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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
Samuel de ChamplainDixième voyage, 1620-1624
[Ce texte a été rédigé par Louis-Marie Le Jeune, o.m.i.; il fut publié dans son Dictionnaire en 1931. Pour la citation exacte, voir la fin du texte. Pour une courte biographie du Père Le Jeune et une discussion de la valeur de son Dictionnaire, voir ce texte.]
XIV. Dixième voyage (1620-24). - En dépit des engagements, les Associés enrichis, grâce à Champlain, n'expédient point de colons à la colonie. Leurs agents à Québec aigrissent les familles établies. Le fondateur finit par dénoncer à la Cour leurs agissements. De plus, Basques et Rochelais exercent la contrebande et la fraude. La Compagnie, qui appréhende la révocation de son monopole, écarte alors l'importun fondateur; en 1619, c'est Du Pont-Gravé qu'elle envoie seul faire la traite.
Sorti de prison le 20 octobre de cette année, Condé n'est rétabli dans la vice-royauté que pour la vendre au duc de Montmorency, amiral de France. Celui-ci a comme fondés de pouvoir les sieurs de Villemenon et Dolu qui devient l'intendant de ses intérêts au Canada. Son premier acte est de menacer les Associés du retrait de leur privilège; il institue aussitôt une enquête sur les lieux. Le duc continua à Champlain l'honneur de sa lieutenance, lui commandant de fortifier au mieux possible. Sa Majesté promit de donner armes et munitions de guerre pour la défense du fort et écrivit une lettre encourageante au fondateur, le 7 mai. Ce dernier, qui emmenait son épouse, prit la mer à Honfleur, le lendemain, accosta à Gaspé le 24 juin, à Tadoussac le 7 juillet, où se trouvait Eustache Boullé. A Québec, messe solennelle et lecture publique de la Commission du lieutenant : acclamations et salves de canon. Avec le peu d'ouvriers qu'il y avait, on commence le fort (Saint-Louis) sur la montagne qui commande sur le travers du fleuve. Les sieurs Du Pont et Deschênes descendent des Trois-Rivières, leurs barques chargées de pelleteries; mais la plupart des commis ne goûta point le changement de vice-roi et ses ordres. M. Du Pont se décida à repasser la mer, le 15 août, laissant Jean Caumont dit Le Mons comme garde-magasin. Champlain fit faire les réparations à l'habitation bien délabrée et aux maisons qui abritaient 60 personnes en tout.
Cette carte montre l'évolution de l'exploration de l'intérieur du continent. Les parties hachurées n'avaient pas encore été explorées en 1640. Tous les grands lacs, sauf le lac Érié, étaient connus à cette date. On notera le rôle important joué par Champlain dans l'exploration du continent.
L'effet prévu se réalisa, révocation du monopole, après six ans sur onze. M. Dolu fait alors choix des huguenots Guillaume De Caen et Emery, son neveu, négociants rouennais. Les émoluments de Champlain sont portés à 1,200 livres : il garde le commandement et la préséance dans l'habitation. Toutefois, la fusion de la Compagnie ancienne avec la nouvelle ne s'effectue qu'en 1622. Dans ces transactions Champlain fit preuve de modération et de bon sens, de tact et de jugement. Il initie à la culture les Sauvages des environs, ménageant la bonne entente entre Montagnais, Algonquins, Hurons. En 1623, 35 canots viennent trafiquer à Québec. Le 28 juin, on voit débarquer en rade le sous-commis Desdames, le Père Nicolas Viel, le Frère Sagard. Les échanges se font aussitôt au cap de la Victoire à l'embouchure de la rivière des Iroquois : le lieutenant y accorde le pardon au meurtrier des deux Français; treize interprètes et trois Récollets suivent les indigènes vers la Huronnie, le 2 août. Le reste de la saison est employé aux travaux du fort et « au petit chemin pour y monter avec facilité ».
Le 18 avril 1624, Champlain fait disposer tout le bois préparé pour le fort, afin de le pouvoir mettre en défense autant que possible. Deux jours après, un grand coup de vent enleva la couverture, plus de 30 pieds par dessus le rempart. Le 6 mai, on commença la maçonnerie du magasin du fort. Ici, il note avec joie la frondaison de chaque espèce d'arbres et la floraison des jardins. Le 2 juin, entre en rade le pilote Gascoin qui apporte des vivres. Enfin, le 10 juillet, paraît Guillaume De Caen. Les missionnaires et les canots sauvages descendent à la traite, qui a lieu aux Trois-Rivières et à Québec. Très satisfait des échanges, dont il est redevable aux antécédents de Champlain, le directeur De Caen visite l'île d'Orléans, le cap Tourmente, les îlots adjacents, qu'il reçoit en baronnie du duc de Montmorency : ce présent princier fait saillir au vif le désintéressement du lieutenant et la cupidité du nouveau directeur.
Le lieutenant résolut, la même année, de repasser en France avec sa famille, « ayant, dit-il, hiverné près de cinq ans, et étant assez mal secourus de rafraîchissements et d'autres choses, n'ayant pas de quoi remercier les Associés en cela; la courtoisie et le devoir les obligeaient d'avoir soin des personnes qui avaient égard à la conservation de la place et de leur bien, qui fussent morts faute de secours ». Laissant l'habitation bien avancée, les matériaux assemblés, il pria d'amasser autre chose pour achever le fort, jugeant bien que l'on n'en ferait rien, les De Caen n'ayant rien de si désagréable, bien que ce fût la conservation et la sûreté du pays. Le sieur De Caen laissa son neveu pour principal commis et commandant intérimaire avec 51 personnes. Les 18 août, on lève l'ancre à Tadoussac, on la mouille à Gaspé le 25, d'où on remet à la voile le 6 septembre pour débarquer le 4 octobre à Dieppe.
De là, Champlain gagne Paris, va entretenir le roi à Saint-Germain-en-Laye, ensuite le duc de Montmorency. « Celui-ci, avoue-t-il, pour plusieurs troubles, se défait de sa charge de vice-roi qui lui rompait la tête, la remettant au duc de Ventadour pour un certain prix, le tout sous le bon plaisir de Sa Majesté ».
Retour à la page de la biographie de Champlain [On pourra consulter l'abondante biographie de Champlain au site du Dictionnaire biographique du Canada pour compléter et mettre à jour la biographie du père Le Jeune. On trouvera aussi des informations pertinentes au site de l'Encyclopédie du Canada. Les lecteurs ayant une bonne connaissance de l'anglais pourront aussi consulter la biographie rédigée par Daughty à la Catholic Encyclopedia. Les lecteurs sérieux pourront consulter le texte intégral des Oeuvres de Champlain au site de la Société Champlain.] Source : LE JEUNE, L., « Champlain (Samuel de) », dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. 1, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 862p., pp. 354-355.
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© 2004
Claude Bélanger, Marianopolis College |