Quebec History Marianopolis College


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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

L'histoire de la littérature canadienne-française (Québec)

TROISIÈME PERIODE

1900 à nos jours

 

RENOUVEAU LITTÉRAIRE

 

[Ce texte a été écrit par l'abbé Camille Roy; il a été publié en 1962. Pour la citation complète, voir la fin du texte.]

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Il est bien difficile de juger les auteurs qui écrivent depuis 1900. Il n'y a pas, évidemment, pour la sécurité et la parfaite justesse de nos appréciations, le recul nécessaire du temps. Cependant, nous pouvons affirmer que pendant les trente premières années du vingtième siècle, nous avons assisté à un renouveau des lettres canadiennes. Les auteurs se sont multipliés, ils se sont faits plus artistes, et le public a plus activement collaboré, par son attention sympathique, à cette floraison nouvelle de la littérature de chez nous.

 

Cette renaissance a été déterminée par des influences qui, du dehors ou du dedans, stimulèrent le travail de l'esprit.

 

Parmi les influences du dehors, signalons tout de suite la littérature française, qui, répandue avec plus d'abondance dans nos milieux canadiens, y provoqua davantage pour sa part la curiosité et le travail de l'esprit. Des relations intellectuelles plus nombreuses et plus étroites furent aussi établies avec la France par le gouvernement de la province de Québec, grâce aux nombreuses bourses d'études qu'il accorde en faveur des jeunes étudiants ou gradués désireux d'aller compléter dans les universités françaises leur culture littéraire, scientifique ou artistique.

 

On peut compter parmi les influences du dedans qui ont servi, depuis 1900, le progrès de nos lettres, un encouragement plus efficace accordé par le public aux auteurs canadiens. Un tel encouragement, pas plus que les concours et les prix littéraires, ne fait les écrivains meilleurs. Mais il suscite du moins des efforts plus nombreux. Et si ces efforts ne sont pas toujours heureux, c'est tout de même de la multiplicité des efforts qu'une jeune littérature a chance de voir surgir plus nombreuses, des oeuvres meilleures.

 

Le développement progressif de notre vie nationale détermine lui aussi un accroissement de vie pour notre littérature. Notre fierté patriotique se hausse peu à peu jusqu'au souci plus grand et plus pratique des choses de l'esprit. On prend davantage conscience de nos insuffisances nationales au domaine des lettres, des arts et des sciences. Puisque le vingtième siècle, selon un mot de Wilfrid Laurier, doit être le siècle du Canada, il importe d'assurer au Canada total, au Canada français en particulier, une situation plus honorable dans le monde intellectuel. Et l'on se préoccupe davantage de créer chez nous une vie de l'esprit qui soit à la fois plus haute et plus féconde. On comprend mieux que le livre canadien, pour lequel on a eu trop longtemps trop d'indifférence, est lui-même un témoignage nécessaire, un facteur indispensable de vie nationale. On lui accorde plus d'attention.

 

La critique littéraire qui, peu après 1900, et pour aider au renouveau intellectuel, commença à s'exercer de façon plus régulière et plus méthodique, contribua pour sa part à créer de l'estime pour le livre canadien. Elle s'employa à l'oeuvre ingrate d'encourager les auteurs et de leur procurer des lecteurs. Elle s'appliqua à montrer dans les oeuvres nouvelles, même imparfaites, ce qui est louable. Elle s'abstint des éreintements faciles ou blessants qui, dans une société restreinte comme la nôtre, paralysent la vie littéraire.

 

C'est à la suite des premiers travaux de la critique que l'on fit entrer notre histoire littéraire dans l'histoire générale du Canada, et qu'on l'inscrivit aux programmes officiels des études primaires supérieures et secondaires.

 

Parmi les causes du renouveau littéraire qui a suivi 1900, il faut signaler encore certaines associations d'esprits, certains groupements de travailleurs intellectuels.

 

Vers la fin du siècle dernier s'était formé à Montréal un cénacle d'écrivains qui devaient trouver, dans ce rapprochement des personnes, une incitation au travail. L'École littéraire, fondée en 1895, réunit poètes et prosateurs au Château historique de Ramesay. Elle n'imposait aucune discipline artistique à ses membres; ce fut un cercle littéraire plutôt qu'une école. En 1900, parurent sous le titre collectif de Soirées du Château de Ramesay, quelques-unes des meilleures productions de ses membres. Si l'École s'est assez vite dispersée, il semble qu'il est resté à Montréal, de cette initiative, une activité littéraire qui, depuis, n'a fait que s'accroître.

 

En 1902, fut fondée à Québec, sous les auspices de l'Université Laval, la Société du Parler français au Canada. Aucune institution n'a autant contribué à faire mieux estimer notre langue, nos traditions et notre littérature. Par sa revue mensuelle, Le Parler français (1902-1918), que continue depuis 1918 le Canada français, elle a rappelé sans cesse, elle aussi, vers nos oeuvres canadiennes l'attention du public, elle a stimulé le travail des écrivains; elle a mis en faveur ce que l'on a appelé, vers 1904, la « nationalisation » de notre littérature.

 

C'est par ses soins que furent organisés, en 1912 et en 1937, le premier et le deuxième congrès de la langue française au Canada. Ces congrès ont groupé toute la famille française de l'Amérique; ils en ont rassemblé toutes les forces vives; ils ont fait avec soin l'inventaire de toutes nos ressources intellectuelles. Ils ont aussi montré que la littérature est un facteur nécessaire de la permanence et de l'illustration de l'esprit français au Canada et en Amérique.

 

Ajoutons que le développement récent de nos universités n'a pas été étranger au renouveau intellectuel contemporain. Trop longtemps avait manqué chez nous l'enseignement supérieur littéraire et scientifique. Un peuple qui au point de vue de sa formation classique ne dépasse pas le baccalauréat n'a pas tous les moyens nécessaires à son avancement intellectuel et artistique. Il n'a pas, à ses sommets, l'atmosphère propice à l'éclosion abondante des productions de l'esprit.

 

C'est depuis 1920 seulement que nos universités françaises de Québec et de Montréal ont pu, grâce à quelques ressources nouvelles, ajouter à leur enseignement classique secondaire les disciplines supérieures. Leurs Facultés des Arts, des Lettres ou des Sciences et l'École Normale Supérieure de Québec sont devenues des centres de culture qui profitent à notre vie littéraire.

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Source: Mgr Camille ROY, Manuel d'histoire de la Littérature canadienne de langue française , 21 ème edition, revue et corrigée par l'auteur, Montréal, Beauchemin, 1962 [1939], 201p., pp. 99-101. Le texte a été reformaté et les erreurs typographiques évidentes ont été corrigées.

 

 

 

 

 

 

 

 
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