Quebec History Marianopolis College


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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

L'histoire de la littérature canadienne-française (Québec)

 

CHAPITRE 11

 

L'HISTOIRE ET LA BIOGRAPHIE DE 1900 À 1939

 

Thomas Chapais - Alfred De Celles - Abbé Auguste Gosselin - Abbé H.-A. Scott

Mgr A. Gosselin - Abbé L. Groulx - Abbé Iv. Caron - Mgr O. Maurault

R. P. A.-G. Morice - Abbé Georges Robitaille - Gustave Lanctôt et autres.

[Le texte a été écrit par l'abbé Camille Roy; il fut publié en 1962. Pour la référence complète, voir la fin du texte.]

Retour à l'histoire de la littérature québécoise

[On reconnaîtra facilement dans ce chapitre la partialité évidente de Camille Roy qui considère Thomas Chapais comme l'historien le plus éminent du Québec dans la période de 1900-1939. Ce titre -- si l'on insiste pour l'attribuer! -- appartiendrait plutôt à l'abbé Lionel Groulx. Celui-ci, bien qu'historien controversé et nationaliste, a laissé une oeuvre historique autrement plus substantielle et valable que Thomas Chapais. Ce dernier est un historien terne, aux interprétations traditionnelles et officielles, marqué d'un conservatisme qui ne se démend jamais. Son style est descriptif, très près du document. Son oeuvre est aujourd'hui oubliée. Sur la méthode historique de Groulx, et les nuances qui s'imposent, on consultera notre introduction à son chapitre sur les écoles du Manitoba. Rappelons que Camille Roy avait fait une controverse importante à Groulx au moment de la publication de son roman L'appel de la race. Sur cette controverse, on pourra consulter: Lucie ROBERT, "Camille Roy et Lionel Groulx: la querelle de l'Appel de la race", Revue d'histoire de l'Amérique française, Vol. 32, No 3 (décembre 1978): 399-405.]

L'histoire a été renouvelée chez nous surtout par l'application de nos historiens à suivre et à pratiquer des méthodes plus rigoureuses. Les archives plus facilement ouvertes, les bibliothèques mieux pourvues de livres et de documents, des études plus attentives qui ont permis de constater, sur bien des points, l'insuffisance de nos premiers historiens, ont peu à peu révélé aux chercheurs la nécessité de reprendre le travail des anciens et de le refaire avec plus de précision. D'autre part, les luttes pour la vie nationale qui, dès la fin du siècle dernier, ont surgi avec plus de violence dans les provinces où les Canadiens français sont en minorité, ont fortement incliné les esprits vers une étude plus minutieuse de nos droits historiques et constitutionnels. On veut connaître mieux le passé sur lequel s'appuie comme sur un fondement inébranlable l'avenir de nos groupes d'origine française.

 

Thomas Chapais se place aujourd'hui au premier rang, et en tête de nos historiens. Il a publié Jean Talon (1904), et Le Marquis de Montcalm (1911). Ces deux monographies sont des études minutieuses, attachantes, très larges, de périodes importantes de l'histoire du régime français. L'auteur s'applique avec un soin égal aux détails où parait sa documentation, et aux synthèses où excelle son goût très vif des idées générales, et où s'abandonne aussi avec complaisance son talent oratoire. Le récit de la bataille de Carillon, dans Montcalm, est une belle page de la prose canadienne.

 

L'historien a ensuite concentré sur le régime anglais toute son attention. Ses cours publics à l'Université Laval de Québec lui ont fourni l'occasion d'étudier cette longue et difficile période, depuis 1760 jusqu'à 1867, date de la Confédération. Ces leçons forment aujourd'hui huit volumes publiés de 1919 à 1934 sous le titre de Cours d'Histoire du Canada .

 

C'est l'histoire politique du régime anglais qu'a écrite M. Chapais. Il l'a construite avec toute la probité de son esprit scientifique. En une matière où les passions peuvent influencer les re­cherches et les conclusions de l'his­torien, M. Chapais s'est appliqué à éviter tout esprit d'hostilité systé­matique envers la politique de Lon­dres, comme aussi toute complaisance envers les maîtres de 1760; il juge les hommes et les événements d'après les documents eux-mêmes, qu'il place sous les yeux du lecteur, et aussi avec la compréhension et l'intelligence des conditions historiques du passé. Sa méthode est objective. Elle ne l'empêche pas de blâmer ce qui est blâmable; mais elle le tient éloigné de toute interprétation tendancieuse. L'éloquence de l'historien s'ajoute volontiers aux faits plutôt qu'elle ne s'y mêle. C'est une éloquence qui admire, loue ou blâme, mais qui ne sollicite ni le lecteur ni les textes. Elle laisse le lecteur dans la lumière directe des faits.

 

M. Chapais laisse une oeuvre oratoire écrite considérable: trois volumes de Discours et Conférences (1897, 1913, 1935). L'historien y reparaît souvent, avec son goût des leçons de l'histoire.

 

Alfred De Celles (1844-1925) [Pour une liste de ses ouvrages ; voir aussi ce document sur Decelles et les Juifs ] trouva dans ses fonctions de bibliothécaire au Parlement d'Ottawa, qu'il occupa pendant quarante ans, l'occasion et le loisir de se livrer aux études et aux recherches de l'histoire. Il publia d'abord : Les États-Unis: origines, institutions, développements (1896). Dans la collection des Makers of Canada , il écrivit en anglais les vies de Papineau et de Cartier; il en fit une édition française: Papineau (1905), Cartier et son temps (1907); il y ajouta La Fontaine et son temps (1907). Il publia plus tard une courte étude de Laurier et son temps (1920). [Autre document disponible sur Decelles sur la liberté en France et au Canada à la fin du XIXième siècle]

 

Ces ouvrages constituent sous forme de monographies une partie de l'histoire politique du régime anglais. De Celles ne s'y applique pas à faire oeuvre d'érudit; il compose plutôt des dissertations historiques qu'on lit avec intérêt.

 

L'abbé Auguste Gosselin (1843-1918). Esprit très curieux, mobile, chercheur sans aller toujours avec assez de persévérance au fond des choses, l'abbé Auguste Gosselin s'est surtout attaché à l'étude de l'histoire de l'Église du Canada. Il a fait paraître toute une série de monographies épiscopales qui sont autant de tableaux rapidement dessinés de notre histoire religieuse. La forme littéraire de l'oeuvre manque de vigueur, se pare quelquefois de grâces faciles, utilise volontiers les clichés ou expressions toutes faites. Les derniers ouvrages s'encombrent parfois de détails trop particuliers, qui n'importent pas à une histoire générale de l'Église au Canada. L'abbé Gosselin a publié: Vie de Mgr de Laval, deux volumes (1890); Henri de Bernières (1902); Le docteur Jacques Labrie (1903); Jean Bourdon et l'abbé de Saint-Sauveur (1904); Jean Nicolet (1905); La Mission du Canada avant Mgr de Laval: Récollets et Jésuites, 1615-1659 (1909); Au pays de Mgr de Laval: Lettres de voyage (1910); L'Église du Canada: Mgr de Saint-Vallier (1911); Mgr de Mornay, Mgr Dosquet, Mgr de l'Auberivière. (1912); Mgr de Pontbriand (1914); L'Église du Canada après la Conquête; première partie, 1760-1775 (1916); L'Église du Canada après la Conquête, deuxième partie, 1775-1789 (1917). La mort a interrompu, en 1918, les travaux de l'auteur.

 

Le chanoine Henri-Arthur Scott (1858-1931) avait converti en bibliothèque d'histoire du Canada et en musée d'art son presbytère de Sainte-Foy, près Québec. Il concentra d'abord sur l'étude de sa paroisse, dont les origines se confondent avec les origines de la Nouvelle-France, sa curiosité de chercheur. L'Histoire de Notre-Dame de Sainte-Foy (1902), dont la première partie seule a paru, fut le résultat précieux de ces recherches.

 

Le chanoine Scott a ensuite multiplié de courtes études publiées en brochures et il a donné en anglais, à la collection des Makers of Canada, une excellente monographie de Mgr de Laval (1916). C'est l'historien que l'on retrouve dans le recueil de discours, Grands Anniversaires (1919), et surtout dans d'excellentes études d'histoire et de critique historique, Nos Anciens Historiographes (1929).

 

Mgr Amédée Gosselin (1863-1941), l'érudit archiviste du Séminaire de Québec, s'est appliqué à vérifier et à rectifier par des faits bien contrôlés, certains jugements trop sommaires qui ont été portés sur l'éducation donnée à nos ancêtres sous le régime français. Après un minutieux et patient dépouillement de pièces d'archives, il a publié une très remarquable monographie, L'Instruction au Canada sous le Régime français (1911), qui reste l'ouvrage classique et fondamental sur cette question. Mgr Gosselin a aussi publié sous forme d'articles de revue, ou dans les Mémoires de la Société Royale, de nombreuses études où la précision du détail et la rigueur de la méthode de travail offrent toute sécurité.

 

L'abbé Lionel Groulx fait à l'Université de Montréal des leçons qui portent sur les différentes époques de l'histoire du Canada. De ces études sont sortis la plupart des ouvrages suivants qu'a publiés M. l'abbé Groulx : Nos luttes constitutionnelles (1916), La Confédération canadienne: ses origines (1918), La Naissance d'une Race (1919), Lendemains de Conquête (1920), Vers l'Émancipation (1921), L'Enseignement français au Canada , deux volumes (1931, 1933), La Découverte du Canada, Jacques Cartier (1934), Notre Maître le Passé (1934).

 

M. l'abbé Groulx construit une oeuvre qui est traversée par un souffle fervent de patriotisme. Un vif sentiment national, celui de la défense et de la survivance française au Canada, anime tous les travaux de l'historien. Au surplus, M. Groulx a le tempérament oratoire, ce qui communique à sa prose une flamme qui lui vaut des lecteurs enthousiastes. D'autres lecteurs préféreraient une histoire moins pénétrée d'éloquence et davantage objective. L'historien fait volontiers le procès de la politique britannique ou anglaise au Canada. Ce point de vue, combiné avec un nationalisme ardent, apparaît souvent comme une thèse systématique où se satisfait le patriotisme, mais où la méthode scientifique de l'histoire ne trouve pas toujours son compte.

 

C'est l'historien, obsédé par notre problème de survivance et de défense française, que l'on retrouve dans les oeuvres proprement oratoires de l'abbé Groulx, comme Dix ans d'Action française (1926), Orientations (1935), Directives (1937), dans des oeuvres du terroir, comme les Rapaillages (1916), Chez nos Ancêtres (1920) et dans les romans, L'Appel de la Race [voir ici également ] (1922) et Au Cap Blomidon (1932), que l'auteur a signés du nom de plume Alonié de Lestres.

 

Dans tous ces ouvrages se retrouvent, avec le don puissant d'émotion de l'abbé Groulx, ses thèses d'action nationale, et tout particulièrement la prose oratoire, parfois trop abondante, qui caractérise sa manière.

 

L'abbé Ivanhoë Caron (1875-1941) s'est fait chez nous l'historien de la colonisation. Il a écrit ce chapitre de notre histoire avec soin, avec un style dépouillé de parures, où se montre l'unique souci de grouper des faits certains. Il a publié: La Colonisation du Canada sous la domination française (1916), La Colonisation de la Province de Québec: débuts du régime anglais, 1760-1791 (1923), La Colonisation de la Province de Québec: les Cantons de l'Est, 1791-1815 (1927).

 

Mgr Olivier Maurault étudie Montréal. Après avoir raconté l'histoire du Petit Séminaire de Montréal (1918), il a élargi son champ d'étude jusqu'aux multiples aspects de la vie de Montréal à travers ses trois siècles d'histoire. De ces recherches sont sorties plusieurs monographies: Marges d'histoire: L'Art au Canada (1929); Marges d'histoire: Montréal (1929); La Paroisse, Histoire de l'Église de Notre-Dame de Montréal (1929); Marges d'histoire: Saint-Sulpice (1930). On trouve encore quelques courts articles sur Montréal dans Brièvetés (1928), où l'auteur s'est surtout fait critique littéraire. Il y a encore de l'histoire et de courtes biographies dans Propos et Portraits (1941). Des aperçus sur l'histoire de Montréal dans Moisson de 1942 (1943). Mgr Maurault met dans ses livres tout le soin d'un chercheur et tout l'art d'un humaniste.

 

Le R. P. Édouard Lecompte (1856-1929), jésuite, s'est particulièrement appliqué à raconter l'histoire et l'oeuvre des Jésuites au Canada, dans les ouvrages suivants: Les Jésuites du Canada au XIXe siècle, 1842-1872 (1920), Une Vierge iroquoise: Catherine Tekakwitha (1927), Les anciennes Missions de la Compagnie de Jésus dans la Nouvelle-France, 1611-1800 et Les Missions modernes de la Compagnie de Jésus au Canada, 1842-1924 (1925). Il raconte dans Sir Joseph Dubuc (1923), la vie d'un grand chrétien, et aussi un chapitre solide, très bien écrit, de l'histoire du Nord-Ouest canadien. Il a aussi publié : Un missionnaire canadien de la brousse africaine : Le Père Louis Leboeuf de la Compagnie de Jésus (1928). Mentionnons, dans l'Ouvre des Tracts, une courte biographie de Monseigneur François de Laval , et le livre tout apostolique Nos Voyageurs (1920), sur l'Association catholique des Voyageurs de Commerce du Canada. Dans tous ses ouvrages, le Père Lecompte fait voir un esprit discipliné et délicat.

 

Le R. P. Adrien-Gabriel Morice (1859-1938), oblat, Français de naissance, missionnaire dans l'Ouest canadien, s'est attaché à l'étude de l'histoire de l'Église de l'Ouest . Il a laissé une Histoire de l'Église catholique dans l'Ouest canadien (1912), en trois volumes, et une Vie de Monseigneur Langevin (1916). Le Père Morice avait auparavant publié : Dictionnaire historique des Canadiens et des Métis français de l'Ouest (1908), et un Essai sur l'Origine des Dénés de l'Amérique du Nord (1915).

 

Rappelons ici un autre ouvrage considérable publié chez nous par un écrivain d'origine française : Vie de Mgr Taché, archevêque de Saint-Boniface, deux volumes (1904), par Dom Benoît, des Chanoines réguliers.

 

L'abbé Aristide Magnan (1863-1929) a publié une importante Histoire de la Race française aux États-Unis (1913).

 

Il faut signaler ici l'histoire de l'Acadie, publiée d'abord en anglais par son auteur É douard Richard (1844-1904) en 1895. Mais ce texte anglais n'était qu'une traduction du manuscrit original fait en français. Ce manuscrit a été refondu, corrigé, annoté, et publié avec une introduction et des appendices par Henri d'Arles, sous le titre traduit de l'édition anglaise : Acadie. Reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, trois volumes (1916, 1918, 1921).

 

Le frère Antoine Bernard s'est spécialisé dans l'histoire de l'Acadie, qu'il raconte par le menu, et dont il fait aussi de vivantes synthèses. Il a publié deux ouvrages solidement documentés: Hi stoire de la survivance acadienne (1935) et Le Drame acadien depuis 1604 , (1936). L'auteur avait auparavant décrit La Gaspésie au Soleil (1925).

 

L'abbé Georges Robitaille fait surtout de la critique historique. Il y a mis un sens judicieux du passé, appuyé sur une abondante documentation. Il a publié Études sur Garneau (1929), Montcalm et ses historiens (1936), Washington et Jumonville (1933), Telle qu'elle fut. Études critiques sur Marie de l'Incarnation (1939).

 

Gustave Lanctôt , archiviste à Ottawa, a d'abord publié une thèse sur L'Administration de la Nouvelle-France (1929). Il a écrit une monographie de l'historien F.-X. Carneau dans la collection des Makers of Canadian Literature , et une étude sur Le Canada d'hier et d'aujourd'hui (1934). [Voir son discours à l'Association des historiens canadiens en 1941]

 

Séraphin Marion , après avoir publié une thèse sur les Relations des Voyageurs français en Nouvelle-France au XVIIe siècle (1923), nous a donné une importante monographie : Un pionnier canadien : Pierre Boucher (1927), étude sur notre dix-septième siècle, sa politique, ses moeurs, sa vie religieuse.

 

Gérard Filteau a commencé ses travaux d'histoire par La naissance d'une nation, ou t ableau du Canada en 1755, deux volumes (1937). Il s'est fait ensuite l'historien d'une époque troublée, celle des Patriotes, en écrivant une Histoire des Patriotes en trois volumes : tome I : l'explosion du nationalisme (1938); tome II : le nationalisme contre le colonialisme (1939); tome III : La prise d'armes et la victoire du nationalisme (1942). La victoire du nationalisme, ce fut celle de La Fontaine, sous le régime de l'Union. L'ensemble de ces trois volumes est une contribution importante à l'histoire de la décade si mouvementée de notre vie politique qui va de 1833 à 1842.

 

Robert Rumilly a entrepris d'écrire une Histoire de la Province de Québec. Seize volumes ont paru (1930-1945) [Il y eut éventuellement 41 volumes qui couvrent la période de 1867 à 1945]. C'est une littérature rapide, vivante, anecdotique, superficielle. Les détails souvent noient les lignes essentielles. La curiosité y profite plus que l'esprit qui cherche des vues d'ensemble et une philosophie de l'histoire. L'auteur a le mérite de grouper des faits, petits ou grands, qui étaient restés épars dans les journaux ou dans des Mémoires . Son oeuvre fournira les éléments précieux d'une synthèse que pourront faire plus tard les historiens qui voudront revenir sur la période que raconte M. Rumilly. M. Rumilly avait commencé par publier des biographies : Sir Wilfrid Laurier (1931), La Vérendrye, découvreur canadien (1933), Papineau (1934), Chefs de file (1934), Artisans du miracle canadien (2 vols, 1936), Marguerite Bourgeois (1936).

 

Jean Bruchési s'applique à mettre à la portée de tous l'histoire générale du Canada, en composant des synthèses à la fois larges, précises et élégantes comme Histoire du Canada pour tous, en deux volumes (1933 et 1935), et Épopée Canadienne (1934). Ce sont des études d'histoire et de géographie que les récits de voyages Aux marches de l'Europe (1932). Dans Rappels (1941), l'auteur a groupé des études de littérature et d'histoire. Il a aussi publié, à l'occasion du troisième centenaire de Montréal: De Ville-Marie à Montréal (1942).

 

L'abbé Albert Tessier a d'abord raconté Trois-Rivières, 1535-1935 (1934). Il a publié des causeries historiques, à la fois alertes et substantielles: Ceux qui firent notre histoire (1935), Pèlerinages dans le passé (1942).

 

L'histoire est un genre où les ouvriers maintenant abondent. Les ouvrages sont multiples, d'inégale valeur; un grand nombre sont de précieuses contributions à l'étude du passé. Nous ne pouvons songer ni à les analyser ni à les apprécier tous. Ces oeuvres sont souvent des monographies dont les objets sont très différents : il est difficile de les grouper, pour en faire des synthèses méthodiques. Nous inscrivons leurs noms et leurs oeuvres. Il pourra être utile à plus d'un lecteur de savoir que tels ou tels travaux ont été faits sur des questions d'histoire que l'on veut étudier. Ce point de vue bibliographique a son importance.

 

Aegidius FAUTEUX (1876-1941) fut l'un de nos plus actifs chercheurs; il a fait revivre avec l'art l'histoire, mais il n'a pu écrire l'oeuvre qu'on attendait de lui. Il a publié La famille d'Ailleboust (1917), Le Duel au Canada (1934) et de nombreuses études dans les Mémoires de la Société Royale du Canada, dans les revues et les journaux.

 

Victor MORIN a fait une monographie de Montréal : La ville aux clochers dans la verdure (1923), brochure dont une réédition artistique a paru sous le titre de Croquis montréalais (1929). L'auteur qui s'applique à faire revivre les choses anciennes a aussi publié : Les Ramezay et leur château (1939), et un Traité d'art héraldique (1919).

 

Noël FAUTEUX : Essai sur l'industrie au Canada sous le Régime français, deux volumes (1927). - Antoine ROY : Les Lettres, les Sciences et les Arts au Canada sous le Régime français (1930). - L'abbé Emma DUBOIS : Le feu de la Rivière du Chêne (1937), qui est une étude sur le mouvement insurrectionnel de 1837, au nord de Montréal - Georges LANGLOIS : Histoire de la population canadienne-française (1934), qui est une étude démographique très précieuse du peuple canadien-français. - Léo-Paul DESROSIERS : L'Accalmie. Lord Durham au Canada (1937). - R. P. Léon POULIOT: Étude sur les Relations des Jésuites de la Nouvelle-France (1940). - L'abbé Arthur MAHEUX : Ton Histoire est une épopée ; Tome I: Nos débuts sous le régime anglais (1941), Pourquoi sommes-nous divisés (1943), où l'auteur traite de l'unité nationale, et des obstacles réels ou chimériques qui en empêchent la réalisation. [voir le discours présidentiel de l'abbé Maheux à l'Association des historiens canadiens en 1949 et celui donné à l'Empire Club la même année]

 

Des hommes politiques ont voulu laisser des Mémoires: Armand LAVERGNE (1880-1935) : Trente ans de vie nationale (1935). - Philippe-Auguste CHOQUETTE : Un demi-siècle de vie politique (1936).

 

Biographies

 

La biographie romancée, devenue à la mode il y a quelques années, est une façon de faire revivre l'histoire, en y mêlant de l'imagination. Elle a fait certaines vies moins austères ou plus populaires; elle a ajouté ses grâces, ses moyens puissants d'évocation, et parfois son rythme épique, à des vies que soutenait déjà l'intérêt d'une héroïque aventure.

 

Des biographes ont surgi chez noua qui ont pratiqué ce genre où brilla, le premier, Alain Grandbois.

 

La biographie rigoureusement historique nous a valu aussi, récemment, des oeuvres agréables et utiles.

 

Au premier rang des auteurs de biographies romancées:

 

Alain GRANDBOIS , qui a écrit. Né à Québec: Louis Jolliet (1933), oeuvre de haute valeur artistique, évocation historique vigoureuse, originale, où se fondent l'érudition et l'imagination; le style y est plein, dru, un peu haché. M. Grandbois a aussi écrit, avec son style caractéristique, le récit romancé des aventures d'un célèbre vénitien : les voyages de Marco Polo (1941).

 

Raymond DOUVILLE: La vie aventureuse d'Arthur Buies (1933). - Pierre DAVIAULT : La grande aventure de Lemoyne d'Iberville (1933), Le baron de Saint-Castin (1939). Aventuriers, Artistes, grands hommes (1942). - Pierre BENOÎT : La vie inspirée de Jeanne Mance (1934). - L'abbé Pascal POTVIN : Le Chevalier des Mers : Lemoyne d'Iberville (1934). - M lle Juliette LAVERGNE: La vie gracieuse de Catherine Tekakwitha (1934).

 

D'autres biographes, qui se sont plus rigoureusement tenus près des faits, doivent être ici signalés:

 

MGR Victor-Alphonse HUARD (1853-1929), directeur, à partir de 1892 jusqu'à sa mort, du Naturaliste canadien où il succéda au fondateur de la revue, l'abbé Provancher, publia La Vie et l'oeuvre de l'abbé Provancher (1926)

 

Le Père Paul-Victor CHARLAND , o.p., (1858-1939) a fait de sainte Anne, thaumaturge des Bretons et des Canadiens, le centre de ses études historiques, et il a publié , sous le titre général de Les Trois Légendes de Madame saincte Anne : La Légende hagiographique (1898), La Légende historique : Madame saincte Anne et son culte au Moyen Âge (deux volumes, 1911, 1913), Le culte de saincte Anne en Occident (1921); Sainte Anne, sa fête liturgique et son culte dans l'Église latine (1927). Le Père Charland a aussi écrit un livre sur le rôle artistique de l'Église à travers l'histoire : La grande Artiste (1923).

 

LE Père HUGOLIN-MARIE (1877-1938), franciscain, a fait tour à tour de l'histoire, de la sociologie, de la littérature d'imagination. Il a fait de l'histoire franciscaine, plusieurs brochures sur les divers établissements des Récollets au Canada, et Saint Antoine de Padoue et les Canadiens français (1911), Le Père Joseph Denis, premier Récollet canadien, 1657-1736 (deux volumes, 1926). Il a aussi publié des récits et chroniques : Dans le cloître et par le monde (1925) et Horizons et Pensées (1925).

 

LE DOCTEUR Arthur VALLÉE (1882-1939) a raconté la vie et les travaux d'un biologiste canadien, Michel Sarrazin (1927). Dans ses Causeries (1929), il traite surtout de sujets scientifiques qu'il rattache volontiers à l'histoire. - Donatien FRÉMONT , après avoir écrit une plaquette : Mgr Taché et la naissance du Manitoba (1930), a publié Pierre Radisson, roi des coureurs de bois (1933), et Mgr Provencher et son temps (1935). - Marie-Claire DAVELUY : Jeanne Mance (1934). - Eugène LAPIERRE : Calixa Lavallée (1937). Damase POTVIN : Puyjalon, le Solitaire de l'Ile d la Chasse (1938), et aussi un livre d'histoire et de légendes: Le Saint.Laurent et ses îles (1940).

 

Histoire régionale

 

Beaucoup de travailleurs se sont appliqués à écrire l'histoire régionale, l'histoire des paroisses canadiennes, et celle de nos collèges, et de nos communautés religieuses. Le plus souvent, leurs travaux n'offrent qu'un intérêt local. Ils contribuent cependant à une meilleure connaissance de l'histoire générale. Nous croyons utile, pour l'instruction du lecteur, de mentionner ici les principaux :

 

MGR David GOSSELIN (1846-1926) a publié entre autres ouvrages : Histoire du Cap Santé (1899), Histoire de la paroisse de Saint-Laurent, Isle d'Orléans (1904), Les Étapes d'une classe au Petit Séminaire de Québec (1908), Mélanges historiques (1920). - M gr Joseph-Antoine-Irénée DOUVILLE (1838-1918) : Histoire du Collège Séminaire de Nicolet, deux volumes (1903). - M gr C.-P. CHOQUETTE : Histoire du Séminaire de Saint-Hyacinthe, deux volumes (1911). - L'Abbé Jean-Baptiste-Arthur ALLAIRE : Histoire de la paroisse de Saint-Denis-sur-Richelieu (1905.) - L'abbé Charles-Édouard MAILHOT (1855-1937) a raconté l'histoire de la colonisation des Bois Francs (deux volumes, 1914, 1920).

 

L'Abbé Azarie COUILLARD-DESPRÉS (1876-1939) a publié : La première famille française au Canada, ses alliés et ses descendants (1907), Histoire des Seigneurs de la Rivière du Sud et de leurs Alliés canadiens et acadiens (1912), Louis Hébert, le premier colon canadien, et sa famille (1914), Histoire de la famille et de la seigneurie de Saint-Ours, deux volumes (1915 et 1917), La Noblesse de France et du Canada (1916), Fêtes du Troisième centenaire de l'arrivée de Louis Hébert au Canada, 1617-1917 (1919), Histoire de Sorel, de ses origines à nos jours (1926), Charles de Saint-Etienne de la Tour (1930).

 

L'Abbé Élie AUCLAIR : Vie de Mère Caron (1908), Prêtres et religieux au Canada, deux volumes (1914, 1924), Histoire des Soeurs de Sainte-Anne (1922), Histoire de Mère Catherine-Aurélie du Précieux-Sang (1923), Histoire de la paroisse N.-D.-des-Sept-Douleurs de Verdun de Montréal (1925), Histoire de la paroisse de Saint-Joseph de Soulanges (Les Cèdres) (1928), Histoire des Soeurs de Miséricorde (1928), Vie de Mgr John Forbes (1929), Le Curé Labelle (1930), Figures canadiennes, deux volumes (1933), Saint-Jérôme de Terrebonne (1934), Histoire de Châteauguay (1935). - L'abbé Hermann PLANTE a publié : Saint-Justin, foyer de sérénité rurale (1937).

 

Rappelons ici l'oeuvre de littérature documentaire très abondante, que publie Pierre-Georges ROY , archiviste de la province de Québec. M. Roy n'a pas l'ambition de faire lui-même oeuvre littéraire; il se propose d'être utile aux chercheurs et aux historiens. Parmi les ouvrages publiés, citons de très nombreuses monographies généalogiques de familles canadiennes, Les Noms Géographiques de la Province de Québec (1906), Les Petites choses de notre Histoire, cinq volumes (1919, 1922, 1923), Le Vieux Québec (1923), Les Monuments commémoratifs de la Province de Québec, deux volumes (1923), Les Vieilles Églises de la Province de Québec (1925), Vieux Manoirs, Vieilles Maisons (1927), L'Isle d'Orléans (1928). Ces derniers ouvrages sont enrichis de précieuses illustrations artistiques. La Ville de Québec, deux volumes (1930), Les Rues de Québec (1932), Fils de Québec, quatre volumes (1933), Dates lévisiennes, six volumes (1932, 1933), Les Juges de la Province de Québec (1933), Les Avocats de la Province de Québec (1936). M. Roy a aussi fondé, en 1895, le Bulletin des Recherches historiques.

 

E.-Z. MASSICOTTE collectionne des miettes d'histoire. L'auteur ne fait pas oeuvre d'historien. Il ramasse de menus matériaux pour l'histoire. Un volume, Anecdotes canadiennes, suivies de Moeurs Coutumes et Industries d'autrefois (1913) contient les fragments principaux qu'il a pris de tous côtés, et qui ont été publiés par groupes dans différentes brochures. Parmi les autres recueils, mentionnons : Armorial du Canada français (deux séries, 1915, 1918), Chants populaires du Canada, publiés dans le Journal of American folklore, vol. XXXII (1919), Dollard des Ormeaux et ses Compagnons (1920), Faits curieux de l'histoire de Montréal (1922), Sainte-Geneviève de Batiscan (1936). Signalons ici son oeuvre de littérature scientifique : Monographies des plantes canadiennes, suivies de Croquis champêtres et d'un Calendrier de la Flore de la Province de Québec (1899), étude qui, revue et augmentée, a été rééditée sous le titre de Cent Fleurs de mon Herbier (1912).

 

Marius BARBEAU s'applique à faire connaître la petite histoire de la province de Québec, particulièrement son folklore, ses traditions, ses oeuvres d'art. Il a reproduit d'innombrables contes et chansons recueillis sur les lèvres des vieux et des vieilles qu'il a interrogés : Romancero du Canada (1932), Grand-mère raconte (1935), Il était une fois (1935), et autres recueils. Mais il a aussi raconté lui-même l'histoire : Au Coeur de Québec (1934), La merveilleuse aventure de Jacques Cartier (1934), Québec où survit l'Ancienne France (1937).

 

Rappelons enfin l'oeuvre documentaire importante laissée par le Père L. Le Jeune, oblat : Dictionnaire général d'histoire, de littérature, des arts, moeurs et institutions du Canada , 2 volumes (1931).

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BIBLIOGRAPHIE

 

D'ARLES (Henri): Estampes; Nos Historiens. 

ROY (Mgr Camille): Historiens de chez nous; Erables en Fleurs. 

MAURAULT (Mgr Olivier): Brièvetés.  

HÉBERT (Maurice): Les Genres au Canada.  

GRIGNON (Claude-Henri): Ombres et Clameurs.  

MARION (Séraphin): En feuilletant nos écrivains. 

LOTIE (Lucien): Bibliographie analytique de l'oeuvre de l'abbé Arthur Maheux.  

DUGAS (Marcel): Approches.

 

Source : Mgr Camille ROY, Manuel d'histoire de la littérature canadienne de langue française , Montréal, Beauchemin, 1962 [1939], Vingt-et-unième édition, revue et corrigée par l'auteur, 201p., pp. 126-140.

 

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College