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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
Jacques CartierPremier voyage au Canada
[Ce texte a été rédigé par Louis-Marie Le Jeune, o.m.i.; il fut publié dans son Dictionnaire en 1931. Pour la citation exacte, voir la fin du texte. Pour une courte biographie du Père Le Jeune et une discussion de la valeur de son Dictionnaire, voir ce texte .]
III. Premier voyage (1534). - L'entreprise a pour causes : les deux explorations de Verrazzano; « la liberté pour tous, dit François 1er en 1533, de voyager sur la mer commune »; la compétition des armateurs; la course des navigateurs européens vers les Indes occidentales; l'émulation commerciale, économique, coloniale des nations maritimes; la signature de la Paix des Dames ou Traité de Cambrai , qui met fin à la deuxième guerre de rivalité entre François 1er, et Charles-Quint (1526-29). C'est à l'amiral de France, Philippe de Chabot que Cartier adresse la supplique, où il expose le généreux dessein de reprendre la mission interrompue par la fin tragique de Verrazzano.
Le 31 octobre 1533, le roi agrée la proposition et se charge des frais sur son Trésor, « pour aller à certaines îles et pays où l'on dit qu'il doit se trouver grande quantité d'or ». Le 12 mars 1534, Sa Majesté ordonne de faire le versement de la subvention de 6,000 livres entre les mains de Jacques Cartier, « maître-pilote, capitaine de mer ès-port de Saint-Malo». Deux voiliers du port d'environ 60 tonneaux, et chacun de 61 hommes, sont inspectés par messire Charles de Moüy, seigneur de la Meilleraie, « qui prit les serments des capitaines, maîtres, compagnons, de se bien et loyalement comporter au service du roi, sous la charge de Cartier » : départ de Saint-Malo le 20 avril 1534.
La Première Relation de Cartier se peut résumer ainsi : le 10 mai, les vaisseaux touchent à Boneviste de Terre-Neuve, au havre Sainte-Catherine (Catarina , en espagnol); le 21, à l'Ile-aux-Oiseaux (Funk Island) que les matelots nomment apponats ou grands pingouins dont ils remplissent deux barques, ainsi que de godez et de margaux qui mordent comme des chiens; le 24, prise d'un ours blanc « ayant chair aussi bonne qu'une génisse de deux ans »; le 27, à la baie des Châteaux (Détroit Belle-Isle), à Karpont (Grand Kirpon), ensuite aux caps Rouge et Degrat, aux îles du Sacre, Sainte-Catherine (Schooner), Verte; aux havres des Buttes (Black Bay) et de la Baleine (Red), Blanc-Sablon, Brest. En juin, on entre, le 10, dans ce dernier pour faire eau et bois, pour y entendre la messe, le lendemain, franchissant Toutes-Iles (Eskimo, Old Fort, Dog Islands); au havre Saint-Antoine (Rocky Bay) et à celui de Saint-Servan (Lobster Bay), où l'on plante une croix en présence d'un grand navire de La Rochelle; à la rivière Saint-Jacques (Shebatica Bay) et au havre du même nom : « C'est la terre que Dieu donna à Caïn », où l'on rencontra les Sauvages de l'intérieur et l'on fit chanter la messe, le dimanche 14; quittant Brest, on aperçoit au Sud le cap Double (Pointe Riche ), les Monts des Granches (Saint John's Highland), le cap Pointu (Cow Head), la baie Saint-Julien, les caps Royal et de Latte, entrant dans une grande baie (Port-à-Port) ; du 19 au 30, on voit trois îles pleines d'oiseaux (Bird Rock), l'île Brion ainsi nommée en l'honneur de l'amiral de Chabot et la Grosse-Ile; puis l'île de terre rouge (Wolf), le cap Saint-Pierre et la pointe Alezay (Deadman); enfin le cap d'Orléans (Cape Kildare) en mémoire du duc de ce nom (dans l'île Prince-Edouard), la rivière des Barques (Cascumpèque Bay) et le cap des Sauvages (North Point).
Le 2 juillet, on distingue la terre au Nord (Nouveau-Brunswick), nommant une baie Saint-Lunaire , fêté en Bretagne le 1er; le cap du Nord (Escumenac ) et celui du Nord-Est (Miscou ) ; puis, on pénètre dans une grande baie (Baie des Chaleurs ), rangeant la terre (Port-Daniel ) et nommant la conche Saint-Martin, où l'on s'arrête douze jours : suit le récit d'incidents avec les Micmacs et de l'exploration en barques jusqu'à Matapedia: c'est le 8 juillet que Cartier appelle la baie Baie-de-Chaleur. Rendus à Gaspé, les Malouins se mettent en relation avec 200 à 300 Sauvages accourus de loin faire des échanges avec les pêcheurs d'Europe. Le 24, le capitaine malouin fait équarrir une croix de 30 pieds de haut et la plante sur la pointe de l'entrée (en face de Sandy Beach), sous le croisillon de laquelle il adapte un écusson en bosse à trois fleurs de lys, et dessus un écriteau en bois avec ces mots : Vive le Roi de France ! Elevée en l'air, tous s'agenouillent, les mains jointes, l'adorant devant les Sauvages à qui l'on fit signe, regardant la croix. Retournés aux navires, on vit venir le capitaine sauvage dans une barque avec ses trois fils et son frère, faisant aussitôt une harangue en montrant la croix de ses deux doigts et la terre comme lui appartenant; après quoi, on lui montre une hache pour sa peau d'ours noir, et il s'approche du bord d'où un matelot mit la main sur son canot pour le faire monter à bord : ce qui les étonne d'abord; mais on les traita de boire, de manger, de bonne chère. On leur montre que la croix avait été plantée comme marque et balise pour entrer dans le havre, et que l'on devait revenir bientôt; que l'on voulait emmener deux des fils qu'on habilla de chemises, de livrées, bonnets rouges et chaînettes de laiton au cou : on fit présent aux trois autres d'une hachette et de deux couteaux. Vers midi, le 24, six barques apportent du poisson en signe d'adieu, les hommes faisant plusieurs harangues.
Représentation par l'artiste Charles W. Simpson de Cartier faisant élever la croix à Gaspé
Ces Sauvages venaient de Stadacona (Québec) et n'étaient point des Micmacs gaspésiens. Le 25 juillet, les bateaux malouins appareillent vers une baie - entre Gaspé et Anticosti - où ils allèrent contourner l'île à un cap (South Point), à un second qu'on nomma Saint-Louis (Head Point), à un troisième appelé Montmorency (Table Head). Le 1er août, on double un autre cap (North Point d'Anticosti) pour franchir le détroit de Saint-Pierre-ès-Liens, passage au Nord de l'île, et ranger la côte du continent à Natashkawn , où l'on vit approcher en barques 12 Sauvages venant de la grande baie (Belle-Isle), « où était le capitaine Thiennot qui repartait avec ses navires chargés de poissons : on donna son nom au cap. Continuant leur marche, les voiliers entrent, le 9, au Blanc-Sablon, d'où ils repartent, le 15, après qu'on eut célébré la messe : tous les équipages décidèrent le retour à Saint-Malo qu'ils atteignent le 5 septembre 1534. - Suivent 52 mots sauvages.
Les résultats de l'expédition étaient tangibles : la reconnaissance, en 137 jours, du golfe Saint-Laurent; l'enthousiasme à Saint-Malo et à la Cour à la vue des deux Sauvages : la certitude de la mainmise de François 1er sur une colonie d'outre-mer; l'espoir fondé de nouvelles découvertes par une exploration plus ample et mieux organisée.
Retour à la page de la biographie de Jacques Cartier [On pourra consulter l'excellente biographie de Jacques Cartier au site du Dictionnaire biographique du Canada pour compléter et mettre à jour la biographie du père Le Jeune. On trouvera aussi des informations pertinentes au site de l'Encyclopédie du Canada. Les lecteurs ayant une bonne connaissance de l'anglais pourront consulter la biographie rédigée par Narcisse-Eutrope Dionne au site de la Catholic Encyclopedia.] Source : LE JEUNE, L., « Jacques Cartier », dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada , Vol. 1, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 862p., pp. 314-315.
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© 2004
Claude Bélanger, Marianopolis College |