Histoire de la civilisation occidentaleMarianopolis College
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Dernière mise à jour :
2001-08-20

La civilisation occidentale dans sa phase du Proche-Orient

Troisième partie: L’histoire des Hébreux

Claude Bélanger,
Département des Sciences humaines,
Marianopolis College.

On n’insistera jamais assez sur l’importance du rôle des Hébreux dans la culture occidentale. Si d’autres groupes du Proche-Orient* ont contribué des éléments importants en accumulant des connaissances et en les diffusant sur certains points du bassin méditerranéen, les Hébreux ont joué un rôle essentiel. On se souviendra que si une culture est occidentale c’est qu’elle plonge les racines de ses caractéristiques dans le monde gréco-romain et la tradition judéo-chrétienne (et son prolongement musulman). Sans aucun doute, la culture occidentale ne serait pas ce qu’elle est, le Christianisme n’y serait pas apparu, le monothéisme* n’y serait pas dominant, ses valeurs éthiques* seraient tout autres, s’il n’y avait pas eu à l’origine les Hébreux. Il importe donc d’examiner l’histoire des Hébreux avec attention pour comprendre où, quand et comment les caractéristiques des Hébreux furent transférées au reste du bassin méditerranéen.

Nous utiliserons aussi le cas des Juifs, durant la session, pour mesurer le degré d’adhérence des Occidentaux aux valeurs des droits de la personne. En se démarquant culturellement du reste de la société dans laquelle ils vivaient, en insistant pour conserver intactes leurs caractéristiques culturelles, spécialement leur religion, les Juifs ont posé à la société dominante qui les entourait le défi d’accepter ou de rejeter ces différences. Au cours de la session, nous suivrons donc, à différentes périodes, la réaction occidentale à la présence des Juifs.

Les Hébreux : Des origines à la création de la monarchie

Les Hébreux étaient originellement un peuple de nomades d’origine sémite. On sait peu de choses certaines sur leur histoire jusqu’après l’exode* d’Égypte. Ce que l’on en sait provient de rares découvertes archéologiques et de ce que nous dit la Torah, livre sacré des Juifs qui correspond aux cinq premiers livres de la Bible (pour en savoir plus sur la Torah, voir ce site en anglais). À l’origine, environ deux millénaires avant notre ère, ces nomades se seraient trouvés en Mésopotamie*. Des circonstances obscures les auraient amenés à émigrer vers l’ouest. Déjà, avec le patriarche Abraham, les Hébreux auraient eu une relation spéciale avec Dieu. Malgré cela, il ne semble pas que le monothéisme* ait été ferme et permanent jusqu’à l’arrivée de Moïse sur la scène. Comme les Hébreux traversaient des territoires dominés par des peuples à religion polythéiste*, qu’ils se mêlaient à eux, il est probable que leur religion ait emprunté des caractéristiques polythéistes*. Vers le XVième siècle avant notre ère, on les retrouve en Égypte. D’abord acceptés, puis réduits en esclavage, les Hébreux, sous la conduite de Moïse, s’enfuirent d’Égypte au XIIIième siècle à la suite d’événements dramatiques que raconte en détail la Bible dans le livre sur l’Exode*.

C’est au moment de l’Exode* que plusieurs des caractéristiques fondamentales de la religion des Hébreux allaient être définies. Alors qu’ils erraient dans le désert du Sinaï, les Hébreux, sous la direction de Moïse devinrent le peuple de l’Alliance*. Ils acceptèrent Yahweh (Yahvé ou Jéhovah) comme leur unique Dieu, et sa loi que nous connaissons sous le vocable des Dix Commandements (pour en savoir plus). Ces Dix Commandements furent contenus dans une arche (dite Arche de l’Alliance* qui devait être conservée précieusement par les Hébreux). En retour, ils devinrent le peuple élu (choisi) de Dieu qui promit de prendre soin d’eux, particulièrement en leur donnant la Terre Promise*.

Si Dieu s’était engagé à leur donner une Terre Promise* encore fallait-il la trouver et la conquérir. Sous sa direction, les pérégrinations des Hébreux les menèrent en Palestine (voir la carte des lieux bibliques), sur une territoire qui sera connu sous le nom de terre d’Israël (voir la carte physique d’Israël). La Bible raconte avec force détails les combats épiques des douze tribus pour conquérir Israël. Après leur conquête, ces douze tribus se partagèrent le territoire entre elles (vous pouvez aussi consulter cette autre carte). Après une occupation qui dura environ 150 ans, ils furent attaqués par un peuple — les Philistins — possédant des armes de fer et qui conquirent une bonne partie de leur territoire. Cela força les tribus hébreux à coopérer plus étroitement et à accepter d’être unifiées sous la direction unique d’un monarque, d’un roi. On notera donc que les Hébreux en vinrent à utiliser la forme politique la plus commune du Proche-Orient* pour se gouverner.

De la création de la monarchie à la captivité de Babylone

À partir d’environ 1020 anè, les Hébreux vécurent près d’un siècle unis, sous trois monarques : Saül, David et Salomon*. Ils devinrent éleveurs et paisibles agriculteurs qui cultivaient les olives, les figues et des céréales. C’est David qui établit la capitale du nouveau royaume à Jérusalem. Son successeur, bien connu pour sa grande sagesse mais aussi pour ses excès, y établit le Temple (de Jérusalem). Celui-ci fut construit pour contenir l’Arche de l’Alliance*, et ainsi servir comme haut lieu de prières pour les Juifs. Jérusalem devint donc une ville de grande signification pour les Hébreux, une ville-sainte.

Le règne de Salomon* fut mouvementé. Certaines de ses décisions, des taxes trop élevées pour soutenir un régime somptuaire, les tensions séculaires entre les tribus amenèrent la dislocation de l’État d’Israël après sa mort (c940). Les dix tribus du nord formèrent un nouvel État, Israël, et les deux du sud le Royaume de Judah ou Judée (voir la carte). Cette division amena des rivalités entre les deux états et affaiblit les Hébreux au moment où de grands bouleversements allaient avoir lieu dans le Proche-Orient*.

En effet, de grands empires, puissants et bien gouvernés, furent constitués au cours des siècles suivants. Trois d’entre eux furent importants pour l’histoire des Hébreux : l’empire Assyrien, l’empire Chaldéen (connu aussi sous le nom de Néo-Babylonien – pour en savoir plus visitez ce site en anglais) et l’empire perse.

Les deux premiers de ces empires furent gouvernés par des peuples à la technologie militaire avancée, avec des armes de fer. On dit d’eux que c’étaient des peuples cruels à qui on ne pouvait résister. Les Assyriens conquirent la majeure partie du Proche-Orient* et annexèrent Israël en 722 anè. Ils firent aussi de Judah (la Judée) un état tributaire mais sans l’annexer complètement. Ils amenèrent les habitants d’Israël en captivité dans leur capitale (première phase de la Captivité de Babylone*). On a complètement perdu la trace de ces dix tribus (furent-elles assimilées? Ou répandues sur une très grande aire géographique? Les spéculations vont bon train à ce sujet.). Malgré leur cruauté et leur mauvaise réputation d’exploiteurs d’autres peuples, les Assyriens furent les premiers à unifier presque tout le Proche-Orient* et ainsi protéger la culture occidentale à un moment où des groupes puissants la menaçaient. Vers 605, sous le règne de Nabuchodonosor, les Chaldéens remplacèrent les Assyriens comme maîtres du Proche-Orient*. Ils complétèrent la conquête de Judah (la Judée) et amenèrent ses habitants en captivité à Babylone (deuxième phase de la captivité de Babylone*). Cette captivité, sous un joug brutal, dura de 586 à 538. À cette date, le nouveau maître du Proche-Orient*, Cyrus le Grand, le « roi des rois »* du nouvel empire perse, donna la permission aux Juifs de retourner en Palestine et de reconstruire le Temple à Jérusalem*. Il fit de la Palestine une satrapie* (voir la liste des satrapies de l’empire perse) et accorda aux Juifs une grande autonomie. Cyrus est reconnu dans l’histoire juive comme le grand protecteur des Juifs.

La conquête des deux états hébreux et la captivité de Babylone eurent des conséquences importantes pour les Hébreux. Pour la première fois, depuis longtemps, les Hébreux vécurent hors du contexte de la Palestine, comme une minorité à l’intérieur de grands empires. Inévitablement, cela mena à une certaine assimilation des caractéristiques de leurs maîtres et à l’abandon de quelques-unes des leurs. Il serait juste de dire qu’avant la période de captivité, les Hébreux avaient un territoire national spécifique, deux états qu’ils contrôlaient, une langue nationale (l’hébreu), des lois propres qui les régissaient, basées sur les Dix Commandements, et une religion nationale, le Judaïsme. En un mot, ils étaient une nation dans le sens le plus typique du terme, avec de multiples caractéristiques. Au sortir de la captivité de Babylone*, les Hébreux avaient perdu le contrôle de leur territoire national, ils étaient régis partiellement par des lois qui n’étaient pas les leurs, ils parlaient plusieurs langues selon leur lieu de résidence (en fait l’araméen remplacera l’hébreu comme langue principale) et ils ne se gouvernaient plus de façon indépendante. Entre autres effets, la captivité aura aussi créé la diaspora*. Désormais ils seront sujets aux persécutions et à l’assimilation. Puisqu’ils ne vivaient plus tous rassemblés sur le même territoire, sujets aux mêmes lois, aux mêmes gouvernements, et parlant la même langue, il ne leur restera plus, pour se définir comme peuple séparé, pour être unis au delà des frontières, que la religion. Au cours du processus de captivité, les Hébreux (un peuple) avaient donc été transformés en Juifs (une religion). C’est donc dire que la religion, seul facteur unificateur qu’il leur restait, devint immensément plus importante pour eux qu’elle ne l’avait probablement été auparavant.

C’est dans ce contexte de captivité, de misère, de domination étrangère qui allait se poursuivre jusqu’au IIième siècle anè, qu’apparurent les prophètes*. Puisque la religion jouait maintenant un rôle essentiel pour définir et unifier les Juifs, il était nécessaire de fixer plus profondément la nature du Judaïsme. Les prophètes* contribuèrent particulièrement au Judaïsme les éléments suivants :

  • Ils définirent un monothéisme* très strict. Cela peut sembler paradoxal puisque le Judaïsme avait été depuis longtemps monothéiste. Cependant, on se souviendra, qu’influencés par d’autres cultures durant leur longue captivité, les Hébreux n’avaient peut-être pas toujours suivi les prescriptions du premier commandement. Les prophètes insistèrent donc sur ce point. Ainsi, ils forgèrent vraiment la première religion monothéiste en Occident. Ce monothéisme deviendra, éventuellement, l’une des principales caractéristiques de la culture occidentale.

  • Par ce monothéisme, ils arrivèrent à définir plus avant la nature de Dieu, ce qui n’avait pas vraiment été fait auparavant. Le Dieu des prophètes* était un Dieu tout puissant, créateur de toutes choses passées, présentes ou futures. Loin des autres divinités du Proche-Orient*, représentées en des formes humaines ou autres, le Dieu des Juifs, tel que défini par les prophètes, n’appartenait pas à la nature. Il était surnaturel. C’était un Dieu de justice, d’amour, protecteur de son peuple et de tous ceux qui acceptaient de le reconnaître, mais aussi capable de punir ceux qui ne se tenaient pas dans le droit chemin.

  • Les prophètes* définirent aussi les conditions d’éthique* qui devaient régir les individus dans leurs relations réciproques. Pour eux, les humains étaient à l’image de Dieu. Adorer Dieu et offenser en même temps les humains était inconcevable pour eux. De même que Dieu traitaient les humains avec justice et amour, ainsi les humains devaient-il se traiter les uns les autres. Tous étaient frères et sœurs et enfants de Dieu. Tous, même les plus humbles, méritaient considération. Cela devait guider l’action des Juifs individuellement et collectivement. Justice et charité envers tous allaient être leurs mots d’ordre. Ce sont des principes que le Christianisme développera plus tard même s’il ne le vivra pas toujours.

  • Enfin, les prophètes* affirmèrent avec force l’alliance* de Dieu avec son peuple. Bien que le désespoir ait pu saisir des Juifs au cours des tribulations malheureuses de la période de captivité, les prophètes* affirmèrent que même dans l’adversité, alors qu’il semblait que Dieu punissait les hommes, tous devaient savoir qu’il ne les abandonnait pas et que sa grâce se répandrait sur eux dès qu’ils auraient un repentir sincère. Donc, si les Juifs étaient le peuple élu de Dieu, jamais Dieu ne les abandonnerait. Un Messie leur viendrait pour les délivrer. Ils n’avaient qu’à attendre avec patience et garder leur foi. On reconnaîtra l’importance de ces considérations pour la suite des choses et leur effet sur l’apparition du Christianisme.

Les Juifs entre 538 et c168 (Révolte des Maccabées)

Pendant environ deux cent ans, les Juifs vécurent sous le règne des « rois des rois »*, des monarques perses. Ils jouissaient d’une certaine autonomie. Le Temple de Jérusalem avait été reconstruit et la vie s’organisa autour du leadership des grands prêtres qui contrôlaient le Temple et les synagogues (écoles). En 332, la Palestine fut conquise par Alexandre le Grand et les Grecs. Le joug étranger, aussi bénin soit-il, continua donc. À la mort d’Alexandre, l’immense empire qu’il avait constitué fut divisé entre trois de ses généraux. La ligne de démarcation entre deux de ces entités territoriales tombait à peu près au milieu de la communauté juive : celui de Seleucos dans le Proche-Orient et celui de Ptolémée en Égypte.

Sous la domination grecque, les Juifs furent confrontés à trois problèmes principaux : 1) Le désespoir ou l’impatience qui se répandirent à mesure que le temps passait et que les Juifs ne contrôlaient toujours pas Israël, la Terre Promise*, tel que Dieu s’y était engagé dans l’Alliance* forgée au temps de Moïse. 2) L’assimilation qui fit des ravages. Les Juifs de la diaspora* avaient toujours été sujets à l’assimilation puisqu’ils vivaient minoritaires dans un monde culturel différent et dominant. Ce problème prit des proportions de catastrophe à l’époque hellénistique*. La culture grecque de cette époque, était riche, ouverte, créatrice, cosmopolite* et tolérante. Elle vint rapidement à dominer la majeure partie de l’univers méditerranéen. Les Juifs en subirent les attraits autant que tout autre groupe. La tendance pro-hellénique était non seulement forte parmi les Juifs de la diaspora* mais même chez ceux de la Palestine. L’assimilation devint si fréquente, si importante, que plusieurs Juifs, spécialement en Égypte, ne pouvaient plus lire et comprendre les Livres Saints. C’est ainsi que, sous l’administration bienveillante de Ptolémée Philadelphe, l’Ancien Testament fut traduit en langue grecque. On appelle cette version de la Bible celle des Septante*. Cette version est essentielle pour comprendre la dissémination du Christianisme plus tard. 3) La division des Juifs. Les Juifs vivaient sous deux gouvernements helléniques expansionnistes et ennemis. Pour la première fois de leur histoire des Juifs pouvaient se tenir des deux côtés de la barricade lors d’une guerre. Cette situation était anormale et inquiétante pour plusieurs Juifs. Or les Juifs préféraient, de beaucoup, vivre sous les Ptolémées qui gouvernaient l’Égypte de manière tolérante et cosmopolite*. Confronté par ce manque de loyauté, le souverain séleucide Antiochos Épiphane, ordonna l’hellénisation forcée des Juifs de la Palestine, et que des sacrifices païens soient faits dans le Temple de Jérusalem*. Cette profanation du lieu saint provoqua la rébellion des Maccabées qui eut du succès. En 168 anè, le deuxième état indépendant d’Israël de l’histoire était fondé. Pour les Juifs, Dieu avait entendu son peuple et l’avait récompensé d’être resté fidèle à la Loi. Encore aujourd’hui, les Juifs du monde entier célèbre cette grande victoire des Maccabées par le festival des Lumières, Hanoukka (pour en savoir plus) (variations : Hanouka, ou hannouka, hannoucka).

Les Juifs ont donc profondément marqués la culture occidentale. Non seulement furent-ils les premiers à y établir une religion monothéiste*, mais ils définirent précisément la nature du Dieu qui allait être éventuellement, sous divers noms, le Dieu des Occidentaux. Dans ses grandes lignes, ils élaborèrent aussi un code de conduite morale qui est resté, essentiellement, celui du monde occidental. De façon directe, comme nous le verrons plus tard, ils contribuèrent à la création du Christianisme.

Nous reprendrons l’histoire des Juifs dans le chapitre, sous l’histoire de Rome, qui discute de la montée du Christianisme.

© 2001 Claude Bélanger, Marianopolis College