Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juin 2006

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Michel-Jean-Hugues Péan

 

PEAN (Michel-Jean-Hugues), sieur de Saint-Michel (1723-82), enseigne en second, puis en pied, aide-major de Québec, capitaine, chevalier de Saint-Louis.

 

Fils aîné de Jacques-Hugues Péan, sieur de Livaudière, il naquit à Saint-Ours le 18 mai 1723. Entré dans les troupes du détachement de la marine, il fut nommé enseigne en second en 1738; enseigne en pied en 1742, aide-major en second sous les ordres de son père en 1745, capitaine en 1750, cheva­lier de Saint-Louis en 1755.

 

Peu de temps après l’arrivée de l'intendant Bigot (1748), commença la fortune de M. Péan, marié depuis deux ans à Angélique Des Méloizes. Selon un Mémoire du Canada (anonyme), l’aide-major Péan « était plutôt né commerçant, n'ayant aucune des qualités du soldat; sa femme était jeune, pleine d'esprit, d'un caractère doux et affable, aimant à obliger. Son air amusant fixa le coeur de l’intendant plus que sa beauté, car elle n'avait que de l'éclat. Ce n'était même pas à elle que l'intendant s'était attaché à son arrivée : mais il se vit obligé de se rejeter sur elle, ayant su qu'on drapait ses amours. II déclara alors qu'il lui ferait tant de bien, qu'on envierait sa fortune : c'est effectivement ce qui arriva ».

 

On rapporte que, comme début, M. Bigot fit gagner au mari complaisant 150.000 livres. Il le chargea d'une réquisition considérable de blé pour le service du roi, et lui avança sur le trésor l'argent nécessaire. Achetant au comptant, M. Péan obtint la denrée à un bon marché exceptionnel. Puis l’intendant fixa par ordonnance, selon la coutume abusive de l’époque, le prix du blé à un chiffre beaucoup plus élevé : ainsi l’acheteur, le revendant au roi d'après les taux de l’ordonnance, réalisa, sans bourse délier, un bénéfice exor­bitant.

 

Il y avait une autre source de profit : savoir le détail de l’équipement des troupes et des milices. L'intendant en chargea M. Péan à titre d'aide-major, avec l'acquiescement de M. de Vaudreuil. Cette fonction le mit en contact avec M. de Montcalm qui, au début de son séjour au Canada, rendait justice à M. Péan; écrivant à Lévis, il lui dit : « De tout ce qui se mêle du gouvernement, il est le plus sensible. Poli, honnête, obligeant, bon usager de son bien, la tête ne lui tourne pas. Il saisira un bon avis que vous ou moi ouvrirons, et le fera passer, s'il peut. »

 

Le 13 août 1758, M. Péan passa en France pour informer le roi de la victoire de Carillon. Il était porteur d'une lettre de M. de Vaudreuil, dont l'accent chaleureux ne laissait aucun doute sur les sentiments qui l'avait dictée : « M. Péan, aide-major de Québec, aura l'honneur de vous remettre cette lettre : il est très en état d'entrer avec vous, monseigneur, dans tous les détails que vous jugerez à propos de lui demander relativement à cette co­lonie, qu'il connaît au mieux. C'est l'officier en qui j'ai le plus de confiance. J'ai l'honneur de vous demander vos bontés en sa faveur. » (Lettre du 6 août.)

 

Le 12 du même mois, M. Doreil écrivait au maréchal de Belle-Isle, ministre de la Guerre, pour le mettre en garde contre l'aide-major : « Cet officier, dit-il, est vendu à M. de Vaudreuil et à M. Bigot, qui, depuis que nous sommes en Canada, n'a pas fait une campagne et a toujours été constamment occupé auprès d'eux de la partie des subsistances, pour laquelle il a été d'autant plus utile qu'il y est plus intéressé.

 

« Il va porter la nouvelle d'une action, où il n'était pas, et dont il est sans doute chargé de parler fort en détail. Sa mission s'étend vraisemblablement plus loin encore. Il passe en France, sous prétexte de prendre les eaux de Barèges pour des douleurs à un bras : je crois qu'il en a besoin; mais je suis convaincu qu'on ne l'aurait pas laissé aller, cette année, sans quelques particulières raisons.

 

« Au surplus, monseigneur, c'est un offi­cier qui doit être suspect par ce que je viens de vous dire et parce qu'il a fait une fortune si rapide depuis huit ans, qu'on lui donne deux millions…  Regardez-le comme une des premières causes de la mauvaise administration de ce malheureux pays. Je vous ai dit qu'il était riche de deux millions : je n'ai osé dire quatre, quoique, d'après tout le public, je le pouvais. »

 

Après la reddition de Québec, M. Péan et sa femme passèrent en France. Ils espéraient, comme tant d'autres, pouvoir vivre à l'aise avec la belle fortune amassée au Canada. Le 13 novembre 1761, M. Péan était incarcéré à la Bastille, ainsi que Bigot et consorts. Pen­dant la détention qui allait durer trois ans, Mme Péan se montra fort dévouée. Elle réussit à fléchir le lieutenant-général de police, M. de Sartines, qui lui accorda l'autorisation de le visiter à son gré. Le 25 juin 1764, l'accusé était mis hors de cour, et cependant, « attendu les gains illégitimes par lui faits dans les différentes sociétés, dans lesquelles il était intéressé, il est condamné à restituer à Sa Majesté la somme de 600.000 livres et à garder prison au château de la Bastille, jusqu'à ladite restitution ». M. Péan avait de quoi payer sur-le-champ et se vit aussitôt élargir.

 

Tous deux se retirèrent dans la suite, dans la seigneurie d'Onzain, près de Blois (Loir-et-Cher), où ils vécurent comme des châtelains. Mais on dit que Madame soutint des dons de la charité les familles canadiennes, domiciliées dans les environs et retirées sans grandes ressources.

 

M: Péan mourut à Cangey (Indre-et-Loire) le 21 août 1782; et son épouseà Blois, en 1792, âgée de 70 ans. Ils eurent une fille, ap­pelée Angélique-Renée-Françoise, née à Qué­bec le 12 novembre 1751; le 5 septembre 1769, elle épousa le marquis de Marconnay, colonel d'infanterie, grand prévôt du Pas-de-Calais; elle décéda sans postérité en mars 1779.

 

Source : Louis LE JEUNE, «Michel-Jean-Hugues Péan», dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. II, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931,  829p., pp. 415-416.

 
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