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Last revised:
23 August 2000


Controversy Surrounding the Use of the French Language at the Eucharistic Congress of Montreal [1910]

En quelles circonstances Bourassa a parlé
OMER HEROUX

Le Devoir publie, en ce numéro même le texte du discours prononcé en l'église Notre-Dame de Montréal, à l'occasion du Congrès eucharistique international de 1910, à la fin de l'inoubliable soirée du samedi 10 septembre.

Cela s'imposait, du moment que l'on voulait évoquer les grandes campagnes, à la fois religieuses et patriotiques, menées par le journal et son fondateur.

Car ce discours reste la plus haute, la plus fameuse, la plus retentissante expression aussi de l'esprit qui les animait.

Mais, chose singulière, ce discours de Notre-Dame, passé à l'état de légende, dont les auditeurs survivants ne parlent encore qu'avec un profond émoi, est beaucoup plus célèbre que réellement connu.

Ce que l'on ignore

Pour combien de gens ne se résume-t-il pas simplement en une dramatique et rapide passe d'armes, à propos de la question de langue, entre l'éminent archevêque de Westminster, Mgr Bourne, et le fondateur du Devoir?

Or, en fait, ce fut bien autre chose. Le texte que nous reproduisons aujourd'hui le rappelle éloquemment. On y verra que la partie langue et religion n'en couvre que la moitié. Avant de l'aborder. M Bourassa avait taillé en pleine chair vive, pourrait-on dire, au plus sensible des préoccupations d'alors.

Il avait, particulièrement, réclamé la création de cette organisation syndicale catholique, à laquelle il devait plus tard apporter un si puissant et si dévoué concours. Il avait vigoureusement mis en garde ses auditeurs contre le danger de l'infiltration dans tel ou tel secteur de l'enseignement du neutralisme religieux. Il avait affirmé, avec une ardeur à laquelle son propre passé donnait une singulière éloquence, le droit et le devoir de notre province de réclamer la plénitude des droits des minorités catholiques dans toutes les provinces protestantes de la Confédération.

Et c'est ce qui lui valut, non pas la première, mais l'une des plus grandes ovations qui devaient tant de fois se renouveler pendant la dernière partie de son discours. Ce n'est qu'après cela qu'il aborda la question de langue.

Il n’était peut-être pas mauvais que, l'occasion s'y prêtant, on le rappelât.

Les procédés oratoires de M. Bourassa

On a écrit qu'au début de son discours, M. Bourassa, ostensiblement, mit de côté le texte qu'il avait préparé, pour commencer sa réplique à Mgr Bourne. Cela fait très dramatique, mais nous n'avons pas souvenir que les choses se soient ainsi passées.

Il est évident, même s'il eut été, en tout état de cause, décidé à poser ce soir-là la question de langue que M. Bourassa dût improviser, dans la forme tout au moins, la finale de son discours; mais cela ne lui fit point sacrifier le reste.

Du reste, nous doutons fort que le grand orateur eût écrit son discours. Cela n'était pas dans sa manière, et il existe très peu de discours qu'il ait écrits avant de les prononcer. Son procédé habituel, dans les circonstances les plus graves même était autre: il méditait profondément sa matière, il traçait du discours projeté un schéma très méthodique, souvent aussi très détaillé: sa feuille de route, comme il disait. Pour le reste, il se fiait à sa facilité d'improvisation, qui lui permettait d'utiliser les faits imprévus, les incidents de circonstance.

Toute la première partie du discours de Notre-Dame révèle cette méthode, atteste cette tournure d'esprit. On y voit l'auteur faisant allusion aux allocutions prononcées la veille et le soir même par d'autres orateurs.

L'atmosphère et les circonstances

Au fond, c'est toute une étude qu'il faudrait consacrer à la dernière partie du discours de Notre Dame, à celle qui a laissé dans les mémoires un si profond souvenir, et dont le retentissement fut tellement extraordinaire. Pour expliquer ce qui s'est passé ce soir-là dans la vieille église montréalaise, il faudrait analyser à fond les circonstances et l'état d'esprit qui, seuls, le rendirent possible.

Nous n'avons ni le temps ni la compétence qu'il y faudrait. Bien plus, nous sommes contraint d'écrire ceci au cours d'une convalescence qui est loin d'être achevée. Mais, peut-être, pour incomplètes qu'elles soient, ces notes d'un témoin, qui tâche de se souvenir fidèlement, offriront-elles quelque intérêt.

Nous les donnons pour ce qu'elles valent, tout simplement.

Nous n'ajouterons, ici, que deux mots. M. Bourassa est entré à Notre-Dame ignorant, comme tout le monde ou à peu près, ce qu'y dirait l'archevêque de Westminster et avec une grande admiration personnelle - qui transparaît à travers sa fameuse réplique même -, pour l'éminent prélat.

Il arrivait là en apologiste peut être, sûrement pas en gladiateur.

Intervention soigneusement préparée

Du côté Bourne, si l'on ose dire , - mais le vénérable archevêque de Westminster fut-il, en cette affaire, autre chose qu'un instrument de grande classe, entraîné et manœuvré par d'autres? - l'attaque avait été soigneusement organisée. Nous le tenons de Mgr Bourne lui-même.

Dans l'entrevue, qu'à sa demande, il eut avec M. Bourassa, au lendemain du discours de Notre Dame (l'archevêque s'était fait accompagner de son secrétaire, Mgr Jackman, et j'accompagnais M. Bourassa), il s'expliqua là-dessus en termes très nets: Tous les mots de ce discours ont été soigneusement pesés, nous dit-il. Il ne nous laissa point ignorer non plus que le texte, imprimé ou miméographié, nous l'ignorons, et remis par l'orateur au Légat, au moment où il se dirigeait vers la tribune, avait été préalablement vu par d'autres et qu'on avait prévu qu'il pourrait provoquer quelque émoi.

They told me, précisa-t-il, (nous ne nous rappelons point exactement les quelques mots qui suivirent, mais ils faisaient sûrement allusion à ce contrecoup possible) but that the after results would be so beneficient that it was worthwhile. Ainsi ces conseillers, ou ces incitateurs, avaient bien prévu que les paroles de l'archevêque pourraient susciter quelque commotion, mais ils croyaient que les résultats subséquents seraient si bienfaisants que le risque en valait la peine.

Nos souvenirs ne nous permettent malheureusement point de préciser si ce they visait les personnages d'Amérique ou d'outre-Atlantique (peut-être de l'un et de l'autre côté de l'océan), car Mgr de Westminster ne s'était pas directement rendu de son archevêché à l'église Notre-Dame: il avait eu le temps de prendre de ce côté-ci de l'Atlantique des contacts particuliers.

C'est un point que pourront essayer d'éclaircir les historiens, et qui ne manquerait pas d'intérêt.

Publicité méthodiquement organisée

En tout cas, le discours avait été soigneusement préparé et l'on avait prévu une partie, tout au moins, de son retentissement possible.

Autre fait, facilement vérifiable et qui montre que des dispositions avaient été prises pour assurer aux paroles de l'archevêque de Westminster un très vaste retentissement.

C'est le samedi soir qu'eut lieu la réunion de Notre-Dame. La Gazette de Montréal ne pouvait en parler que le lundi suivant et elle devait, en même temps, raconter tout ce qui s'était passé le samedi et le dimanche. Or, l'on n'a qu'à se reporter à ce numéro du lundi matin, pour constater que le discours de M. Bourassa n'y tient qu'un assez bref espace, dans un vaste compte rendu d'ensemble, tandis que celui de Mgr Bourne y est publié à part, intégralement, avec des titres spéciaux, en place particulièrement visible.

Et nous tenons de Mgr Georges Gauthier, qui était secrétaire du Congrès qu'aux bureaux de celui-ci on reçut quelque soixante-quinze textes de ce genre.

L'on n'avait à peu près rien négligé pour assurer à cette manifestation, faite dans un milieu aux neuf dixièmes français, le retentissement maximum.

L'on paraissait avoir à peu près tout prévu, sauf la riposte de M. Bourassa.

La réaction de M. Chapais et celle des trois évêques

Mais il faut ajouter, pour fixer l'atmosphère de pareilles heures que cette riposte faillit d'abord être celle de M. Chapais. Celui-ci devait parler immédiatement - ou presque aussitôt - après Mgr Bourne: il avait préparé un discours fort éloquent, où il avait mis le meilleur de sa science et de son talent. Or, il faillit écarter ce discours pour répondre, sur-le-champ, à l'archevêque de Westminster.

Nous le tenons de lui-même. Il ne recula - il lui fallait se décider très vite - que devant la crainte de provoquer d'excessives manifestations.

Mais que pareille tentation ait assailli un homme que l'on ne pouvait sûrement qualifier de tête chaude, qu'il ne l'ait rejetée qu'après une certaine hésitation suffit à marquer l'effet produit sur les auditeurs immédiats de Mgr de Westminster, ainsi que l'état d'esprit des plus sages et des plus modérés parmi eux et le sens qu'ils attribuèrent au discours de l'illustre prélat.

Mgr Bourne, encore que, ancien élève de Saint-Sulpice de Paris, il dût connaître fort convenablement le français, s'exprima tout naturellement dans sa langue maternelle. Il lisait son texte d'une à voix plutôt basse, qui ne paraissait chercher aucun effet. Le sens exact, la portée possible de ce discours durent même échapper à une assez forte partie de l'auditoire. Mais, dans le voisinage de l'orateur, on fut tôt frappé de ce qu'enfermait, en réalité, d'explosif, ce texte d'allure si calme, dont tous les mots avaient été soigneusement pesés. Nous venons de signaler la réaction de M. Chapais. Nous noterons tout de suite celles, non moins et peut-être plus caractéristiques encore, de NN. SS. Langevin, Larocque et Latulipe, celle de M. Bourassa lui-même.

"II ne faut pas que cela reste là !"

Mgr Langevin était dans le choeur, à la première rangée, séparé par M. Jules Allard, alors ministre provincial, de M. Bourassa, qui avait lui-même pour voisin de gauche Pierre Gerlier, le futur cardinal-archevêque de Lyon, alors l'une des hautes espérances du Barreau de Paris. Mgr Larocque était dans la seconde rangée, derrière M. Bourassa et, comme il était un peu dur d'oreille, il se penchait pour suivre le mieux possible les orateurs. Mgr Latulipe était très près de son collègue de Sherbrooke.

A un moment donné, M. Bourassa, soudainement alerté, expliquait à son voisin de gauche, auquel il traduisait la substance des discours anglais: Il faut m'excuser, il faut maintenant que je suive de très près ce qui se dit. En même temps, Mgr Larocque, la main en cornet autour de l'oreille, s'exclamait: Mais qu'est-ce qu'il dit? et Mgr Langevin, se tournant vers son vieil ami Bourassa, lui jetait par-dessus la tête de M. Allard: Vous n'allez pas laisser cela, là, Bourassa. Très calme, mais les traits un peu tendus, M. Bourassa répondait, sans bouger: Non, Monseigneur, cela ne restera pas là, tandis que Mgr Latulipe, qui avait entendu le bref dialogue, ajoutait de sa voix lente, grave et ferme: Il ne faut pas que cela reste là.

La réaction de ces évêques, tous trois hommes d'âge et d'expérience, tous trois familiers avec les milieux anglophones, était, au fond, aussi significative, aussi tragiquement éloquente, que devait l'être une heure plus tard l'inoubliable manifestation de l'auditoire.

Sans Mgr Bourne, la question eut-elle été posée?

Beaucoup se sont demandé si, sans l'intervention de Mgr Bourne, le grave et brûlant problème qu'il y posa eût été porté à Notre-Dame. Nous confessons n'en rien savoir et n'avoir jamais osé interroger à ce sujet, bien que nous eussions, en ce temps-là, l'occasion de le voir presque quotidiennement, et de causer longuement avec lui, l'homme qui devait apporter au vénérable archevêque de Westminster la réplique qui fait aujourd'hui partie de l'histoire religieuse de notre pays.

Visiblement, M. Bourassa n'aimait point qu'on lui parlât de cette soirée où il avait été acclamé comme nul, en des circonstances analogues, ne le fut probablement jamais chez nous.

Outre qu'il n'est point de ces parleurs qui ont le goût, si l'on ose dire, de se gargariser de leurs succès, les circonstances avaient été telles, l'effet si prodigieux et dépassant tellement toutes les prévisions, qu'on devinait facilement que l'orateur avait le sentiment d'avoir été le simple et docile instrument d'une puissance supérieure.

De cela, il était trop intelligent. trop profondément chrétien aussi, pour tirer une vanité quelconque.

Le problème qui devait faire l'objet de l'émouvant débat de Notre-Dame hantait et passionnait alors en Amérique française des centaines de milliers d'intelligences. M. Bourassa n'échappait point à ce souci. Deux ou trois jours avant la scène historique, il avait dit, devant un très petit nombre d'amis: Evidemment, jamais occasion ne s'est présentée et ne se présentera peut-être de poser la question devant un pareil auditoire; d'autre part, il y a le grave danger de paraître abuser d'une aussi exceptionnelle circonstance...

Sa décision, à ce moment, ne paraissait pas encore prise.

Les sentiments de fond de l'orateur

Mais qu'il eut ou non décidé, au début de la soirée, de poser publiquement la question, il est certain que le grand orateur n'envisageait celle-ci que dans une lumière profondément religieuse, avec un très vif souci du respect de l'autorité.

Ceux qui ont causé avec lui dans le temps, qui connaissaient bien ce que l'on pourrait appeler ses sentiments de fond, ne peuvent avoir là-dessus le moindre doute.

Rien ne saurait le mieux prouver d'ailleurs que ce qui s'est passé et qui a vivement frappé tous les observateurs. L'un d'eux, prélat étranger et qui était l'hôte de l'un de nos amis, le dit en sortant de la réunion. J'admire, confia-t-il à son hôte, que M. Bourassa ait pu faire un pareil discours; je l'admire surtout pour ce qu'il a su ne pas dire.

Songez aux circonstances. Quelqu'un que je connais bien demandait à l'orateur peu de temps après: Quelle impression avez-vous éprouvée quand Mgr Bourne aborda cette partie de son discours? - J'ai eu, répondit-il, - c'était entre intimes - le sentiment qu’un f faisceau de lumière balayait la route...

Sur Ia défensive

Toutes ses hésitations, s'il en avait encore, étaient du coup supprimées: on le jetait sur la défensive. L'intervention spontanée des trois évêques confirmait sa réaction propre. Le maître de l'improvisation n'avait plus, pendant les deux ou trois discours qui devaient précéder le sien, qu'à ordonner la matière qui faisait presque partie déjà de sa substance cérébrale. qu'à l'adapter aux circonstances nouvelles.

Pas plus dans la partie que l'on pourrait qualifier de réponse à Mgr Bourne que dans le reste, le texte que le Devoir publie aujourd'hui, et qui fut donné, pour la première fois dans la semaine même qui suivit le congrès, n'a été modifié ou altéré en quoi que ce soit. C'est la reproduction littérale de la sténographie faite par l'un des plus remarquables spécialistes du temps, M. L.-A. Cusson.

M. Cusson a eu le soin de marquer les mouvements de l'auditoire. Cela était nécessaire à l'intelligence du discours; cela expliquait, par exemple, pourquoi telle pensée n'avait été, pour ainsi dire, qu'indiquée: on n'éprouve pas le besoin de faire de longs développements quand les acclamations de milliers et de milliers de personnes viennent de prouver que votre parole exprime la pensée et les sentiments de tous. Cela explique que selon la formule d'Hello il y ait dans toute cette partie du discours, plus d'unité organique que d'unité mécanique.

Cela explique aussi que tel compte rendu qui fait abstraction de toutes ces manifestations de l'auditoire, qui colle simplement côte-à-côte des phrases que séparaient des acclamations et des ovations, donne si peu l'idée de ce qui s'est réellement passé.

L'atmosphère de la soirée

Cela surtout permet de deviner l'atmosphère de la soirée.

En fait, et tous les survivants peuvent le confirmer, ce qui se passa pendant la dernière partie du discours fut quelque chose d'extraordinaire, d'inouï, d'invraisemblable presque, que nul, pas plus l'orateur que ses auditeurs, n'aurait pu prévoir.

La grande nef et les tribunes de Notre-Dame étaient remplies à déborder. Cet énorme auditoire, debout, battant des mains, paraissait ne faire qu'un avec l'orateur, ponctuait d'applaudissements et d'acclamations frénétiques presque chacune de ses phrases, les chargeait d'un maximum de sens et d'émotion, semblait y faire passer l'âme même de tous les groupes français d'Amérique.

Le lendemain, un Franco-Américain à qui l'un de nos amis demandait: Étiez-vous à Notre-Dame? lui montrait ses mains encore endolories de tant d'applaudissements et disait simplement: Voyez!

J'aperçois encore l'un de mes voisins, conférencier connu d'un bout à l'autre de l'Amérique, qui, debout et ne s'entendant probablement pas parler, pointait le choeur d'un geste qui balayait tout et s'écriait: Il n'y a là personne qui puisse parler comme cela!

Il n'est pas vrai, comme on l'a écrit,' qu'au sortir de l'église la foule improvisa, dans un élan d'enthousiasme, une sorte de bal public: cela n'est pas dans nos moeurs; mais ce qui est vrai, c'est que pendant des heures les auditeurs de Notre-Dame ne purent parler d'autre chose que de ce qu'ils venaient de voir et d'entendre.

Un groupe de Québécois, parmi lesquels, si nous ne nous trompons, Mgr P.-E. Roy et Adjutor Rivard, qui logeaient à l'Institution des Sourdes-Muettes, rue Saint-Denis, ne se couchèrent que vers les quatre heures du matin, allant d'une chambre à l'autre échanger observations et commentaires.

La parfaite correction de l'orateur

D'ailleurs, il suffit de causer avec les survivants pour éveiller chez eux, après quarante ans, les échos du vieil enthousiasme.

Lorsque, à son arrivée à Dorval pour les grandes fêtes mariales, trente-sept ans après l'événement, quelqu'un s'avisa de demander à Pierre Gerlier, devenu cardinal et primat des Gaules: Vous étiez à Notre-Dame, Eminence? l'ancien avocat à la Cour d'appel de Paris s'exclama: Si j'y étais... Je m’en souviens comme si c'était d'hier...

Or, relisez le discours de l'homme, impressionnable comme tous les orateurs de grande classe, qui était au centre de cette tempête et de ce triomphe, que fouettaient ces acclamations sans fin, qui épuisé de fatigue, se demandait s'il pourrait aller jusqu'au bout de ce qu'il voulait dire, vous n'y trouverez pas un mot qui détonne, pas un accent qui ne soit digne de la Cause qu'il défendait, du milieu où il parlait, des adversaires auxquels il répondait.

Et c'est assurément l'un des aspects les plus beaux, les plus émouvants, les plus étonnants, les plus significatifs aussi, peut-être. de cette extraordinaire aventure.

Pour la petite histoire

Le texte que le Devoir publie aujourd'hui se termine d'une façon assez abrupte.

Il y a de cela une explication très simple, plutôt prosaïque, qu'il peut être utile, cependant, de noter, pour l'opposer à des légendes possibles.

Tous les auditeurs purent constater que c'est après que Mgr Bruchési lui eut dit quelques mots que M. Bourassa termina plutôt brusquement son discours.

Que s'était-il passé?

L'orateur, forcé de répondre à une thèse adverse, avait nécessairement dû donner à la partie langue de son discours un développement singulièrement plus considérable qu'il ne l'eût fait, même s'il avait eu l'intention première d'exposer sa propre thèse.

Puis, les acclamations, les ovations qui, tant de fois, lui coupèrent la parole, avaient pris presque autant de temps que cette parole même.

Le grand public, emporté par le tragique passionnant de la scène, ne s'arrêtait guère à y penser, mais l'heure coulait quand même, et le Légat, vieillard qui devait tenir dans la journée du lendemain de si lourdes fonctions, désirait, avant la minuit, prendre une collation. Il sentait à la fois la fatigue et la faim. Il l'indiqua à Mgr Bruchési.

D'où l'intervention du vénérable archevêque de Montréal et la finale hâtivement écourtée du discours.

Epilogue

Le lendemain, au parc Jeanne Manche, lors de la très solennelle bénédiction du Saint Sacrement, qui devait être l'une des plus imposantes manifestations du Congrès, les auditeurs de Notre-Dame, les milliers et les milliers de catholiques qui s'étaient groupés au pied du mont Royal, avaient la joie de s'associer à la prière que lançait dans le clair azur de ce bel après-midi d'automne la voix pénétrante de l'illustre organisateur du Congrès.

Bénissez notre langue, gardienne de notre Foi! disait Mgr Bruchési et répétait la foule.

C'était la ratification par tout un peuple de la thèse essentielle du discours de Notre-Dame.

Omer HEROUX

Source: Special issue of Le Devoir, October 25, 1952. Article reproduced in Hommage à Henri Bourassa, Le Devoir, 1952, 216p., pp. 97-103