Quebec History Marianopolis College


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Documents de l’histoire du Québec / Quebec History Documents

Assemblées des Jeune-Canada

Compte-rendu de l'assemblée des Jeune-Canada

à Rosemont, le 19 février 1934.

 

M. Paul Guillet, notaire, président des « Patriotes » de Rosemont et président du comité du Devoir de la paroisse Sainte-Philomène de Rosemont, s'est joint aux quatre Jeune-Canada hier soir et a prêché avec eux l'évangile de la justice et de la charité sociales. Après avoir fait un vigoureux appel en faveur du Devoir, l'organe des « Patriotes » de Rosemont et le seul défenseur quotidien de la race contre les trusts et contre les étrangers, il a présenté aux citoyens de la partie nord-est de la ville les quatre chevaliers de la lutte contre les trusts de l'électricité et de la gazoline, en particulier MM. Pierre Dagenais, G. Étien­ne Cartier, Paul Simard et André Laurendeau. Ces jeunes gens reflètent l'âme de la race, dit-il. Un seul journal les a secondés, c'est le Devoir. Qu'ils continuent à prêcher l'évangile de la restauration sociale, qu'ils délivrent le Canada de la   captivité des trustards, des pirates de la finance, des vautours de l'argent. Qu'ils mangent du trust et qu'ils en fassent manger :   Cessons d'être des rouges et des bleus et devenons des blancs, comme les lis de notre ancien drapeau.

 

Le trust de l'électricité

 

Depuis quelques années, dit M. Guillet, j'ai recueilli quelques documents sur le trust de l'électricité. Il se met alors à les repasser un à un en les commentant de façon pittoresque. Il cite l'encyclique Quadragesimo Anno , il cite une conférence du Dr Philippe Hamel, il cite un discours de M. Henri Bourassa, député de Labelle aux Communes, etc., montrant que le trust de l'électricité existe et qu'il étend de plus en plus ses tentacules et en­serre le peuple. Il se demande comment il se fait que Toronto paie en moyenne $10 seulement par lampe dans ses rues, quand nous payons à Montréal $57 et même en certains cas $90. Les compteurs de la Montréal Light, Heat & P. sont payés depuis des années et des années. La compagnie nous les fait payer encore. Et M. Guillet continue à dénoncer des excès de ce genre et à montrer les audaces du trust.

 

Le « patriote » notaire de Rosemont termine en déclarant que les Canadiens français sont peut-être des scieurs de bois mais qu'ils ne sont pas des porteurs d'eau. Les porteurs d'eau sont les trustards, les hommes d'argent qui ont mouillé et mouillé les stocks.

 

A quelques variantes près, les Jeune-Canada ont prononcé les mêmes discours qu'à Sainte-Clotilde et à Saint-Vincent-Ferrier ainsi qu'au Gesù en novembre. Revenons toutefois sur certains points.

 

M. Dagenais

 

M. Pierre Dagenais fait observer que les Jeune-Canada ont déjà fait plusieurs autres luttes que celles entreprises contre les trusts cette année. Leur principal but est de réveiller la conscience nationale, de tirer les Canadiens français de leur léthargie. Nous sommes en train de devenir un peuple de serviteurs. Il faut réagir, il faut avoir confiance en nous-mêmes, il faut avoir l'ambition de garder ici le rang de premier occupant, le premier rang.

 

M. Cartier

M. Georges-Étienne Cartier montre les ruines causées par la folle spéculation de 1929 qui a abouti à la crise retentissante que nous traversons. Il rencontre au passage les ombres de Morgan, d'Insull, de Kreuger, de Stavisky, de sir Her­bert HoIt, etc. Puis M. Cartier enfonce le clou, comme dans les autres salles où il a parlé, sur la réduction des taux d'électricité qui s'impose. Il compare les taux de la province de Québec avec ceux de la Province d'Ontario, montre l'avantage de ces derniers, regrette que la Commission des services publics n'ait pas le budget voulu pour faire les enquêtes qui permettraient ensuite d'épargner de l'argent au peuple, s'arrête à faire voir que les compagnies, privées songeant d'abord et avant tout aux bénéfices immédiats ne s'occupent pas d'électrifier les campagnes. Et l'on voit, une compagnie comme la M. L. H. & P. oser demander à Ottawa une exemption de paiement d'impôt sur le revenu sous prétexte de diminuer les taux. Ce n'est pas une exemption qu'il faut, mais un lavage en règle au savon du pays. Si cela continue, le peuple montrera les dents.

 

M. Paul Simard

 

M. Paul Simard appuie de nouveau sur la protection particulière accordée par le gouvernement fédéral au trust de la gazoline. Cette protection est si grande qu'elle supprime toute concurrence non seulement pour le présent mais pour l'avenir. Le gouvernement fédéral a empêché les Canadiens d'impo­ter de la gazoline roumaine, par exemple, qui aurait pu se vendre ici 18 cents le gallon; il a imposé un droit, de 9 cents par gallon. Par le fait même, elle devrait se vendre aussi cher que celle de l'Imperial OiI, de la Shell OiI, etc. Le gouvernement aurait dû faire restituer aussi à la Shell OiI l'argent qu'elle ne lui a pas versé pendant un assez longtemps. Le gouvernement lui a accordé quand même l'autorisation de construire deux nouvelles raffineries canadiennes. Les grandes compagnies d'huile au Canada ont une entente secrète pour maintenir leurs prix.

 

Le trust de la gazoline voulait même contrôler à Montréal les postes de ravitaillement. Le règlement municipal, adopté en deuxième lecture, a été ajourné. On ne sait plus ce qu'il en adviendra. Le meilleur moyen d'en finir avec les trusts, c'est de commencer par élire honnêtement des hommes honnêtes. Si vous vendez votre vote, pouvez-vous reprocher à votre député, à votre échevin d'avoir vendu le sien par la suite ?

 

M. Laurendeau

 

M. André Laurendeau a accusé l'autorité légitime de ne pas inter­venir pour faire taire les communistes, ces propagandistes du désordre social. Bien plus, elle demande la tête, par la plume de l'un de ses journalistes à gages, des citoyens qui ont le cran de dénoncer cette propagande, cette offensive des communistes. Les premiers coupables en tout cela sont les politiciens tarés, les trustards, les dictateurs de l'argent. A Cuba, la dictature économique a abouti à la révolution sociale. Le Devoir en a tiré, dans un article magnifique, les terribles leçons. Les fauteux de révolution, ce sont les capitalistes sans vergogne, et pas nous.

 

Le jeune conférencier montre ensuite que la houille blanche de la province, la pulpe et le papier sont aux mains d'étrangers, comme d'ailleurs les actions des grandes compagnies d'huile. Il résulte de cela que nous portons au front le stigmate du vaincu, du conquis, du serviteur, de l'asservi, de l'esclave. Nos compatriotes travaillent pour les trustards, mais doivent se taire pour conserver leur emploi. Les journaux sont muselés de même. Seul le Devoir ose élever la voix, mais à ses dépens. On nous a dit de ne pas faire de politique sous le couvert de la religion. Nous répondons: « Ne faites pas d'anticléricalisme sous le cou­vert de la politique ». Car l'anticléricalisme relève la tête dans ce pays, où les mangeurs de curés n'ont pas cessé d'exister, mais où personne - y   compris eux-mêmes - ne les prenait au sérieux. La crise a changé cela. Il y a en ce moment des êtres pervers ou bigleux qui utilisent à leur bénéfice cette vieille forme renaissante du crétinisme humain. Et parmi ceux qui se plaignent le plus sauvagement - de la démagogie - des politiciens et des chefs ouvriers, il en est qui usent et abusent du mensonge camouflé. Ceux qui profitent des circonstances présentes pour miner l'influence du clergé et pour soulever contre lui des vieilles rancunes   individuelles, ceux-là s'emploient à une besogne sordide, dont nous voulons croire qu'ils ne mesurent pas toute la portée. Toutes les formes de démagogie sont détestables, mais la pire, c'est l'anticléricalisme.

 

M. Laurendeau passe ensuite à la solidarité nationale dans le domaine commercial : l'achat chez les nôtres. Il demande aussi aux marchands de bien servir les nôtres. Il signale le peu d'influence que nous avons à Ottawa présentement, mais il termine par une note d'encouragement.

 

M. Guillet remercie

MM. J. Aubry, J. Labelle et J. E. Picard présidaient l'assemblée. Les discours des Jeune-Canada ont soulevé plusieurs salves d'applaudissements. Après les derniers discours l'un des présidents a fait observer qu'il n'était pas capable de faire assez de compliments aux orateurs et il a prié M. Guillet de les remercier, ce dont il s'acquitta tout à fait bien.

 

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Source : Compte-rendu publié dans Le Devoir, le 20 février 1934, p.8. Article transcrit par Nicolas Tran. Révision par Claude Bélanger.

 

 

 

 

 
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