Quebec History Marianopolis College


Date Published:
23 August 2000

Biographies of Prominent Quebec Historical Figures

 

Henri d'Arles
[né Henri Beaudet, dit Beaudé]
1870-1930

 

Damien-Claude Bélanger,
Département d’histoire,
McGill University

Prêtre, historien, essayiste et critique littéraire, né le 9 septembre 1870 à Princeville, comté d’Arthabaska, fils d’Athanase Beaudet, employé des postes, et de Marie-Élisabeth-Esther Prince. Après des études chez les Frères du Sacré-Cœur et les Frères des Écoles chrétiennes, il fait son cours classique au Petit Séminaire de Québec, puis entre chez les Dominicains, à Saint-Hyacinthe, en 1889. En 1890, il prononce ses vœux sous le nom de Frère Athanase et est ordonné à Saint-Hyacinthe, le 25 mars 1895, par Mgr Decelles. Il exerce le saint ministère successivement à Saint-Hyacinthe, à New York, à Lewiston, Maine, et à Fall River, Massachusetts, entre 1895 et 1902. En 1902, Beaudé demande son excloîtration aux autorités de l’Ordre de Saint Dominique pour passer au clergé séculier, mais n’obtiendra son bref de sécularisation qu’en 1912. En 1906, il fait un voyage en Terre Sainte et s’inscrit à l’École biblique de Jérusalem. Plus tard, il visite la France. C’est alors qu’il choisit son pseudonyme, Henri d’Arles, en guise d’admiration pour cette ville provençale et pour son grand poète, Frédéric Mistral. Agrégé au diocèse de Manchester, New Hampshire, par Mgr Georges-Albert Guertin, le premier évêque franco-américain, en 1912, il est nommé aumônier du couvent des Dames augustines, dans la banlieue de Manchester, en 1918. Henri d’Arles est assistant-aumônier de l’Association Canado-Américaine jusqu’en janvier 1925, alors que Mgr Guertin retire ses aumôniers à l’Association, la jugeant trop radicale. En janvier 1919, d’Arles participe à la fondation de la militante mais éphémère Ligue de ralliement français en Amérique. En 1921, il fait un deuxième voyage à Paris, où il suit des cours de littérature et d’histoire à la Sorbonne, au Collège de France et à l’Institut catholique. Lauréat de l’Académie française, récipiendaire des Palmes académiques du gouvernement français, membre de la Corporation des publicistes chrétiens de Paris et du Syndicat des écrivains français, la carrière et le rayonnement intellectuel d’Arles atteint alors son sommet. En 1924, il est naturalisé citoyen américain. Malade, Henri d’Arles est en repos en Californie en 1927-1928. Souhaitant rédiger une vie de Jésus, il se rend à Rome en 1930, où il sert d’attaché au cardinal Vanutelli. Henri d’Arles est décédé à Rome, au couvent franciscain de Villa San Francisco, le 9 juillet 1930. Sa dépouille est inhumée dans le caveau des Sulpiciens au cimetière Campo Verano de Rome.

Intellectuel traditionaliste et militant de la survivance française aux États-Unis, Henri d’Arles participe au premier Congrès de la langue française de Québec en 1912, où il dépose un mémoire sur « La presse et les lettres canadiennes-françaises aux États-Unis » et rédige le fameux sermon que prononce, le 30 juin 1912, son évêque, Mgr Guertin, sur le caractère apostolique de l’âme française. Organisateur en chef et secrétaire de la Ligue de ralliement français en Amérique, d’Arles publiera une série de brochures sur la langue, la survivance et les écoles françaises en Nouvelle-Angleterre sous ses auspices. En 1920, il publie un opuscule sur La culture française à la Bibliothèque de l’Action française. Admirant Barrès, Maurras et Daudet, il est très proche des milieux nationalistes français, surtout lors de son deuxième voyage à Paris, mais finira par renier le maurrassisme après la condamnation pontificale de L’Action française en 1926. Il est également sympathique aux thèses sentinellistes avant la radicalisation de ce mouvement franco-américain vers 1925-1926. Peu après, suivant les conseils de son évêque, d’Arles finira par abjurer le sentinellisme. Il aurait d’ailleurs préparé une histoire de l’agitation sentinelliste au New Hampshire pour Mgr Guertin en 1928-1929. Toutefois, le manuscrit de cet ouvrage inédit demeure introuvable.

Vice-président de la Société historique franco-américaine, Henri d’Arles vouait un intérêt particulier à l’histoire acadienne, en raison des origines acadiennes de sa mère et de la tradition orale de sa famille. Durant les années 1910, il traduit, annote et refond l’Acadia: Missing Links of a Lost Chapter in American History (1895) de son cousin, l’avocat et homme politique Édouard Richard. Cet ouvrage en trois volumes paraît entre 1916 et 1921 sous le titre d’Acadie. Reconstitution d’un chapitre perdu de l’histoire d’Amérique. Œuvre importante en raison de la grande quantité de documents que d’Arles annexera au texte profondément remanié, elle lui vaudra la médaille Richelieu de l’Académie française. Toutefois, son ouvrage est moins bien accueilli en Acadie, où certains critiques lui reprochent d’avoir donné, par le biais de ses notes, un ton trop radical au texte original. Plus tard, d’Arles explore le Grand Dérangement dans deux opuscules publiés par la Bibliothèque de l’Action française, La Déportation des Acadiens (1919) et La tragédie acadienne (1920). En 1921, il prononce une série de conférences sur l’historiographie canadienne-française sous les auspices de la Ligue d’Action française. Ces conférences seront réunies en volume par la Bibliothèque de l’Action française sous le titre de Nos historiens (1921). Cet ouvrage, qui aborde l’histoire en tant que genre littéraire, reste néanmoins la première étude à être entièrement consacrée à l’historiographie canadienne-française.

Styliste et esthète, d’Arles est surtout connu pour ses ouvrages de critique littéraire. Critique prolifique, il s’est créé une réputation de touche-à-tout littéraire en rédigeant de nombreux recueils dont Propos d’art (1903), Pastels (1905), Essais et conférences (1909), Eaux-fortes et tailles-douces (1913), Arabesque (1923), Estampes (1926), Miscellanées (1927) et Primevères (1929). Il publie également quelques monographies littéraires dont Edmond de Nevers, le penseur et l’artiste (1908), Lacordaire, l’orateur et le moine (1912), Une romancière canadienne, Laure Conan (1914) et Louis Fréchette (1924). Henri d’Arles est également l’auteur de quelques essais religieux dont Newman, la première phase (1913), Religion, patriotisme, fraternité (1913), Le mystère de l’Eucharistie (1915) et d’un recueil de prose religieuse, Laudes (1926). D’ailleurs, sa profonde spiritualité exercera une influence déterminante sur l’ensemble de son œuvre. Critique sévère, son rôle dans le développement des lettres franco-américaines est néanmoins considérable. En effet, c’est d’Arles qui présente le jeune poète franco-américain Rosaire Dion-Lévesque au public en signant la préface de son premier recueil de poésies, En engrenant le chapelet des jours (1928).

Les premiers écrits d’Henri d’Arles se trouvent dans Le Rosaire, revue fondée en 1893 par les Dominicains de Saint-Hyacinthe, où il signe plusieurs articles sous les pseudonymes de Enrico et de Henricus. Pendant plusieurs années, il rédige la chronique littéraire dans L’Action française de Montréal. Il collabore également au Canada français. En 1929, d’Arles publie le récit de son journal de voyage en Californie sous le titre d’Horizons.

L’œuvre d’Henri d’Arles est considérable et variée. Critique influent à son époque, son impact sur les lettres canadiennes-françaises est aujourd’hui négligé par les historiens de la littérature québécoise. Dans l’ensemble, ses écrits sont marqués par un goût du beau. Son esthétisme se manifeste autant dans la présentation matérielle de ses ouvrages que dans sa prose. Chez lui, tout passe par l’art. Toutefois, il n’est pas un tenant de l’exotisme en littérature canadienne-française. Henri d’Arles est un critique régionaliste et un intellectuel nationaliste. Dans ses écrits, la nation et la foi occupent une place centrale et il souhaite ardemment l’avènement d’une littérature et d’une historiographie nationales, voire nationalistes.

[On trouvera au site deux textes d’Henri d’Arles : « Le français en Nouvelle-Angleterre : le Connecticut » et « Le français au New Hampshire ».]

Bibliographie

CHARTIER, Émile. « Henri d’Arles ». Lectures, VII (1961), pp. 529-560.

CORMIER, Louis-P. « Note sur Henri d’Arles ». Culture, XXIII (1962), pp. 258-265.

DOTY, C. Stewart. « The Intellectual of the Quebec Diaspora: The Case of Henri d’Arles ». Journal of Canadian Studies/Revue d’études canadiennes, 24 (1989-1990), pp. 61-71.

________. « “Monsieur Maurras est ici”: French Fascism in Franco-American New England ». Journal of Contemporary History, 32 (1997), pp. 527-538.

FULBERT, Frère. L’impressionnisme chez Henri d’Arles. Thèse de M.A. (Lettres), Université d’Ottawa, 1947. 128 p.

HÉBERT, Pierre. « Henri d’Arles à L’Action française : le “moi” entre l’histoire et la critique ». Voix et images, XVII (1992), pp. 169-183.

LABELLE, Jean-Paul. Bio-bibliographie de l’abbé Henri Beaudé (Henri d’Arles). Université de Montréal, École des bibliothécaires, 1940. 26 p.

MARIE-AMABILIS, Sœur [X Irène PARENTEAU]. Henri d’Arles, styliste. Thèse de M.A. (Lettres), Université de Montréal, 1960. 100 p.

ROBERT, Adolphe. « Henri d’Arles ». Le Canada français, XXX (1943), pp. 329-339, 424-430, 486-498.

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College