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Documents in Quebec History

 

Last revised:
20 August 2001


Documents sur la grève de l’amiante de 1949 / Documents on the 1949 Asbestos Strike

Lettre de Lewis H. Brown à la revue Relations(1)

Le Révérend Albert Plante,
1961, rue Rachel,
Montréal, Québec.

Le 17 juin 1949.

CHER RÉVÉREND PLANTE,

Dans le numéro de juin 1949 de la revue RELATIONS, un article par le Père Jacques Cousineau, s. J., sur « La Grève de l'Amiante » a été publié.

Dans son article le Père Cousineau mentionne l'amiantose et la situation sanitaire dans l'industrie de l'amiante.

Permettez-moi de vous mettre au courant de ce que la Canadian Johns-Manville a fait pour éliminer la poussière et pour protéger la santé de ceux qui habitent dans la région d'Asbestos. Il y a tendance à associer la ville d'Asbestos avec les régions de Thetford-Mines et East-Broughton où il y a aussi des gisements d'amiante. Mais la région de Thetford-Mines est à environ soixante-dix milles de la ville d'Asbestos. La Canadian Johns-Manville n'a aucun rapport avec la région minière de Thetford. Nous n'y exploitons aucune mine, usine ou fabrique.

Pour de nombreuses années, nous avons fait une étude approfondie de la situation sanitaire dans la communauté d'Asbestos et nous soumettons continuellement tous les employés de la Canadian Johns-Manville à des visites médicales minutieuses.

Depuis 1935, nous avons fait plus de 80,000 examens radioscopiques de notre personnel. Ces radiographies se trouvent dans les archives de l'hôpital et de la clinique maintenue par la Canadian Johns-Manville à Asbestos et sont aisément accessibles à toute autorité reconnue. Nous avons aussi dans notre clinique l'équipement le plus moderne pour faire des radioscopies.

Toute personne sollicitant du travail à la Canadian Johns-Manville est passée aux rayons X avant d'entrer en service, et, une fois par an, tout employé régulier de la compagnie est examiné au radioscope.

Dans la pensée publique, le problème de l'amiantose a été associé à celui de la tuberculose. En fait, il n'y a absolument aucun rapport entre les deux. La science médicale a dépensé beaucoup de temps, d'argent et d'effort pour l'étude de ce problème et l'opinion prépondérante de ces hommes de science est que l'amiantose n'est pas une cause de la tuberculose et n'a aucun rapport avec elle.

Le 25 mai 1949, le Daily Star de Montréal écrivait à ce sujet :

Il nous est possible d'approcher d'un peu plus près la situation réelle dans l'affaire d'Asbestos. Entre les années 1939 et 1949, 23 employés de la Johns-Manville Company y travaillant ont contracté la tuberculose. Ceci dans une force ouvrière qui a graduellement augmenté de 1,241 en 1939 à 2,440 en 1949. L'incidence a varié d'année en année sans augmenter avec l'accroissement du nombre d'employés. Il est par conséquent impossible d'établir une relation entre l'incidence de la tuberculose et les conditions prévalant à l'usine. Des 23 cas découverts, six ont été guéris et les personnes en question sont de retour au travail, deux sont morts, et deux autres cas actifs se promènent toujours par les rues. La conclusion semble inéluctable : la poussière d'amiante n'est pas un facteur dans l'incidence de la tuberculose. II est vrai que cette poussière cause l'amiantose et là où il y a des mines de roche dure (ce qui n'est pas le cas à Asbestos), elle peut aussi causer la silicose. Mais pendant les dernières cinquante années, les médecins ont découvert seulement deux cas d'amiantose à Asbestos.

C'est regrettable qu'il y ait, dans l'esprit du public, de la confusion sur la silicose et l'amiantose. La silicose est causée par l'inhalation constante de silice à l'état libre dans les carrières, fonderies et mines de roche dure. Notre mine à Asbestos n'est pas une mine de roche dure et, par conséquent, il n'y a pas de problème de silicose.

Selon le docteur Paul Parrot, démographe du ministère de la Santé de la province de Québec, la tuberculose n'est PAS la cause principale de mort dans la région minière d'Asbestos.

Le docteur Parrot cite les chiffres de mortalité pour l'année 1947, la dernière pour laquelle il y a des statistiques. Voici ses chiffres montrant les différentes causes de mortalité dans un nombre de centres urbains:

Asbestos: 5 décès causés par la tuberculose, 4 par le cancer et 13 par les maladies de coeur.

Valleyfield: 15 décès causés par la tuberculose, comparés à 19 causés par le cancer et 34 par les maladies de coeur.

Saint-Hyacinthe: 15 morts de tuberculose contre 37 de cancer et 63 de maladies de coeur.

Jonquière: 32 morts de tuberculose contre 9 de cancer et 14 de maladies de coeur.

La Canadian Johns-Manville a dépensé plus d'un million de dollars pour des mesures préventives contre la poussière et elle s'efforce constamment de réduire la poussière encore plus.

Les calculs faits à Asbestos par les autorités sanitaires sur le pourcentage de grains de poussière dans l'atmosphère montrent que dans une journée d'exploitation normale la poussière dans les rues soutient favorablement la comparaison avec le pourcentage de poussière dans d'autres régions industrielles du Canada.

Nous avons dépensé encore un million de dollars pour des hôpitaux, des cliniques industrielles et des programmes de sécurité; nous avons établi des systèmes de prévoyance sociale tels que les plans d'assurances collectives sur la vie, contre maladies et invalidités, contre les accidents et la pension de retraite; et ces mesures sociales ont toutes été établies dans l'intérêt d'améliorer la santé et augmenter le bien-être et la félicité collective de nos employés et de leur donner de la sécurité en cas de maladie et dans leur vieillesse. Et récemment, nous avons dépensé encore $150,000 pour un hôpital nouveau, ayant transféré notre vieil hôpital à la communauté à un prix nominal.

Veuillez trouver ci-jointe une copie de l'analyse sur la tuberculose dans la province de Québec faite par le docteur Parrot et aussi une copie de l'éditorial sur « Health Conditions in Asbestos Area » (Les conditions sanitaires dans la région d'Asbestos) publié le 25 mai 1949 dans le Daily Star de Montréal.

On pourrait trouver à redire à d'autres passages, phrases et références dans l'article du Père Cousineau, mais je me rends compte que cette lettre est déjà assez longue. J'espère qu'il vous sera possible de publier cette discussion pour clarifier les conceptions erronées et éclaircir les confusions qui pourraient avoir été créées dans l'esprit des lecteurs de RELATIONS sur la question de l'amiantose et de la tuberculose.

Je vous prie d'agréer, cher Révérend Plante, l'expression de ma considération distinguée.

Lewis H. BROWN,

Président du Conseil d'administration
de la Canadian Johns-Manville Company Ltd.

(1) La direction, en publiant cette communication, n'en approuve pas nécessairement la teneur. Elle veut seulement présenter à ses lecteurs un point de vue motivé. Seules les lettres signées sont prises en considération et elles devraient habituellement se limiter à quelque trois cents mots.

N. D. L. R. - Les lecteurs de RELATIONS apprécieront sans doute le fait que M. Brown ait tenu lui-même à leur dire ce que le service de publicité de la Canadian Johns-Manville a publié dans les principaux journaux de la province. Les faits rapportés n'infirment pas l'éditorial signé sur la grève de l'amiante paru dans le numéro de juin; ils prouvent qu'une compagnie d'amiante s'est éveillée au crucial problème de l'amiantose et qu'elle fait les choses en grand puisqu'elle est un géant de l'industrie.

Le texte appelle deux remarques: 1o l'affirmation qu'il n'y a « absolument aucun rapport » entre l'amiantose et la tuberculose parait trop catégorique; 2o ne doit-on pas trouver admirables tant d'efforts pour régler un problème, qu'on dit pratiquement inexistant ! Il n'y aurait eu, en effet, que deux cas d'amiantose d’ Asbestos dans les cinquante dernières années. Les autorités de la Compagnie ne seraient-elles pas convaincues, comme bien d'autres, que la constatation officielle de deux cas ne couvre pas nécessairement toute la complexe réalité!

Source : « Lettre de Lewis H. Brown au Père Albert Plante », dans Relations, août 1949, pp. 223-224. Certaines erreurs typographiques ont été corrigées. Je remercie la direction de la revue Relations qui a accepté que cette lettre soit reproduite au site d’histoire du Québec.

© 2001 Pour l’édition sur le web, Claude Bélanger, Marianopolis College