Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Décembre 2004

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Samuel de Champlain

Huitième voyage : Honfleur au Lac Huron, 1615-1616

 

 

[Ce texte a été rédigé par Louis-Marie Le Jeune, o.m.i.; il fut publié dans son Dictionnaire en 1931. Pour la citation exacte, voir la fin du texte. Pour une courte biographie du Père Le Jeune et une discussion de la valeur de son Dictionnaire, voir ce texte.]

 

XI. - Huitième voyage : Ronfleur au lac Huron (1615-16). - Au début de son récit, Champlain explique les raisons qui l'ont déterminé à s'assurer la collaboration des .mis­sionnaires au Canada, par l'entremise de Louis Houël, contrôleur des salines de Brouage. « Ce dernier connaissant les Récollets, en écrivit au Père Duverger, leur Provincial, qui goûta cette affaire et en communiqua avec plusieurs de ses Frères, tous s'offrant librement ». Le prince de Condé agréa la proposition; la Compagnie également, consentant à subvenir aux besoins des Religieux. Quatre seulement reçurent leur obédience.

 

Le 24 avril 1615, l'on s'embarque sur le Saint-Etienne de 300 tonneaux, vaisseau de l'Association commandé par le sieur Dupont. Le 25 mai, arrivée à Tadoussac et, avec les barques accommodées, à Québec le 2 juin. Aussitôt, le Père Le Caron monte au saut Saint-Louis, où il vit les Sauvages et leur façon de faire et résolut de passer l'hiver chez eux, tandis que Champlain demeurait à Québec pour donner ordre de construire une chapelle et de faire défricher la terre. Le 8, il remonte le fleuve avec le Père Jamet et Pont-Gravé; à son arrivée le 20, les Sauvages témoignent leur joie et lui rappellent sa promesse de les assister contre les Iroquois, « dont ils ne pourront aisément triompher ». Et il signale aussitôt les motifs de cette alliance offensive : « C'est pour les obliger à nous aimer; pour moyenner les facilités des entreprises et découvertes; pour faire comme un acheminement et préparation au christianisme ». Il ne pouvait donc point limiter son action à la neutralité.

 

Sur-le-champ il convoque une assemblée générale : les capitaines, Hurons et Algonquins, mettront sur pied 2.500 guerriers et les Français le plus de combattants possible. Mais auparavant Champlain jugea un retour rapide à Québec absolument nécessaire, le 23 juin. Le 24, à la Rivière-des-Prairies, il ren­contre le Père Le Caron, qui en revenait avec des ornements, célébra la messe, chantée avec dévotion devant tous ces peuples qui étaient dans l'admiration des cérémonies. Le 26, rendu à Québec, où le Père d'Olbeau avait célébré la veille, il s'empressa de tout régler et de retourner à la Rivière-des-Prairies le 4 juillet. En route, il croisa le parti du sieur Dupont et du Père Jamet qui descendaient, l'assurant que le Père Le Caron était parti avec douze Français pour assister les Sauvages.

 

Le 9 juillet, accompagné du truchement Etienne Brûlé et de son domestique, ainsi que de dix indigènes, Champlain s'embarque avec deux canots fort chargés de munitions et embarrassés de hardes. Il refait l'itinéraire de 1613 jusqu'aux Allumettes, à la rivière Creuse, continuant à travers les sauts, « dans un pays peu agréable, rempli de sapins, bou­leaux, chênes, force rochers, ayant abondance de framboises et de bleuets; laissant la rivière du Nord (la Mattawa) et passant plusieurs lacs avant d'entrer dans le Nipissini (Nipissing) ». Le 26 juillet, l'on aperçoit les cabanes de 700 à 800 Sauvages; l'on s'y repose deux jours pour prendre la rivière (des Français), par où se décharge le lac Nipissini, franchissant 35 lieues par terre et ca­not jusqu'au lac Attigonatan (Huron). « Tout ce pays est encore plus mal agréable que le précédent, n'y ayant pas vu dix arpents de terre labourables, rencontrant 300 hommes environ d'une nation qu'on a nommés les Cheveux Relevés (Outaouas), qui sont agencés et mieux peignés que nos courtisans, les narines percées, les visages tatoués ». Champlain donne une hache au chef qui en fut réjoui. Puis il continue l'espace de 45 lieues le long du lac qu'il nomma Mer Douce et, rangeant les rives de la baie (Georgienne), on arrive à Toanché le 1er août, pays fort beau, avec collines et ruisseaux; le lendemain au village Carmaron , à un second, à un troisième, enfin à Carhagouha, formé d'une triple palissade de bois haute de 35 pieds, où était le Père Le Caron (8 août). Le 12, il célébra la messe et l'on planta une croix proche d'une chapelle, séparée du village. Le 17, Champlain va à Cahiagué, où il est reçu avec démonstration de joie par ceux de 200 cabanes assez grandes : rendez-vous des guerriers, pays très beau et très productif au labourage, bien peuplé d'âmes « sans aucune religion, ni loi divine, politique ou civile ». Bientôt il apprit que les Tsonnontouans sont aidés des Flamands (Hollandais) - qui n'ont point gardé la neutralité qu'on leur attribue à tort - « desquels les Hurons en ont pris trois, en 1614 ».

 

Débarquement de Champlain sur les berges de la baie georgienne;

d'après une peinture de Humme (National Club de Toronto).

L'artiste a, encore une fois, montré beaucoup d'imagination. 

 

Les guerriers assemblés en grande partie, départ le 1er septembre. L'armée franchit dans la péninsule ontarienne le lac Conkieking, puis un autre (Simcoe), d'où l'interprète Brûlé et 12 hommes sont détachés chez les Andastes, le lac l'Esturgeon, le lac Éice et la rivière (Trent) pour aboutir à la baie de Quinté. De là, les troupes traversent une distance d'environ 14 lieues sur le lac (Ontario). Après une marche de quatre jours sur la rive méridionale, à travers ruisseaux, marais, lacs (Chouaguen et Oneïda), le 9 octobre on capture onze ennemis, hommes et femmes. Mais Champlain s'oppose à la mutilation usuelle des mains des captives. Le lendemain, l'armée est en présence du village des Tsonnontouans, au fond du lac Canondaïga. L'assaut se donne aussitôt : effroi des assiégés à la détonation des mousquets. Pour atteindre les ennemis derrière les quatre palissades de 30 pieds de haut, Champlain fait construire un cavalier en bois qui les surplombe; d'où il fait diriger dans l'enceinte un feu meurtrier. Les Hurons mettent alors le feu aux remparts, quand soudain la fumée les aveugle. Blessé au genou et à la cuisse, Champlain essaie de rallier les assaillants, qui se battent en désordre. Mais les capitaines burons, impuissants à le seconder, décident la levée du siège. La tentative aboutit ainsi à un échec l'ennemi prendra sa terrible revanche en 1649. Les assiégeants ont perdu une quinzaine de guerriers, tués ou blessés. Souffrant de ses blessures, Champlain est ligoté et mis dans une sorte de hotte que les Hurons portent à dos, à tour de rôle. Ainsi emmailloté, le fondateur de Québec décrit les tortures qu'il supporte « dans cette géhenne », l'espace de 30 lieues. Le 18 octobre, la neige couvre le sol. L'armée ne rentre à Cahiagué que le 23 décembre : il faut se résigner à hiverner en Huronnie. Guéri de ses coups de flèches, le 4 janvier Champlain visite le Père Le Caron à Carhagouha. Il accommode un différend entre les Hurons. Puis il observe et décrit en détail les moeurs, usages, festins, danses, jeu, cérémonies des Hurons et de la Nation-Neutre des Pétun. Il prend des informations concernant les peuplades situées au Sud et à l'Ouest. Le 20 mai, départ des Français et du missionnaire qui a baptisé quelques mourants. Le chef Darontal et un groupe d'amis les accompagnent à : Québec. En 40 jours, on débarque à la Place-Royale, où l'on dit adieu aux Sauvages, le 8 juillet 1616. Le 11, Darontal se montre émerveillé de l'habitation de Québec, suppliant d'en construire une autre dans l'île de Montréal. C'est bien le plan du fondateur. A Québec, un conseil de notables désigne les Père Jamet et Le Caron pour porter les doléances et les voux des 30 colons à la Cour et au vice-roi: Le vaisseau appareille, le 3 août, à Tadoussac pour entrer en rade de Honfleur le 10 sep­tembre.

 

XII. Séjour en France (1617). - Dix jours avant le débarquement, le prince de Condé, mêlé aux intrigues de la Cour, a été arrêté et enfermé à la Bastille. « Les envieux, écrit Champlain, ne tarderont guère à vomir leur poison. » Pons de Lauzières, marquis de Thémines (1552-1627), ayant opéré l'arrestation, reçoit le même jour le bâton de maréchal de France et le titre de vice-roi de la NouvelleFrance. L'opinion publique sent soudain ses sympathies se réveiller en faveur des colons. Mais la Compagnie des Marchands ne visait guère qu'à ses intérêts commerciaux. Si Champlain réussit à persuader Louis Hébert à émigrer avec sa famille, la Compagnie se mit à l'exploiter par de basses vexations. Le Père Huet remplaça le Père Jamet. Quant à Champlain, il demeure en France pour la sauvegarde de son oeuvre consignant seulement dans son livre «qu'il ne se passa rien de remarquable dans ce voyage».

 

Le 11 avril, le voilier, du capitaine Morel appareille à Honfleur. Le Frère Sagard et le Père Leclercq ont transmis quelques notes sur la navigation. L'un rapporte que, à distance de 60 lieues du Grand-Banc, la tempête se déchaine avec furie; que tout le monde se confesse comme pour mourir; que Mme Hébert élève le plus jeune de ses trois enfants par les écoutilles «pour qu'il reçût aussi la bénédiction du Père Le Caron ». Le 15 juillet seulement, le voilier aborde à Tadoussac, où sévit la famine, mais où la traite fut excellente. A Québec on décide le retour du Père d'Olbeau pour ravitailler la place; on y célèbre, en automne, le premier mariage entre Etienne Jonquet et l'ainée des enfants Hébert : tous deux mouraient en juillet 1619.

 

C'est en 1617 que se noue l'alliance entre Flamands et Iroquois, déjà de connivence antérieurement : le commerce sur le fleuve Hudson demeure ainsi fermé aux Français et les armes à feu sont mises aux mains des barbares.

 

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[On pourra consulter l'abondante biographie de Champlain au site du Dictionnaire biographique du Canada pour compléter et mettre à jour la biographie du père Le Jeune. On trouvera aussi des informations pertinentes au site de l'Encyclopédie du Canada. Les lecteurs ayant une bonne connaissance de l'anglais pourront aussi consulter la biographie rédigée par Daughty à la Catholic Encyclopedia. Les lecteurs sérieux pourront consulter le texte intégral des Oeuvres de Champlain au site de la Société Champlain.]

Source: LE JEUNE, L., « Champlain (Samuel de) », dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. 1, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 862p., pp. 352-354.

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College