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Documents in Quebec History

 

Last revised:
19 February 2001


Documents sur l’affaire Yves Michaud / Documents on the Yves Michaud Affair

L’affaire Michaud : le loup et l’agneau

M.Lucien Bouchard

Premier Ministre du Québec

 Monsieur le Premier Ministre,

Comme j’aurais aimé que vous inversiez les mesures prises pour aller à l’encontre des propos de Yves Michaud : soit de remettre à plus tard l’appui à la motion de blâme et d’annoncer vos couleurs en tant chef du PQ sur la candidature de celui-ci dans Mercier plutôt que de remettre la décision de la candidature et de voter à la hâte la motion des Libéraux. Ainsi un simple citoyen n’aurait pas été condamné par l’Assemblée Nationale sans mûre réflexion et sans informations complètes pour des paroles anodines et par surcroît vraies.

Au lendemain de ce vote plusieurs Québécois se retrouvent dans la situation de l’agneau qui doit avouer une faute qu’il n’a pas commise parce que le loup cherche une excuse pour le manger. Je sais qu’il est dans l’ordre naturel que les plus forts gagnent, mais il est doux quelquefois d’entendre ceux qui ont le courage de dire la nature des choses et des gens. Or, les députés sont entrés dans le jeu du loup et ont dénoncé sans nuance leur frère pour plaire à un puissant groupe de pression qui a par trop l’humeur agacée en ces temps de troubles au Moyen-Orient. Vous remarquerez sûrement que je n’ose pas prononcer les mots interdits par la Kabbale pour désigner la cause première du scandale.

L’assemblée des députés a eu cette semaine la gâchette bien nerveuse pour tirer sans crier gare sur l’ennemi intérieur. Pourtant, je ne me souviens pas de motion de blâme pour stigmatiser les articles de Mordecai Richler dans des magazines étrangers ou canadiens peignant les Québécois francophones comme des gens arriérés, étroits d’esprit et mesquins. Non, il n’y a jamais eu de débat à l’Assemblée pour des propos nettement injustes et insultants de la part d’un Montréalais si intolérant qu’il en était malhonnête. Souvenons-nous aussi des nombreuses campagnes de B’naï Brith contre la Loi 101 et des « vêtements déchirés » sur la place publique comme aux meilleurs jours des Pharisiens. Vous-même avez été royalement insulté par des attaques vicieuses et trompeuses.

Parmi les hypothèses avancées pour expliquer le mors aux dents des 109 députés péquistes présents, une très forte présence pour la période, il y a celle du nettoyage dans les rangs du parti des éléments « pure laine ». Quelque chose comme un nettoyage ethnique, aurait dit René Lévesque. J’espère que ce n’est pas le cas et que vous saurez écarter cette explication aussi fortement que s’est exprimée votre réprobation de phrases qui ont évoqué les souffrances des Acadiens et des Palestiniens en les mettant sur le même pied que celles des Juifs d’Europe.

Au sujet de la comparaison qui a fait scandale au B’nai Brith et au Bunker, je ne crois pas que le nombre des victimes fasse une différence quand tout un peuple est condamné à disparaître. L’Holocauste fut un crime affreux qui nous est rappelé si souvent que nous ne pouvons pas l’oublier, mais il y a d’autres causes nationales qui méritent d’être respectées. Les martyrs juifs des camps nazis ne sont pas moins victimes parce qu’on pleure sur le sort que connaissent d’autres peuples visés par des actions de « solution finale ». D’ailleurs, un livre récent dénonce l’exploitation politique et commerciale de la Shoah… écrit par un Juif français qui a vécu longtemps en Israël; comme quoi le rôle de victime perpétuelle commence à peser sur certains membres de cette nation.

Je comprends que M. Michaud peut être dérangeant pour le ministre des Finances, souvent en négociation avec les banques et les milieux financiers de New York, et pour vous comme premier stratège de la cause souverainiste, mais ce n’est pas une raison pour l’exécuter en public sans même examiner s’il y a eu trahison. Après avoir entendu les réponses de Yves Michaud aux journalistes après la présentation de son mémoire aux États généraux sur la langue française, je conclue qu’il n’y avait pas là de quoi fouetter un chat. Au contraire, l’ex-député péquiste ne faisait que dégager certains faits que tout le monde connaît mais que personne n’ose mentionner. Alors que veut dire la « pressitude » des membres du P.Q. ? Quant à celle des Libéraux je la comprends facilement. Pour eux, il fallait battre le fer pendant qu’il était chaud. Cependant, pour vous et vos collègues, je déduis qu’il fallait battre votre frère alors qu’il était mi-chaud.

Avec mes plus humbles respects

Gilles Néron
Charlesbourg

Source: http://www.synapse.net/~imperatif/parole.html

Site accédé le 26 janvier, 2001.