Last
revised: |
L'AMIANTOSE M. G.-O. Poulin, député de Beauce, s’explique auprès d’un électeur sur East-Broughton M. Rosaire Fortier lui demande s'il interviendra au cours de la session -- M. Poulin se défend d'être un ami des grosses compagnies, mais affirme qu'il « faut tout de même être prudent » ---M. Le Doux et son gouvernement (? ? ?) auraient dû régler la question depuis quarante ans --- « Quand l'on sait ce qui s'est passé à Saint-Remi d'Amherst » QUESTIONS DU DEVOIR À M. G.-0. POULIN Un citoyen d'East-Broughton, M. Rosaire Fortier, écrit à son député provincial M. Georges-Octave Poulin, pour lui demander d'intervenir à l'Assemblée législative en faveur de ses électeurs. M. Poulin lui répond qu'il s'occupe de l'affaire depuis deux ans, qu'il fera tout son possible, mais qu'il faut être prudent. Voici le texte des lettres échangées : Lettre de M. Rosaire Fortier M. G.-0. Poulin,
M.P., 18 janvier 1949. Monsieur, Vous avez dû lire le Devoir du 12 janvier et du 15 vous donnant à vous, et à toute la province, le fameux scandale qui se produit depuis nombre d'années, à East Broughton, comté de Beauce. Je vous écris car je sais la misère et les souffrances qu'ont les gens qui y demeurent et qui sont obligés de vivre dans la poussière d'amiante, car j'en suis une victime. Je tiens à savoir dans le plus bref délai possible quelle attitude, comme député du comté, vous allez prendre à la session qui s'ouvre cette semaine, car plusieurs de vos électeurs d'East Broughton sont aussi anxieux que moi. Ils ont bien hâte que leur sort s'améliore. En homme consciencieux que vous êtes, j'espère que vous nous donnerez des résultats immédiats. Encore une fois, une réponse sous peu. Un électeur de la Beauce, (Signé) Rosaire FORTIER.
Réponse de M. Poulin Québec, le 25 janvier 19 49. M. Rosaire Fortier, Monsieur, J'accuse réception de votre lettre du 18 janvier faisant allusion aux articles de Monsieur Burton LeDoux, parus dans le journal Le Devoir au sujet de la poussière d'amiante à East Broughton. En effet, j'ai pris connaissance de ces articles et je me suis demandé comment il se faisait que ce monsieur, ainsi que celui d'East Broughton, qui semblent vouloir blâmer le gouvernement actuel de ne pas avoir encore réglé ce problème, ne l'ont-ils pas réglé eux-mêmes du temps que leur gouvernement était au pouvoir, car il ne faut pas oublier que cette poussière existait, il y a quarante ans; ces gens-là n'ont rien fait pendant qu'ils étaient au pouvoir et aujourd’hui ils exigent que le gouvernement actuel règle tous les problèmes à la fois. Pour ma part, ça fait deux ans que je m'occupe de cette affaire, sans beaucoup de succès apparents, si vous voulez, mais je crois tout de même que l'idée fait son chemin. Vous admettrez avec moi que c'est une question délicate à régler, surtout quand l'on sait ce qui s'est passé à St-Rémi d'Amherst. Ceux qui me connaissent réellement savent que je ne suis pas le protecteur des trusts ni des grosses compagnies mais il faut tout de même être prudent. Soyez assuré que j'ai toujours fait tout mon possible pour régler les problèmes qui intéressent les électeurs de la Beauce et je me propose bien d'y mettre autant d'ardeur dans l'avenir; soyez assuré de plus, que je suis très anxieux de débarrasser les ouvriers et les villageois d'East Broughton de cette détestable poussière. Votre bien dévoué, (Signé) G.-O. POULIN, M.A.L., Député Beauce, NOTE DE LA RÉDACTION. —Nous voulons croire que M. Poulin fait et continuera de faire son possible pour enrayer la poussière à East Broughton. II reconnaît lui-même que c'est « sans beaucoup de succès apparents ». Disons plutôt qu'à date c'est sans le moindre succès. M. Poulin paraît cependant un peu perdu. Ne voilà-t-il pas qu'il blâme « ce monsieur » LeDoux et un autre personnage qu'il ne nomme pas, de n'avoir pas réglé le problème quand « leur » gouvernement était au pouvoir ? M. Poulin vaudrait-il nous expliquer comment un Franco-Américain, qui habite New-York et n'a jamais été mêlé à la politique canadienne, aurait pu « régler » le problème depuis... quarante ans ? En fait, M. LeDoux paraît en train d'améliorer la situation aujourd'hui : simplement en révélant au public un état de choses odieux que le gouvernement Duplessis connaît depuis 1944 ! La vraie accusation Personne ne reproche au gouvernement de ne pas régler tous les problèmes, alors que depuis quarante ans... etc. (Voir l'antienne électorale de M. Duplessis) Mais tous les indépendants condamnent un ministère d'esquiver une question qui signifie la mort ou la maladie pour des centaines d'êtres humains, quand il la connaît depuis bientôt cinq ans. Mais tous les indépendants condamnent un ministère de n'avoir pas sévi à Saint-Rémi d'Amherst, à propos d'une usine où « sept expertises » avaient été effectuées, toujours suivies de « recommandations sévères » et même d'une condamnation. Mais tous les indépendants attendent avec impatience la déclaration promise il y a 297 jours par M. Antonio Barrette, ministre du Travail, et qui devait éclairer tout le problème. « Question délicate » M. Poulin écrit en outre : Vous admettrez avec moi que c'est une question délicate à régler, surtout quand l'on sait ce qui s'est passé à Saint-Rémi d'Amherst. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas le protecteur des trusts, ni des grosses compagnies, mais il faut tout de même être prudent. Qu'est-ce qui embarrasse M. Poulin ? Pour quoi éprouve-t-il le besoin d'écrire qu'il faut être prudent ? Prudent vis-à-vis les trusts et les grosses compagnies ? Et cela « à cause de ce qui s'est passé à Saint-Rémi d'Amherst » ? Mais que s'est-il passé au juste à Saint-Rémi d'Amherst, que le public ne connaît pas et que le député provincial de Beauce paraît savoir ? A-t-il à ce sujet des révélations à faire ? Les colonnes de ce journal lui sont ouvertes : car nous savons que sur un pareil sujet la presse de son parti ne publierait rien. Nous voulons faire la lumière. Si M. Poulin consent à parler plus que M. Barrette, le Dr Paquette et M. Duplessis,nous publierons avec joie tout renseignement sérieux sur « ce qui s'est passé à Saint-Rémi ».
En attendant, les électeurs de Beauce paraissent désirer que leur député intervienne carrément en leur faveur, durant la présente session. C'est un désir légitime. Nous aussi nous avons hâte d'entendre un honnête homme dire la vérité. Source : « M. G.-O. Poulin, député de Beauce, s’explique auprès d’un électeur sur East-Broughton », Le Devoir, 11 février 1949, p. 3. © 2001 Claude Bélanger, Marianopolis College |