Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Septembre 2005

Documents of Quebec History / Documents de l'histoire du Québec

 

La femme doit déserter la politique

pour se vouer à la charité

[1928]

 

 

Tel est, en résumé, le conseil donné, hier, par Mgr l’administrateur aux dames qui assistaient à l’assemblée annuelle de l’Assistance Maternelle — Rapport du comité général — Allocution de Mme Hamilton et de M. le docteur Baudoin [sic]

 

« IL FAUT TOUT DONNER SANS COMPTER »

 

« Le féminisme est une maladie qui a besoin d’être guérie par d’autres œuvres que celles de la politique; quand vous aurez une femme député de plus, vous ne réglerez rien », disait hier Mgr Georges Gauthier à l’assemblée annuelle de l’Assistance Maternelle, à laquelle les femmes assistaient en grand nombre. Il y eut d’abord le 16e rapport annuel du comité général par Mlle Adèle Lamothe. En voici le texte :

 

LES ACTIVITÉS DE L’ANNÉE

 

Les membres entendirent ensuite le 16e rapport de la secrétaire, Mme J.-A.-A. Brodeur, qui fut lu par Mlle Lamothe.

 

Voici un résumé de ce rapport :

 

En 1927, 1,044 mères ont été secourues, soit 115 mères de plus que l’année précédente. De ce nombre, 685 furent assistées par le comité général. Ayant retenu les services d’une infirmière diplômée de l’Ecole d’hygiène sociale, mademoiselle Antoinette Deland, l’œuvre a voulu faire bénéficier ses protégés des améliorations que l’étude plus approfondie des questions d’hygiène sociale apporte au soulagement de la misère chez les déshérités de la vie.

 

Aidée de ses collaboratrices, mesdames Daoust et Lafortune, l’infirmière en charge du service des mères pauvres à domicile, œuvre proprement dite de l’Assistance Maternelle, a pu fournir un travail vraiment appréciable comme le prouvent les statistiques suivantes :

 

500 mères et 480 nouveaux-nés ont été soignés. Ils reçurent 9,139 visites réparties comme suit : aux mères, 6,698 visites dont 974 visites prénatales et aux nouveaux-nés 2,441 visites.

 

L’allaitement maternel si nécessaire à la santé de l’enfant fut préconisé avec succès auprès des mères et l’inoculation aux nouveaux-nés du sérum préventif contre la tuberculose fut pratiquée d’une façon générale.

 

Il n’y a eu aucun décès de mères à déplorer; par contre, il a fallu enregistrer la mort de 15 nouveaux-nés.

 

Au dispensaire, confié à MM. les docteurs Eugène Giroux et Charles Smith, les mères assistées par le comité général et par les comités paroissiaux reçurent gratuitement la consultation médicale et les remèdes prescrits.

 

En 1927, l’on enregistra 2,064 consultations, 492 mères s’y étant inscrites dont 168 avant le cinquième mois de gestation et 324 après le cinquième.

 

2,232 prescriptions furent remplies et 5,882 remèdes ont été distribués.

 

Il faudrait donc s’assurer les services d’une autre de ces infirmières afin de faire bénéficier chacun des nouveaux-nés de ces soins importants. De plus, le concours d’une seconde infirmière permettrait de développer davantage le service prénatal et de combattre encore par cet autre moyen le fléau de la mortalité infantile. Qu’il me soit donc permis d’insérer ici ces quelques remarques afin d’attirer l’attention des amis de l’œuvre sur l’un des buts de l’Assistance maternelle : conserver à la société son capital le plus précieux, les nombreuses vies humaines qui, fautes de soins, hélas! trop souvent sont fauchées par la mort dès le berceau.

 

Outre les soins médicaux, les protégés de l’œuvre reçurent après enquête tous le secours matériels requis par leurs besoins. En 1927, 627 layettes complètes, 47 layettes partielles, 323 literies, 55 couvertures, 19 confortables furent distribués. 2,979 commandes de provision et de lait ont été données. A Noël, 112 dîners furent offerts à l’hôpital et aux familles les plus pauvres et les plus nombreuses.

 

Pendant l’année, 2,997 personnes sont venues à la maison de l’œuvre pour réclamer de l’aide et des renseignements. Répondant aux appels de détresse venus même de bien loin, l’Assistance maternelle envoya des secours à 6 mères demeurant à Rivière-St-Jean, Côte Nord, et à une autre mère résidant à Hussar, province d’Alberta.

 

La coopération la plus étroite a toujours existé avec les conférences St-Vincent de Paul, aussi que de bien en a résulté pour les pauvres. Au président général et aux présidents des diverses conférences de cette société-sœur, l’Assistance  maternelle réitère l’expression de sa fraternelle sympathie.

 

Le vestiaire de l’œuvre a reçu au cours de l’année, 12,761 morceaux de lingeries confectionnés. Placé sous l’habile direction de Mlles Alexandrine Décary, Rosa Bessette et de Mme B. Laforest, il a de plus reçu quantité de vêtements usagés, des meubles et autres objets pouvant être utiles aux protégées de l’œuvre.

 

La couture individuelle contribue pour une large part à remplir le vestiaire. Des remerciements sont offerts par le conseil à Mmes Beauchamp, Bergeron, Bédard, Chrétien-Zaugg, Daigle, Desjardins, Godin, Grimard, Lafontaine, Lemieux, Lespérance, Mignault, Melançon, Masson, Martineau, Montpetit, Nadeau, Prévost, Seers, St-Germain, Scheur, Dufour, Hudon, Hébert, Lefèbvre, Larose, La Mothe, Larue et Raymond.

 

Le comité de l’œuvre des bas, dont Mme E. Daoust est la présidente et la fondatrice, apporte à l’Assistance maternelle un secours inappréciable. Au cours de l’hiver, plus de 434 paires de bas furent distribuées aux mères fréquentant le dispensaire.

 

Le service social, sous la direction de Mme Pinard et de Mlle Solange Thibaudeau se développe de plus en plus et le comité général ne peut que louer une telle organisation pour les services rendus à ses protégés.

 

Les secours spirituels furent distribués aux malades de l’hôpital par l’aumônier, M. l’abbé Labelle, et, en son absence, par M. l’abbé Brossard.

 

Pour accomplir son œuvre auprès des pauvres, l’Assistance maternelle reçoit des subsides du gouvernement de la province et de la cité de Montréal. Grâce à l’intervention du secrétaire d’Etat, dont les sympathies sont acquises à l’œuvre qui jouit des bienfaits de sa protection,le gouvernement provincial a bien voulu se charger de payer le salaire d’une infirmière graduée de l’Ecole d’hygiène sociale affiliée à l’Université de Montréal.

 

L’Assistance doit en plus avoir recours à des organisations qui lui apportent des argents si nécessaires pour le maintien de l’œuvre.

 

RAPPORT FINANCIER

 

Mme Henri Patry, trésorière, a ensuite soumis le rapport financier de l’année, lequel fait constater que la caisse est vide, ce qui ne manquera pas d’attirer l’attention de ceux qui peuvent venir en aide à cette œuvre.

 

Recettes. — Parties de cartes, $4,733.90; dons, $2,021.27; subsides, $14,800; contributions mensuelles, $120; contributions annuelles, $340.25; loyer, $481.25; intérêts, $46.60; divers, $41.60. Total : $22,565.53.

 

Solde en banque le 1er janvier 1927, $1,574.37.

 

Déboursés. — Taxes, $170.33; chauffage et éclairage, $735.10; gardes-malades, $4,250; médecins, $3,555.99; provisions, $9,283.85; gages, $546.50; lingerie, $3,974.45; pharmacie, $1,884.83; téléphones, $131.51; tramways, $325; Dépenses générales, $1,000.86. Total : $24,093.91.

 

Solde en banque au 31 décembre 1927, $45.98. Total : $24,139.89.

 

S.G. MGR GAUTHIER

 

Mgr Georges Gauthier adressa ensuite la parole au nombreux auditoire et loua la grandeur de l’œuvre de l’Assistance Maternelle. Il exprima ses regrets de constater que sur cent-dix paroisses dans les limites de notre ville, seulement dix-huit s’occupent de cette œuvre qui est pourtant une des plus belles œuvres que nous ayons dans Montréal.

 

 

« La réflexion m’amène, dit-il, depuis six ou sept mois, à penser qu’il est absolument temps que toutes les femmes soucieuses de l’avenir de la province de Québec laissent les préoccupations politiques pour s’occuper des questions de charité et des affaires véritablement sociales.

 

Nous lançons la province de Québec dans une direction qui n’est pas saine. Laissez-moi vous dire que nous avons tort de penser que nous sommes en face d’une évolution nécessaire : la maladie a elle aussi une évolution, et cependant tout le monde se ligue pour l’empêcher. Or, le féminisme est une maladie et il a besoin d’être guéri par d’autres œuvres que celles de la politique… Quand vous aurez une femme député de plus, vous ne réglerez rien! »

 

« Les femmes ne sont pas toutes préparées à être de bonnes ménagères; on me dit qu’un ouvrier ne peut pas aujourd’hui vivre et faire vivre sa famille, pour la bonne raison qu’il est obligé d’acheter les vêtements tout faits, et les aliments tout préparés, faute de la préparation nécessaire de la femme au mariage ».

 

« Ce n’est pas comme cela que nous avons été élevés : nos bonnes mères nous ont fait nos habits, et nous n’en sommes pas plus mauvais pour tout cela. L’esprit de famille s’en va, et viennent le découragement, la mauvaise union; vous le savez, vous, mesdames qui faites partie de l’assistance maternelle et qui par conséquent avez connaissance de tant de malheurs dans les familles ».

 

« Je vous en prie, dit Mgr Gauthier, orientez de plus en plus vos activités du côté de la charité. » Mgr serait bien heureux de voir disparaître tout à fait cette campagne du droit de vote pour les femmes, campagne qui a été provoquée dans le monde entier par des raisons confessionnelles. Il y a des partis anticléricaux qui sont à peu près d’égale force aux partis catholiques, et ils savent bien qu’avec le vote des femmes ils vont avoir la main forte sur les partis catholiques. 

 

« S’il y a un pays au monde où la famille est considérée, c’est en France, et ces gens-là ont mis toute préoccupation politique de côté : c’est un bel exemple à imiter ». Mgr Gauthier donne aussi exemple l’Assistance Maternelle qui est une des plus belles œuvres sociales et qui rend à la société un service infiniment précieux en gardant la femme dans la sphère qui lui convient.

 

Mgr Gauthier exprime alors ses regrets d’être obligé de quitter l’assemblée, à cause de ses nombreuses occupations occasionnées par la semaine sainte, et le Rév. Père Langlais, provincial des Dominicains, consent à remplacer Mgr Gauthier.

 

LE SERVICE SOCIAL


Mlle Solange Thibaudeau lit le rapport annuel du Service social. Pendant l’hiver 1928, 195 familles ont été visitées. Les dames visiteuses veillent à ce que les pauvres mères et leurs enfants ne manquent  pas des choses les plus nécessaires. Bien des logements ont été améliorés grâce à elles, ou ils ont été quittés pour des logements moins insalubres.

 

Il s’agissait souvent d’obtenir du charbon à la Saint-Vincent de Paul, et d’aller voir personnellement les présidents à cette fin. Le Service social a organisé en janvier, à la Salle Saint-Jean-Baptiste, une soirée qui a rapporté un profit net de $53.00 : $48.00 ont été immédiatement transformés en bons de lait qui a été distribué aux enfants qui en avaient le plus besoin. Il reste $5.00 en banque, et des coupons pour 30 pintes et 70 chopines de lait.

 

Une autre œuvre a spécialement intéressé le Service social : c’est l’œuvre de la première communion; parmi les familles visitées cet hiver, une douzaine de fillettes ont été habillées, et quelques petits garçons, par les soins, et souvent des mains mêmes des dames visiteuses. Une dame visiteuse a donné à elle seule 300 morceaux divers aux familles qu’elle visitait, une autre 100 morceaux, et une troisième 80 morceaux. Une dame s’est donné un mal extrême pour placer les quatre enfants d’un père tuberculeux et sans travail, pour s’entendre dire en fin de compte que les parents refusaient de se séparer d’eux.

 

On a donné 33 matelas, 12 sofas, 62 confortables, 24 couvertures de laine, 6 poêles, 49 chaises, 5 voitures de bébés, 3 tables, 5 chiffonniers, 1 cuvette, 1 tordeuse, 7 fers à repasser, 280 article [sic] de cuisine, 2 portières, 7 draps de lit, 19 oreillers, 122 robes, 178 chapeaux d’hommes, de femmes et d’enfants, 270 paires de chaussures, 18 robes de nuit, 260 sous-vêtements, 24 paires de mitaines, environ 400 articles pour bébés, 375 paires de bas, 33 jupons, 158 gilets, 48 habits d’hommes et de garçons, 61 pantalons, 24 paletots, et près de 700 autres articles.  

                                                                                                                                            Une somme de $470.69 a été dépensée ainsi cet hiver. Une dame à elle seule a donné $165.00,une autre $50.00 une autre $33.85, et une quatrième $40.00.

 

Mme HAMILTON

 

Mme Hamilton, présidente de l’Assistance Maternelle, adresse alors quelques paroles.

 

« Donnez généreusement, dit-elle, donnez des provisions. Ne considérez pas que c’est un grand bonheur que vous nous causer [sic] quand vous nous dites que vous avez tant de fonds en banque. Il faut donner presque sans compter, en usant toutefois de votre bon jugement, et occupez-vous dans les paroisses des mères très malades. Occupez-vous des mères gravement malades qui sont souvent sans secours; la mère, après avoir eu plusieurs enfants, il vaut bien la peine qu’on s’occupe d’elle. Mgr Bruchesi, à qui j’avais autrefois demandé conseil à ce sujet me dit : « Ma chère enfant, il est toujours mieux d’être prodigue que d’être mesquine ». J’ai suivi son conseil et vous demande de le suivre à votre tour ». 

 

 

LE R. P. LANGLAIS

 

Le révérend Père Langlais, O. P., nous dit sa joie de présider une réunion à laquelle assiste l’élite de notre ville.

 

« J’ai connu votre œuvre par elle-même, dit-il, et j’y suis dévoué depuis nombre d’années; je connais aussi de votre présidente l’âme courageuse et le cœur toujours charitable. On vient de donner un rapport financier; vous savez que le véritable trésor de votre œuvre, ce ne sont pas les dollars. Ce que le pauvre attend de vous, ce n’est pas vos dollars, mais c’est un sourire, le sourire de la charité. L’âme du pauvre, plus encore que son corps, a faim; son cœur, plus encore que son estomac, a besoin de pain. Dans votre belle œuvre, c’est la charité du Christ qui doit vous inspirer d’aller jusqu’aux pauvres et de reconnaître en eux les membres du Christ. Vous possédez cette charité par la grâce, par la présence du Christ en vous, et en éprouvant l’affection même de Notre-Seigneur pour le pauvre.

 

Cette charité est édifiante et je demande à Notre-Seigneur de la développer encore davantage. Dans la mesure où vous pratiquerez cet esprit de charité les unes envers les autres, dans cette même mesure vos cercles seront de véritables foyers d’activité ».

 

M. Le DR BEAUDOIN

 

« C’est une coopération très importante que vous apportez dans le domaine de l’hygiène. Il ne faut pas quitter cette idée : le groupe auquel nous avons l’honneur d’appartenir ne peut compter que sur ses propres forces; nous ne pouvons pas compter, comme les Anglais, sur l’apport de l’étranger, mais sur nos propres forces seulement.

 

Nous perdons, tous les ans, dans le province de Québec, 12,000 enfans [sic] de moins d’un an : les rapports statistiques en font foi. Ce chiffre est énorme : C’est toute la population de plusieurs de nos villes, et lorsque resencement se fait 10 ans après, ce n’est plus 12,000, c’est 120,000 enfants que nous avons perdus. Or, vous arrivez : combien de vie précieuse [sic] vous pouvez sauver à la société, quels services inappréciables ne rendez-vous pas aux nombreuses familles pauvres de Montréal. Soyez-donc remerciées pour ce dévouement.

 

Remarqué dans l’assistance : Mme Fortunat Monette, Mme J.A. Lachance, Sr. Marie Gérin-Lajoie et quelques autre religieuses de Notre-Dame du Bon Conseil, Mmes Henri Beaudry, F.-L. Béique, Hector Desjardins, Ernest Girardot, Alfred Thibaudeau, Mlle Thibaudeau, Mmes Pinsonnault, Beauvais, Laforet, Mlles Juliette Cardinal, Alphonsine Mercier, Mmes L.-D. Mignault, Rodolphe Perreault, Yvan Dorval, M. le Dr J.-A. Beaudoin et autres ».

Source: « La femme doit déserter la politique pour se vouer à la chartié ». Le Devoir, 5 avril 1928, p.1, 2. Article transcrit par Christina Duong. Révision par Claude Bélanger.

 

 

 

 

 

 
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