Quebec History Marianopolis College


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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Scolasticat du Sacré-Cour

Lebret, Saskatchewan

 

[Cet article a été rédigé en 1952. La source est indiquée à la fin du texte]

 

Fonder et maintenir pendant 25 ans, dans l'ouest canadien, une institution pour la formation de prêtres missionnaires Oblats de MI, c'est faire preuve de vitalité, d'audace et de confiance dans l'avenir.

 

Quand les Oblats, à la demande de Mgr Provencher, arrivèrent à la Rivière Rouge en 1845, ils entreprenaient la tâche de convertir à la foi les populations indiennes dispersées à l'Ouest jusqu'à l'Océan Pacifique et au nord jusqu'à la mer Glaciale.

 

La population métisse et la population blanche étaient assez minces alors et il s'agissait bien d'un immense pays de missions. Nous ne racontons pas ici cette gigantesque entreprise qui n'est pas encore terminée.

 

En 1869, la compagnie de la Baie d'Hudson cédait au gouvernement canadien ses droits sur les Territoires du Nord Ouest. Une ère nouvelle s'ouvrait pour l'expansion du Canada et pour l'histoire de l'Église dans l'ouest. C'était l'entrée dans la Confédération de la Province du Manitoba. Une immense vague d'immigration déferla sur les prairies. Le pays s'ouvrait à la civilisation et son expansion fut prodigieuse. On constitua plus tard les provinces de la Saskatchewan et de l'Alberta, et une nouvelle vague d'immigrants encore plus puissante que la première couvrit tout le pays. Parmi ces nouveaux canadiens un grand nombre était catholique. Il fallait organiser les paroisses, créer les diocèses. Les Oblats se mirent à l'oeuvre et menèrent de front leur travail de mission et l'établissement de l'Église de l'Ouest.

 

Les missionnaires des indiens venaient de France et de la Province de Québec. Des Oblats venus d'Allemagne, de Pologne, d'Irlande, d'Angleterre et de l'est du Canada se dévouaient auprès des nouvelles populations catholiques. Mais il fallait songer tout de suite à trouver sur place les prêtres pour s'occuper des besoins religieux de leurs compatriotes.

 

On commença par ouvrir des juniorats. Dans ces maisons on donne aux enfants qui veulent devenir prêtres et Oblats leur première formation de six ans : le cours classique.

 

Le l er septembre 1905, le juniorat de la Sainte-Famille de (Saint Boniface ouvrait ses portes à 15 élèves, 12 de langue fran­çaise, 2 de langue anglaise et 1 de langue allemande. Dès l'origine on se proposait de préparer des missionnaires de toutes les nationalités de l'Ouest. Les élèves suivaient les cours au Collège des Jésuites, à cause du manque de personnel de la Province oblate du Manitoba. Cette institution conti­nue encore son oeuvre bien qu'elle soit ré­servée maintenant aux candidats de langue française.

 

Quelques années plus tard, à l'autre extrémité des prairies, le même apostolat commençait. Les débuts furent plus modestes : en septembre 1908, à Pincher Creek, 3 élèves, en 1909, 5 élèves, en 1910, 11 élèves. Mais en 1911 une nouvelle maison les attendait à Edmonton, le Juniorat St-Jean. Les anciens quittèrent, sans regret, la maison privée qui les logeait à Pincher Creek et on comptait maintenant 29 élèves à Edmonton.

 

Ces deux maisons depuis leur fondation ont fourni la formation première à environ 150 prêtres oblats.

 

La province oblate du Manitoba, la mieux pourvue en hommes et en ressources, prit sur elle la charge d'établir une maison d'études pour tous les futurs Oblats de l'ouest.

 

Lebret fut choisi pour site de cette importante institution. Les anciens du pays l'appellent encore « LA MISSION » et avec raison, car c'est la plus ancienne paroisse de toute la Saskatchewan et le centre d'où on rayonnait 100 milles à la ronde pendant longtemps. Les prêtres séculiers y étaient venus en 1818 et 1823. A l'été de 1864, Mgr Taché partait de Saint-Boniface pour rejoindre à l'lle-à-la-Grosse le visiteur canonique des missions du nord. A Fort Ellice (St-Lazare) il dût abandonner la route des prairies (Carlton) pour celle de la vallée de Qu'Appelle, car il manquait d'eau douce. Il savait très bien où il allait. A son retour (oct. 1865) il y prêcha une mission et choisit le site pour un établissement permanent.

 

Le nom de « Lebret » n'a aucune signification historique. En 1865, le Père Lebret, supérieur de la mission, demandait au Sénateur Girard de proposer le nom de Sacré-Coeur comme adresse postale du village. Ottawa s'y objecta. Alors le sénateur, sans consulter personne fit donner le nom de « Lebret » au village actuel. Il y avait donc de fortes raisons historiques pour construire le nouveau scolasticat à la MISSION. Pour ceux qui savent le rôle qu'elle a joué dans l'évangélisation de l'ouest, ne serait-ce pas une constante inspiration ? On continuerait ainsi la tradition en faisant un centre Oblat.

 

Il y avait aussi des raisons géographiques. On se trouve situé en plein centre des prairies et dans une nature qui ne manque pas de charme, si on la compare au reste du pays.

 

La construction commençait en 1925. Il s'agissait d'un édifice assez spacieux : 60 chambres pour les étudiants, une chapelle pour 90 personnes et tous les autres locaux indispensables : réfectoire, salle de conférence, classes, bibliothèque, bureaux des professeurs et maisons des religieuses chargées des soins ménagers.

 

Le 17 février 1927, cent et unième anniversaire de l'approbation de la congrégation des Oblats, sa fête de naissance dans l'église, était la date choisie pour l'inauguration du nouveau scolasticat. Le P. B Blanchin, nommé supérieur, arrivait le 2 février. Le 8, un contingent de frères précédait la communauté pour préparer la fête. La veille du 17, la communauté est complète : 40 frères et 6 professeurs. Le lendemain grand'messe solennelle : le P. Josaphat Magnan, provincial, officie; le P. Blanchin, fait le sermon de circonstance. Après la messe, chacun renouvelle ses voeux de religion. On voyait là 68 Oblats, s'unissant à leurs frères du monde entier, et conscients d'ouvrir une page nouvelle dans l'histoire de la Congrégation.

 

Durant les 4 premières années, le scolasticat répond bien au caractère propre du pays où se côtoient diverses nationalités. Les étudiants fraternisaient franchement et s'enrichissaient mutuellement de leur différente culture : française, anglaise, allemande, polonaise, slovaque. Seuls les témoins de ces premières. années peuvent dire ce que fut alors la vie du scolasticat.

 

Mais la congrégation progresse sans cesse et nécessite la création de nouvelles provinces oblates. Une nouvelle séparation s'impose. Un scolasticat se ­fonde à Battleford, Sask., pour les sujets d'origine allemande et polonaise, et un autre près d'Ottawa pour les sujets de langue anglaise.

 

Depuis lors le scolasticat de Lebret se consacre exclusivement à la formation des futurs missionnaires de langue française.

 

En 1884, grâce à l'initiative du P. Hugonard, Mgr Taché construisit une école-pensionnat pour les indiens, à Lebret. En 1894, elle logeait près de 200 enfants, garçons et filles. Incendiée en 1904, on la reconstruit, plus moderne, pour 240 enfants. Dimanche, le 13 novembre 1932, cette nouvelle école fut à son tour la proie des flammes. Que faire ? Renvoyer tous les enfants et attendre une construction nouvelle ? Ne serait-ce pas exposer à voir disparaître une oeuvre d'importance primordiale ?

 

Les autorités du scolasticat, d'un coeur désintéressé, décidèrent d'héberger tous les garçons et le personnel nécessaire à leur entretien. Du coup, la communauté triplait : 95 enfants et un personnel de 15 personnes. On imagine le dévouement déployé pendant trois ans et demi par tous les membres du scolasticat. L'esprit apostolique des futurs missionnaires était ainsi mis à l'épreuve concrète. Combien ont dû apprendre à connaître et à aimer déjà les âmes qu'ils auraient à évangéliser plus tard.

 

Le 12 novembre 1936 un novice convers et 6 postulants faisaient partie de la communauté du scolasticat. « Il y aura des frères convers au scolasticat » avait dit le frère Donat Fafard, sur son lit de mort en octobre 1935. Ce recrutement apportait un secours appréciable au bien matériel de. la maison. Il permettait de remplacer le personnel laïc, assurait une main-d'oeuvre dévouée et désintéressée et rendait possible organisation d'une ferme qui subvient pour une bonne part aux besoins de la communauté.

 

L'apport spirituel des frères convers est inappréciable. Religieux comme tout oblat, ils associent toute leur vie de travail, de prières, de sacrifice et de dévouement à la formation des futurs prêtres. Déjà la maison a fourni 15 frères profès dont 5 à voeux perpétuels aux différentes provinces ou vicariats de la Congrégation. Depuis le transfert du Noviciat de Saint-Laurent, à Saint-Norbert, près de Winnipeg, on a voulu réunir tous les novices et postulants convers dans une même maison. Le scolasticat compte quand même un personnel de 10 frères profès qui se dévouent au bien de la communauté.

 

Après dix mois consacrés aux études et à une discipline spirituelle très intense, les étudiants ont besoin d'une détente et d'un changement d'atmosphère, pour refaire leurs forces. On songea à organiser une colonie de vacances. Jusqu'en 1932, les essais furent tous provisoires mais cette année-là l'achat d'un emplacement à 5 milles de la maison rendait possible un établissement permanent. Une douzaine de petits chalets s'alignèrent bientôt sous les arbres. En 1939, on construisit une chapelle qui fait l'envie des missionnaires et l'admiration des visiteurs.

 

Depuis 6 ans, le plus grand nombre des scolastiques sacrifient jusqu'à trois semaines de leurs vacances pour enseigner le catéchisme dans des paroisses où l'instruction religieuse n'est pas possible pendant l'année scolaire. Les demandes s'accroissent chaque année Le camp d'été, durant les deux premières semaines de juillet accueillait une trentaine d'enfants du Manitoba.

 

Depuis 1940, le cours de philosophie est affilié à l'Université d'Ottawa. Ainsi les étudiants peuvent acquérir leur diplôme de bachelier ès arts (B.A.).

 

Depuis 1942, l'enseignement de l'Action catholique prit au scolasticat une tournure très concrète. Dans cette méthode, cet esprit de collaboration, on trouva une inspiration. Pourquoi ne pas faire bénéficier les étudiants eux-mêmes de cette formation ? De là le mouvement « Action Sacerdotale » et la « Cité Scolastique » initiation concrète à l'apostolat moderne par la vie. Ici le scolasticat est un pionnier et on suit de partout les expériences qui y sont faites. En 1952, un congrès d'Action Catholique, réunissait des prêtres séculiers, des Oblats, des séminaristes, des scolastiques, dans une étude fraternelle et commune des problèmes actuels de l'apostolat contemporain.

 

Il est vrai que depuis sa fondation le Scolasticat du Sacré Coeur aura fourni à l'Église et à la Congrégation près de 200 prêtres. Mais il faut avouer que les vocations de langue française de l'ouest canadien sont loin de remplir les larges cadres que leur offre l'institution. Il est urgent de prier le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers et de mettre en oeuvre tous les moyens pour susciter des candidats nombreux et généreux pour continuer la tâche si glorieuse.

 

Supérieur: R. P. Gérard Nogue, O.M.I., Scolasticat du Sacré-Coeur, Lebret, Sask.

 

Source : Vedettes, 1952. Le fait français au Canada , première édition, Montréal, Société nouvelle de publicité, 1953, 717p., pp. 545-548.

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College