Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Décembre 2004

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Samuel de Champlain

Quatrième voyage, 1608-1609

Fondation de Québec

 

 

[Ce texte a été rédigé par Louis-Marie Le Jeune, o.m.i.; il fut publié dans son Dictionnaire en 1931. Pour la citation exacte, voir la fin du texte. Pour une courte biographie du Père Le Jeune et une discussion de la valeur de son Dictionnaire, voir ce texte.]

 

V. Quatrième voyage : Honfleur à Québec (1608-09). - M. de Monts confère à Cham­plain le titre de lieutenant de l'expédition au Saint-Laurent et à Dupont-Gravé l'office de la traite des fourrures. M. de Poutrincourt (V. ce nom) étant mis en possession. du Port­Royal, Champlain tourna la réalisation de ses desseins vers la Grande-Rivière de Canada.

 

Le 7 avril 1608, le pilote malouin lève l'ancre à Honfleur sur le Lièvre et le lieutenant sur le Don-de-Dieu, le 13 du même mois. Tadoussac, à l'époque, est le terminus de la navigation transatlantique, le port d'attache et de ralliement des vaisseaux d'Europe : car en amont du fleuve la navigation semble périlleuse. Ayant mouillé l'ancre, Dupont-Gravé se vit réduit, en vertu de son privilège royal, à engager la lutte contre le capitaine basque Darache, qui l'a devancé au trafic avec les indigènes. Mais Champlain, survenant le 3 juin, ménage un prompt accommodement. Aussitôt il apprête deux barques pour transporter à Québec une partie du matériel d'installation. Dans l'intervalle de ce voyage, il remonte de nouveau le Saguenay et recueille des Sauvages de vagues informations relatives aux régions intérieures : lac Saint-Jean et ses tributaires, rivières et lacs septentrionaux, baie du Nord.

 

Monument de Champlain, "Père de la Nouvelle-France"

sur la place face au Château Frontenac, à Québec.

 

A. - Fondation de Québec (1608). - Le 30 juin, il aborde à la falaise de Québec et cargue ses voiles au pied du promontoire. « Il ne peut, dit-il, trouver d'endroit plus commode, ni mieux situé, que la pointe de Québec, ainsi appelée des Sauvages, et remplie de noyers. » Sans tarder, trente ouvriers et artisans, parmi lesquel Jean Duval, La Taille, Antoine Natel, les jeunes Nicolas Marsolet et Etienne Brûlé, le chirurgien Bonherme, entament la forêt, creusent caves et fossés. Entre temps, un groupe de l'équipage apporte de Tadoussac à Québec, vivres et munitions, ustensiles et meubles. Donc, le Don-de-Dieu ne monta jamais le fleuve jusqu'à l'habitation. Par malheur, dans ce groupe un complot est tramé, soit en raison des fatigues, soit à cause des convoitises, contre la vie du lieutenant. Cinq artisans rêvent de s'enrichir par ce crime en livrant aux Basques qui traitent à Tadoussac tout le matériel de l'installation. Mais Natel, l'un des conjurés, pris de remords, dévoile la conspiration au- capitaine Têtu, qui la révèle à Champlain. Aussitôt arrêtés, les coupables font des aveux : un conseil instruit le procès et condamne à mort Jean Duval. Ses complices, mis aux fers à fond de cale, sont réservés au jugement de M. de Monts, qui les gracia plus tard.

 

 

L'habitation avait trois corps de logis à deux étages, mesurant chacun trois toises et demies. Le magasin en compte le double. L'on fit un promenoir de dix pieds et un fossé de six de profondeur; un jardin de 120 sur 60 de large, en septembre. Le 18, Du PontGravé lève l'ancre à Tadoussac, laissant à Champlain 27 hommes, renforcés de quelques Sauvages. En hiver, le scorbut fait 10 victimes et la dysenterie 5. Le 5 juin 1609, Desmarais vient annoncer le retour de son beau-père Dupont à Tadoussac et le rappel de Champlain en France. Mais d'accord avec son ami, celui-ci se sent dans la nécessité de prêter auparavant main-forte aux alliés contre les Iroquois.

 

B. Expédition au lac Champlain (1609). - Faut-il incriminer sa démarche? Son intervention armée est-elle justifiable? Plusieurs historiens ont condamné l'une et l'autre. L'on a observé, au contraire, que, avant 1603, les sieurs Chauvin et Dupont-Gravé, son mandataire, avaient lié amitié avec les tribus, au point d'emmener en France les enfants des chefs. Cette même année, Champlain n'a-t-il pas appris d'eux la récente campagne d'un millier de coalisés en territoire iroquois? Ne l'ont-ils pas conjuré de les seconder avec ses armes à feu? Ainsi l'état d'hostilité existe préalablement. De plus ces Montagnais, Algonquins et autres ne lui ont-ils pas fait le plus sympathique accueil? Par eux les profits du trafic sont venus compenser les frais de ses excursions si dispendieuses à l'époque. Et encore : les Iroquois, relégués à l'intérieur du Sud du Saint-Laurent, livrés à la culture du maïs, ne font guère de la traite la condition de leur existence. Lorsque, plus tard, ces féroces barbares s'arment contre la colonie, Champlain pouvait-il prévoir les fondations hollandaises de la Nouvelle-Amsterdam (New-York), de Corlaer, d'Orange, ainsi que leurs échanges avec les Iroquois, payés en arquebuses et en poudre? S'il avait refusé le concours de son bras à des indigènes voisins, cantonnés sur le fleuve et ses tributaires, n'allait-il pas vouer d'avance toute son oeuvre à une ruine certaine? M. Garneau a écrit avec raison que Champlain pensait que, grâce aux tribus alliées, il subjuguerait et la confédération - dont il ignorait la puissante organisation - et les peuplades qui viendraient entraver ses projets par la suite. Enfin, pouvait-il garder la neutralité, dont se servirent les Hollandais? Ceux-ci n'ont point à se protéger des Agniers : ils leur fournissent, avec des avantages, armes et munitions contre les Français. Quant à Champlain, il évite avec soin de mettre des mousquets aux mains de ses alliés. Ceux-ci réclament des gages assurés d'amitié : il juge indispensable de les leur garantir. «Nous désirons, dit-il, Du Pont et moi, les assister contre leurs ennemis, avec lesquels ils avaient dès longtemps la guerre, pour beaucoup de cruautés contre leur nation, sous prétexte d'amitié.» A travers mille vicissitudes, l'alliance contractée ne devait jamais être rompue.

 

Le 18 juin 1609, accompagné de Desmarais et La Route, suivi de neuf Français, il remonte le fleuve jusqu'à Batiscan, « où sont cabanés Hurons et Algonquins, qui attendent les Montagnais». Tous redescendent à Québec. Du Pont-Gravé s'y trouve rendu avec un fort détachement. Le 3 juillet, les guerriers ont regagné les Trois-Rivières, « fort beau pays, rempli de beaux 'arbres». On franchit le lac Saint-Pierre. Champlain signale au Nord, la rivière Sainte-Suzanne (ou du Loup), au Sud celle de Du Pont (Nicolet) et celle de Gênes (Yamaska). Il séjourne deux jours à l'embouchure de la Rivière-des-Iroquois (Richelieu), « qui a 500 pieds de large et est fort belle ». En amont, à 15 lieues, « il y a neuf ou dix belles îles jusques au Saut (Rapides de Chambly), dont l'entrée est une manière de lac (bassin). Aucuns chrétiens n'étaient encore parvenus jusques en ces lieux». Le 12 juillet, il passe le Saut jusqu'à l'île (Sainte-Thérèse). Au bivouac, oracles des sorciers qui « de cent paroles n'en disent pas deux véritables». Le 14, on pénètre dans le lac (Champlain) « où je vis quatre belles îles - Ile Longue, Grande Ile, Lamotte et Valcour. Au sortir du lac, passage d'un saut (Ticonderoga) et entrée dans un autre (lac Saint-Sacrement ou lac George), « de neuf ou dix lieues de long. Et l'on n'est plus qu'à deux journées de marche du pays ennemi ».

 

 

Bataille du Lac Champlain, 1609

On voit Champlain qui s'avance contre les Iroquois,

faisant feu avec son arquebuse

On signale les Iroquois « sur les 10 heures du soir au bout d'un cap » (Crown Point) :  

200 guerriers acceptent le combat pour le lendemain. Quand tombent les trois chefs sous les balles de Champlain et de deux Français, désarroi et débandade des Agniers; abandon et prise du fort en pieux. Douze ennemis sont faits prisonniers, les vainqueurs comptent seize blessés. Après le pillage, départ des troupes le 19 juillet, traversée du lac « nommé alors Champlain », séparation des Français et alliés au Saut (Chambly), arrivée à Québec : on y laisse « pour commander la place un honnête homme, Pierre Chavin, ayant 15 hommes sous ses ordres ». Le 5 septembre, on lève l'ancre à Tadoussac, l'on fait escale à Percé, et le 8 octobre on la mouille au Conquet en Basse-Bretagne, pour débarquer, le 13; à Honfleur.

 

A Fontainebleau, entrevue de Champlain et de M. de Monts, qui le présente au roi. Le fondateur de Québec offre à Sa Majesté « une ceinture faite de poils de porc-épic, deux petits oiseaux gros comme merles, qui étaient incarnats, une tête de poisson prise au lac Champlain ». Tous deux vont alors à Rouen entretenir les Associés Collier et Legendre « l'on décide de parachever les découvertes du Saint-Laurent ». De retour à la Cour, le sieur de Monts sollicite le renouvellement du monopole. Mais la. liberté du trafic est accordée (1609-13) à tous les armateurs du royaume. sur le refus de Sully de reconnaître un privilège quelconque sur les instantes réclamations des Bretons et des Basques. Un arrêt royal, en date du 6 octobre, a proclamé la liberté de commerce, et nonobstant les lettres du sieur de Monts, auquel les marchands paieront 6.000 livres».

 

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[On pourra consulter l'abondante biographie de Champlain au site du Dictionnaire biographique du Canada pour compléter et mettre à jour la biographie du père Le Jeune. On trouvera aussi des informations pertinentes au site de l'Encyclopédie du Canada. Les lecteurs ayant une bonne connaissance de l'anglais pourront aussi consulter la biographie rédigée par Daughty à la Catholic Encyclopedia. Les lecteurs sérieux pourront consulter le texte intégral des Oeuvres de Champlain au site de la Société Champlain.]

 

Source  : LE JEUNE, L., « Champlain (Samuel de) », dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. 1, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 862p., pp. 348-350.

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College