homme et femme ». Notre biologie –- le principe de vie qui nous anime –- issue d'un souffle tout-puissant et éternel ne peut souffrir ni tolérer pareille injure de comparaison, sotte ou blasphématoire.

Veuillez continuer de défendre notre vie voulue si belle, même s'il nous faut la gagner, contre nos docteurs Pancraces et nos pédants Narcisses congénitaux ou évolués, piqués ou marteaux.

Respectueusement, cher Monsieur Laurendeau, je vous prie d'agréer l'expression de mes sentiments les meilleurs.

J.-Adonias LUSSIER M. D.
388, ave Olivier
Westmount.
Le 22 mai, 1949.

Source: J.-Adonias Lussier, « L’amiantose » Le Devoir, 10 juin 1946, p. 4

© 2001 Claude Bélanger, Marianopolis College