Quebec History Marianopolis College


Date Published:
15 August 2003

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Mgr Adélard Langevin

(1855-1915)

par
M. L’Abbé Elie-J. AUCLAIR

MGR Adélard Langevin, le successeur de Mgr Taché sur le siège archiépiscopal de Saint-Boniface, comme lui Oblat de Marie, est né à Saint-Isidore, comté de Laprairie, le 23 août 1855. Son père, François-Théophile Langevin, dont les ancêtres étaient venus de l'Anjou au Canada au XVIIème siècle, exerçait la profession de notaire. Sa mère, Marie-Paméla Racicot, fille du notaire Racicot, de Sault-au-Récollet, était la soeur de feu Mgr Zotique Racicot. L'un de ses frères cadets, Hermas Langevin, s'était fait prêtre et a été plusieurs années curé d'Hochelaga.

Le futur archevêque fit ses études au collège de Montréal, où il eut, comme confrères de classe, Mgr Bruchési, l'honorable F.-D. Monk, le juge Beaudin et le juge Lanctôt. Le jeune Langevin comptait parmi les premiers de sa division. Il aimait la joie saine et le bon rire et ne se privait pas de commettre parfois quelques espiègleries. Mais il était si franc, si ouvert, si bon élève et si joyeux camarade qu'on lui passait vite tout cela. Au grand séminaire, il devint plus sérieux, mais resta, comme toute sa vie d'ailleurs, joyeux et bon vivant. Il était diacre, en 1881, quand il entra au noviciat des Oblats à Lachine. Il y fit sa profession religieuse le 25 juillet 1882, et, cinq jours plus tard, le 30, il était ordonné prêtre, au Bon-Pasteur de Montréal, par Mgr Fabre.

Pendant trois ans, le Père Langevin fut missionnaire en résidence à Saint-Pierre de Montréal. Son éloquence naturelle, si ardente et si vivante, lui assura de constants succès dans les nombreuses missions et retraites qu'il prêcha à cette époque. En 1885, il était assigné, par ses supérieurs, à l'Université d'Ottawa; où il fut, sept ou huit ans, professeur de théologie et directeur des séminaristes. Là encore, il se dépensa sans compter, avec toute la fougue de son tempérament généreux. Entre temps, en 1890, il fut l'un des délégués de sa province au conseil ou chapitre général de sa congrégation à Paris, en France. En 1893, il quittait Ottawa pour l'Ouest, où l'appelait la confiance de Mgr Taché alors vieillissant. Il fut chargé de l'importante paroisse de Sainte-Marie de Winnipeg. Presque en même temps, il devenait provincial des Oblats du Manitoba. Le 8 janvier 1895 enfin, il était élu archevêque de Saint-Boniface, pour succéder à Mgr Taché, décédé le 22 juin 1894. Il fut sacré, dans sa cathédrale, le 19 mars suivant, par Mgr Fabre, qui lui avait conféré la prêtrise en 1882. Il n'avait pas encore 40 ans. Il a administré son diocèse pendant vingt ans, de 1895 à 1915, et il est mort à Montréal, au cours d'un voyage dans la province de Québec, le 15 juin 1915, à 60 ans.

En prenant la succession de Mgr Taché et en montant sur le trône archiépiscopal de Saint-Boniface, en mars 1895, Mgr Langevin assumait par obéissance, et il le savait, une bien lourde tâche. Les circonstances, dans l'Ouest, étaient difficiles. Ce vaste pays se trouvait envahi par une immigration, très mélangée, qui menaçait de tout submerger. Si les catholiques de diverses races qui arrivaient étaient encore en nombre, ils étaient loin d'être les plus nombreux. Par ailleurs, la majorité anglo-protestante entendait tout dominer. Des lois persécutrices avaient été votées, notamment à propos des écoles catholiques-françaises, au parlement de Winnipeg. Bien des courants contraires agitaient l'opinion et les esprits étaient fort excités. Le nouvel archevêque se mit à la noble tâche, de tout son esprit, de tout son coeur, de toute son âme. Il prit le dépôt, que l'Eglise lui confiait, hardiment et résolument. C'est ce mot des Ecritures précisément — Depositum custodi — Garde le dépot — qu'il avait mis dans ses armes épiscopales. Il lui a été fidèle ! On a même dit qu'il avait rempli son mandat d'archevêque avec trop d'éclat et en cassant un peu les vitres ! Eh ! grand Dieu, que certaines situations sont délicates à juger, même après quelques années de recul. Je ne pense pas, pour ma part, qu'il faille traiter de pusillanimes et de trembleurs tous ceux qui n'abondent pas dans le sens des lutteurs que les circonstances placent, sur la brèche à défendre, aux endroits stratégiques, dans les grandes discussions religieuses et nationales. Ceux-là, comme ceux-ci, plus souvent qu'on ne pense, tendent au même but par des moyens différents. Mais l'oeuvre des lutteurs est d'ordinaire plus brillante et plus éclatante, en même temps que plus angoissante et plus crucifiante. Mgr Adélard Langevin, en tout cas, a été, pendant vingt ans, pour la cause catholique et française, dans l'Ouest canadien, voire dans tout le pays, avec talent autant qu'avec ardeur, avec énergie et ténacité autant qu'avec charme et entrain, le lutteur par excellence, le champion qui ne faiblit pas, et, bien souvent, le dominateur qui magnétise et subjugue.

Pas très grand de taille, trapu et d'apparence robuste, le zélé et courageux archevêque semblait fait pour l'action et pour la résistance. Il avait un magnifique talent de parole, une facilité étonnante, un verbe claironnant comme une fanfare, une physionomie mobile et expressive à l'extrême. De tout cela il s'est servi, largement et abondamment, pour le soutien ou la défense des causes qui nous sont chères à tous. C'est pourquoi aussi il a beaucoup souffert. Les épreuves et les peines ont marqué sa carrière d'un signe qui ne trompe pas, celui de la croix. Ce fut un fier soldat et un beau lieutenant du christ [sic] — Bonus miles locum tenens Christi — selon l'expression de saint Paul. Si l'on me salue un peu partout par des acclamations émues, disait-il aux militants de l'Association catholique de. la jeunesse canadienne, à l'Arena, lors du congrès eucharistique international de Montréal en 1910, c'est que je suis un blessé, le blessé de l'Ouest. Puis fièrement, avec ce coup de voix un peu criard, mais si franc, qui jaillissait souvent du fond de son être, il ajoutait : « Mais, si je suis un blessé, je ne suis pas un découragé, je ne suis pas un vaincu ! En avant toujours et jusqu'au bout ! » Tout Mgr Langevin et toute sa carrière se résume en ces paroles retentissantes, qui furent alors saluées, je m'en souviens, d'une indicible ovation.

Source : Abbé Elie-J. AUCLAIR, Figures canadiennes. Première série, Montréal, éditions Albert Lévesque, 1933, 201p., pp. 154-159. On trouvera ailleurs au site plusieurs documents sur l’attitude de Mgr Langevin au cours de la querelle sur les écoles du Manitoba.

 
© 2003 Claude Bélanger, Marianopolis College