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23 August 2000


Les Québécois, le clergé catholique et l'affaire des écoles du Manitoba / Quebecers, the Catholic Clergy and the Manitoba School Question, 1890-1916

Pétition des députés et sénateurs conservateurs à Mgr. Merry del Val [20 mai 1897]

[ Note de l'éditeur : Au cours de l'hiver 1897, le pape Léon XIII nomma Mgr Merry del Val délégué apostolique au Canada avec responsabilité spécifique d'enquêter sur le conflit entre l'épiscopat du Québec et le Parti libéral sur la question des écoles du Manitoba.

Au moment de sa nomination, Mgr. Merry del Val [1865-1930] n'avait que 32. Fils d'un noble espagnol et d'une mère anglaise, frère de l'ambassadeur de l'Espagne à Rome, anglais d'éducation mais parlant couramment le français, bardé de diplômes et ayant déjà rempli des missions importantes, Mgr Merry del Val arriva à Québec le 31 mars 1897 et resta au Canada jusqu'en juillet de la même année. Le légat papal, fin diplomate, en vint rapidement à la conclusion qu'il fallait mettre fin au conflit canadien et qu'on devrait accepter le règlement Laurier-Greenway, au moins comme un début de règlement, imparfait, mais qu'on pourrait améliorer par la suite. Tel était la façon de voir des libéraux fédéraux.

Il est à noter que, selon l'historien Robert Rumilly, Merry del Val était un ami d'enfance de Charles Russell, avocat londonnien, fils du juge-en-chef de l'Angleterre, et qui avait ses entrées à Rome. Lors de sa mission à Rome, à l'automne de 1896, Charles Fitzpatrick s'était adjoint Russell pour l'accompagner et lui ménager des entrées dans les chancelleries.]

À Son Excellence,

Mgr Merry del Val,

Délégué apostolique au Canada,

Excellence,

Les soussignés, membres du Parlement canadien, ont l'honneur d'exposer :

Que la question scolaire manitobaine a toujours été traitée devant le Parlement comme une question droit de constitutionnel, à la solution de laquelle sont intéressés les protestants autant que les catholiques;

Que la minorité catholique du Manitoba ayant à se plaindre de la législation provinciale de 1890, relativement aux écoles, appel fut porté de sa part devant l'exécutif fédéral, tel que prévu par la constitution;

Que l'exécutif fédéral, après avoir consulté le plus haut tribunal de l'Empire sur la nature de sa juridiction et sur les mérites de l'appel, a prononcé un jugement ordonnant à la législature du Manitoba de remédier aux griefs de la minorité;

Que la législature du Manitoba a refusé et persiste à refuser de remédier aux griefs dont se plaint la minorité catholique;

Que le devoir incombe au Parlement canadien de remédier lui-même à de tels griefs;

Que le gouvernement actuel, pour se soustraire aux devoirs qui lui incombent, est entré dans un compromis avec le gouvernement manitobain et qu'il s'en est suivi un règlement que la législature de Winnipeg a incorporé dans sa législation;

Que ce prétendu règlement ne remédie en rien aux griefs formulés et ne restitue aucunement à la minorité les droits qui lui ont été enlevés;

Que le gouvernement actuel, en cherchant à faire accepter ce règlement par les autorités ecclésiastiques, soit à titre d'essai, soit comme le seul règlement possible, tente, mais vainement, de soustraire au Parlement sa juridiction incontestable sur une question de droit constitutionnel;

Que la question scolaire manitobaine n'est en réalité qu'une question incidente, subordonnée à la question plus grave et plus étendue du maintien des droits des minorités en général et du respect aux pactes parlementaires tel que garantis par la constitution elle-même;

Que l'acceptation, même à titre d'essai, par les autorités ecclésiastiques, du règlement Laurier-Greenway, ne peut être une solution à la difficulté actuelle;

Qu'elle serait, au contraire, une complication dangereuse, n'engageant en rien l'élément protestant qui combat pour le maintien de la constitution, mais mettant en péril tous les droits que les catholiques des autres provinces ont pu acquérir, dans leurs provinces respectives, par une législation subséquente à leur entrée dans la Con fédération;

Les soussignés osent en conséquence espérer que les autorités ecclésiastiques voudront bien prendre en considération l'aspect constitutionnel de la question scolaire, et ne pas oublier que le parti conservateur, qui s'est constitué le défenseur des minorités, n'a jamais voulu et ne veut pas plus actuellement sacrifier un seul de leurs droits, parce que la moindre des concessions aujourd'hui ouvrirait toute grande la porte des concessions futures;

La justice demande qu'on exige, quel que soit le parti au pouvoir, le même respect pour les décisions judiciaires et pour les obligations imposées par la constitution, et qu'on réclame pour la minorité catholique tout ce que lui accorde un tribunal protestant et tout ce que veulent bien lui donner les protestants bien pensants du Dominion.

Ottawa, 20 mai 1897,

L.-R. Masson, sénateur, membre du Conseil privé; J. J. Ross, sénateur, membre du Conseil privé; Théodore Robitaille, sénateur, membre du Conseil privé; Adolphe-P. Caron, député, membre du Conseil privé; Hon. Costigan, député, membre du Conseil privé; C.-B. de Boucherville; Jos.-H. Bellerose; L-O. Arsenault; P.-A. de Blois; M. Adams; Wm. Hingston; Sullivan; A. MacDonald; J. O'Brien; J-F. Armand; Donald McMillan; Win. MacDonald; C.-E. Casgrain; Joseph Bolduc; T.-A. Bernier; Montplaisir; J.-O. Villeneuve; L . Forget; P. Landry, sénateurs; A.-H. Larivière; F.-D. Monk; F.-C. Dupont; Frs. Ant. Marcotte; J.-G.-H. Bergeron; L.-E. Dugas; Geo. McInerny; J. Clancy; A. Gillies; A.-C. MacDonald; J.-B. Morin; M. F. Quinn; M.-F. Boisvert; Th.-Ch. Casgrain; L.-A. Chauvin; H.-F. McDougall; députés.

Source : Robert Rumilly, Histoire de la province de Québec. Vol. 8, Laurier, 2ième édition, Montréal, Fides, 233p., pp. 173-175.

 

© 2000 Claude Bélanger, Marianopolis College