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Documents in Quebec History

 

Last revised:
20 August 2001


Documents sur la grève de l’amiante de 1949 / Documents on the 1949 Asbestos Strike

Lutte contre le Bill No 5

L’infâme Bill No 5 a été présenté à l’Assemblée législative à la séance d’ouverture de la session et, dès le début, a soulevé une tempête de protestations de la part du Travail organisé et d’autres organismes progressifs à cause de clauses vicieuses qui menaçaient l’existence du mouvement ouvrier.

Votre exécutif, dès qu’il eut reçu copie du Bill, convoqua ses conseillers juridiques et de concert avec eux entreprit une étude approfondie et objective du bill. Même au premier examen du Bill, il parut évident qu’il avait été préparé par des personnes apparemment dénuées de toute connaissance et de toute compréhension du problème des relations industrielles qu’affrontent le Travail et les employeurs et de toute considération des aspirations légitimes des ouvriers et ouvrières du Québec.

Aussitôt qu’il eut réalisé les implications néfastes du Code du travail proposé, votre Exécutif conçut et mit en branle un programme d’action. Il convoqua d’abord pour le lundi, 24 janvier, une conférence des représentants et agents d’affaires internationaux en vue d’étudier et de préparer une conférence d’urgence qui fut convoquée pour le 26 janvier.

En dépit du fait que la conférence d’urgence convoquée par télégramme ne donnait seulement que 72 heures à nos organisations affiliées pour envoyer des délégués, elle s’avéra toutefois un succès extraordinaire. Plus de trois cent-cinquante délégués participèrent à la conférence, tenue à la salle des charpentiers, à Montréal.

L’esclavage

Après avoir entendu le rapport des officiers sur les clauses dangereuses du Code du Travail, les délégués ne tardèrent pas à signifier bien clairement qu’ils préféraient combattre pour leurs droits que de vivre dans l’esclavage. Ils adoptèrent à l’unanimité les résolutions suivantes :

Qu’il soit résolu que cette conférence d’urgence de la Fédération provinciale du Travail du Québec exprime son opposition nette au Code du Travail comme étant une législation réactionnaire susceptible de susciter des activités subversives;

Qu’il soit aussi résolu que cette conférence d’urgence autorise l’exécutif à prendre toutes mesures jugées nécessaires pour empêcher l’adoption du bill; et

Qu’il soit enfin résolu que l’exécutif soit aussi autorisé à préparer pour être présenté au gouvernement, un Code du Travail renfermant les principes du droit d’association et de négociation collective; de la sécurité syndicale; du droit de grève; de la surveillance au lieu du contrôle par le gouvernement; et de la limitation des pouvoirs judiciaires de la Commission.

Il fut résolu à l’unanimité qu’un fonds de dépense de $100,000 soit consacré à empêcher ce bill de devenir Loi.

Il fut aussi résolu à l’unanimité qu’il faudrait former un front commun avec les Syndicats catholiques et le Congrès canadien du Travail et maintenir une étroite collaboration entre les exécutifs conjoints des ces organisations et celui de la Fédération provinciale du Travail du Québec afin d’adopter des mesures communes en vue d’empêcher l’adoption de cette législation subversive.

Le lendemain de la conférence d’urgence, la Commission permanente du Conseil supérieur du Travail s’est remise à Québec. Les représentants du Travail à la Commission, après avoir entendu les explications du ministre et du sous-ministre du Travail, refusèrent d’étudier le Code du Travail proposé et quittèrent la salle. La journée suivante les autres membres de la Commission, les employeurs, les sociologues et les économistes refusèrent aussi d’étudier le Bill No 5.

Cartel de défense

Peu après, les officiers exécutifs des trois principales organisations ouvrières de la Province se réunirent aux bureaux du secrétariat de la Fédération. De cette réunion naquit la Conférence conjointe du travail du Québec, mieux connue sous le nom de cartel. Les membres de cette conférence étaient Elphège Beaudoin et en son absence, Ph. Cutler et Marcel-E Francq, pour la Fédération provinciale du Travail, Gérard Picard et Jean Marchand pour la Confédération canadienne des travailleurs catholiques; et William Smith et Philippe Vaillancourt pour le Congrès canadien du Travail.

Le cartel s’est mis aussitôt à la tâche et a publié des communiqués à la presse, envoyé des télégrammes au gouvernement et aux organisations et personnes influentes. Il a organisé également des réunions et des émissions radiophoniques.

Pour assurer une étude approfondie et complète du Bill No 5, la Conférence conjointe a nommé un sous-comité chargé non seulement de préparer une critique du Bill No 5, mais aussi de jeter les bases d’un Code modèle du Travail en conformité avec les besoins et les aspirations des mouvements ouvriers. Ce sous-comité comprenait Marcel E. Francq et Me Marc Lapointe pour la Fédération; Gérard Picard et Me Théodore Lespérance pour les Syndicats; et Philippe Vaillancourt et Me Jacques Perreault pour le Congrès canadien du Travail. De plus, Me Jack Spector, C.R., servit de conseiller dans le travail de ce comité.

En garde

En dépit de l’activité intensive du cartel, la Fédération s’affaira à la préparation d’une vaste campagne au sein même de ses organisations affiliées. Vos officiers exécutifs, réalisant fort bien qu’il pourrait s’agir en l’occurrence d’une campagne à longue portée, en décidèrent de s’assurer le concours de quelques-uns des hommes les plus en vue du mouvement, constituant ainsi un comité consultatif pour la Fédération. Ce comité consultatif fut formé de quinze membres divisés en cinq sous-comités : finance, publicité, assemblées, recherches et éducation, action politique.

En fait, lorsque subitement le gouvernement provincial retira le bill No 5 du feuilleton de l’Assemblée législative, la Fédération était prête à déclencher une attaque vigoureuse et soutenue contre cette législation néfaste. Déjà était prêt pour publication un journal intitulé En garde; on avait préparé des émissions radiophoniques et tenu des réunions publiques à Valleyfield, St. Jérome et Montréal; d’autres assemblées devaient avait lieu sous peu.

Vu les déclarations faites sur le parquet de la chambre par le premier ministre Duplessis, l’honorable Antonio Barrette et d’autres ministres, à l’effet que les mouvements ouvriers n’avaient pas étudié le bill avant de le condamner, votre exécutif croit de son devoir de souligner fortement la fausseté catégorique de ces déclarations. Le Bill No 5 était nettement anti-ouvrier et contraire aux meilleurs intérêts des ouvriers et ouvrières de cette province.

 

Source : « Lutte contre le Bill No 5 », Le Canada, le 11 mai 1949, p. 4. Cet article reproduit un article ayant paru originellement dans Le Monde Ouvrier. Des erreurs typographiques mineures ont été corrigées. Certains éléments du texte ont été reformatés.

© 2001 Claude Bélanger, Marianopolis College