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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
Sir Louis Hippolyte Lafontaine
LAFONTAINE (Sir Louis - Hippolyte) (1807-64), avocat, député, homme d'Etat, magistrat, baronnet.
Fils de Jean Ménard et d'Anne Lavinelle, habitant la paroisse de Mervent (Vendée), Jacques Ménard dit Lafontaine naquit en 1629 et émigra au Canada; le 19 novembre 1657, il épousa aux Trois-Rivières Catherine, fille de Jean Fortier et de Julienne Coeffes, de La Rochelle : il mourut à Boucherville le 31 mars 1694. Leur fils Louis, né en 1662, se maria en 1691 à Marie-Anne Février, mère d'Antoine (1722), lequel s'unit en 1743 à Jeanne-Françoise Marcil, de Longueuil; leur fils Antoine épousa en 1768 Marie Loiseau, fut député (1796-1804) et décéda en 1825.
De cette union naquit en 1772 Antoine Ménard, qui s'unit à Varennes, le 27 octobre 1800, à Marie Fontaine dite Bienvenu. Le 4 octobre 1807, Louis-Hippolyte fut baptisé à Boucherville sous le nom de Ménard. Il perdit son père le 13 janvier 1814 et sa mère se remaria à Joseph Trulier dit Lacombe. Il fit ses études secondaires au collège des Sulpiciens. En 1825, l'humaniste sortait pour commencer l'étude du droit au bureau de M. François Roy. En 1828, le candidat fut admis à la profession d'avocat; ses débuts en cour révélèrent au public ses talents. En même temps, il s'intéressa aux affaires politiques.
Aussi bien, le 26 octobre 1830, les électeurs de Terrebonne en faisaient leur représentant à la Chambre législative pour deux législatures (1838). «A ses débuts, écrit M. Chapais, il eut beaucoup à souffrir des préjugés de la vieille école gallicane et parlementaire : les épreuves, l'expérience chèrement acquise et l'étude rectifièrent plus tard ses opinions. » (V. Cours d'Hist., t. IV). Dès le début de la session de 1834, il adhéra à une excessive proposition de M. Bourdages contre l'administration. Il prononça un long discours en faveur des Quatre-vingt-douze Résolutions; mais il vota contre leur adoption. Le 21 février 1835, M. Elzéar Bédard, appuyé par M. Lafontaine, propose la nomination de M. Papineau comme orateur. M. Gugy voulait l'honneur pour M. Lafontaine, qui protesta avec chaleur, menaçant de résigner son mandat. En 1836, il se rangea à côté de Papineau dans la malencontreuse indiscrétion concernant les instructions des Commissaires et il argumenta avec violence contre les modérés. Eu égard au vote des subsides, M. Lafontaine et les partisans de la majorité ne les acceptaient que pour six mois; ils votaient aussi, le 27 septembre, un projet de loi tendant à rendre électif le Conseil législatif : c'était un acte inconstitutionnel de leur part. En juin 1837, M. Lafontaine accompagna l'orateur aux assemblées de Montmagny et de Kamouraska; au mois d'août, il parut à Québec vêtu, à la façon des Patriotes, « des étoffes du pays ». A la fin de l'année, se voyant en face de l'insurrection, il supplia lord Gosford de convoquer le Parlement qu'il avait dissous : quatorze députés seulement appuyaient sa pétition à Québec (17 décembre).
Au lieu de retourner à Montréal, M. Lafontaine prend la route de la rivière Kénébec pour passer ensuite à Londres, où il séjourna quelques mois. Il y eût été arrêté sans certaine protection; il se rendit à Paris. De là, il écrivit, le 30 mars 1838, à M. Ellice, seigneur de Beauharnois et résidant à Londres, deux lettres qui devaient éclairer lord Durham sur les affaires politiques du Canada. (V. De Celles.) Puis il fit voile pour le Canada. A peine arrivé à Montréal, la levée de boucliers de Robert Nelson suscita l'arrestation des « suspects»; le général Colborne le jeta en prison avec son associé Amable Berthelot. Mais faute de preuves suffisantes pour lui intenter un procès, on le rendit à la liberté et à l'exercice de sa profession.
Sous l'Union, que M. Lafontaine ne voulut point combattre, il se posa en adversaire de lord Sydenham et de son système. Ce gouverneur l'éloigna de force du comté de Terrebonne; mais M. Baldwin sut le faire élire au comté d'York, Haut-Canada, qu'il représenta du 21 septembre 1841 au 23 septembre 1844. Sir Charles Bagot convia les deux amis à former un ministère, du 12 septembre 1842 au 11 décembre 1843; pour le Bas-Canada, L.-H. Lafontaine devient premier ministre et procureur général; Dominique Daly, secrétaire provincial, A.-N. Morin, commissaire des Terres ; L.-C. Aylwin, solliciteur général ; pour le Haut-Canada, Robert Baldwin, procureur général, etc. Le gouvernement se résolut de travailler au règlement des plus urgentes nécessités : instruction publique, lois organiques, voies de communication, système judiciaire et le reste. Par malheur, lord Metcalfe ne sut point seconder la mise à exécution de ce programme: il dut accepter la démission des ministres.
Le 12 novembre 1844, les électeurs de Terrebonne renouvelèrent son ancien mandat à M. Lafontaine jusqu'au 10 mars 1848; ceux de Montréal, du 24 janvier 1848 au 6 novembre 1851. Au cours de la première législature, il réclama l'amnistie des exilés politiques et la réintégration de la langue française dans ses droits au Parlement. En 1842, il parla en français pour affirmer le droit, émanant du traité de Paris, et pour protester contre l'article de la nouvelle constitution qui le supprimait; en 1845, il persiste à réclamer ce droit. Dans la suite, M. Draper s'efforça d'éloigner de l'arène politique le chef de l'opposition; il subit un échec. M. Lafontaine proposa un bill en vue d'indemniser les victimes de la Rébellion. Lord Elgin, un an après son arrivée, confia à M. Lafontaine et à M. Baldwin la tâche de constituer un nouveau Cabinet : il entra en fonction dès le 11 mars 1848 jusqu'au 27 octobre 1851. (V. J. Desjardins, Guide parlem.).
En Chambre, le premier ministre établit avec succès la légitimité de l'indemnité des pertes matérielles dans le Bas-Canada; son discours entraîna le vote des députés. Le 25 avril 1849, lord Elgin se rendit au Parlement pour sanctionner des projets de loi. Quand le greffier énonça ce titre : Bill à l'effet d'indemniser ceux qui ont subi des pertes durant les troubles politiques, un murmure sinistre éclata dans la tribune : signal convenu de l'émeute, qui lança le mot d'ordre orangiste contre le gouverneur et le premier ministre : lord Elgin, en sortant, fut assailli de projectiles et couvert d'injures. Peu après, The Montreal Gazette imprimait un furieux appel aux « Anglo-Saxons » sur la Place d'Armes; la foule, à huit heures du soir, se porte en poussant des cris vers les édifices où siègent les députés et en brise les vitres. Bientôt l'incendie éclate sur quatre coins à la fois : en une heure, tout est réduit en cendres. La populace se rue alors vers la résidence de M. Lafontaine, qui est mise à sac et préservée du feu par l'intervention de la police. Le 12 août suivant, Charles Coursol est informé secrètement d'un complot d'assassinat de son ami; E.-P. Taché se concerta avec Coursol pour déjouer la trame orangiste. Le 15 août, assaut de la demeure du premier ministre; mais un mortel coup de feu abattit soudain un nommé Mason, qui succomba en peu de jours : ce fut le signal de la débandade. Coursol, en qualité de coroner, ouvrit une enquête au marché Bonsecours, puis à l'Hôtel Cyrus; au moment où M. Lafontaine allait déposer en justice, un incendie allumé par les émeutiers se déclara dans l'immeuble. Coursol sauva la vie au premier en l'arrachant à la foule en délire. Durant quatre mois, la ville de Montréal respira une atmosphère de terreur, sous les menaces de meurtre et d'incendie.
L'introduction du libre échange des farines et des blés en Angleterre, sous Robert Peel, créa un malaise commercial au Canada; il se détermina un redoutable mouvement d'annexion avec les Etats-Unis; le gouvernement le combattit avec succès. Surtout en encourageant la colonisation et en améliorant les lois : acte concernant la procédure ordinaire des tribunaux; acte abolissant l'emprisonnement pour dettes; enregistrement des donations, des titres et actes portant création de substitution; acte concernant les brefs de prohibition; acte concernant le droit d'action par et contre les exécuteurs testamentaires, administrateurs et corporations de pays étrangers; enregistrement d'hypothèques dont sont grevés les biens des maris, tuteurs, curateurs, ès qualité. En 1851, le gouvernement adopta une politique d'extension des chemins de fer et de projets relatifs à la tenure seigneuriale. En 1852, M. Lafontaine faisait ses adieux à ses amis politiques dans un banquet, où il en expliqua les motifs (V. De Celles).
La même année, une conflagration ravagea tout un quartier de Montréal : M. Lafontaine, le premier des souscripteurs, organisa les postes de secours aux sinistrés. Il reprit les exercices de sa profession. Le 13 août 1853, on le promut juge en chef du Banc de la reine; sa santé lui imposa une excursion en Europe. Le 1er juillet 1854, il siégea à la Cour d'appel pour la première fois; et, le 28 août, Sa Majesté Britannique lui conféra le titre héréditaire de baronnet du Royaume-Uni, le premier décerné à un Canadien. Presque en même temps, on le décora de l'Ordre de Saint-Sylvestre à Rome. En 1855, la Cour seigneuriale ayant été créée, il en présida avec éclat les assemblées. Mais en 1862, une attaque d'apoplexie le confinait clans sa chambre, jusqu'au moment où il put traverser l'Océan afin de reprendre des forces. En juillet 1863, assez bien remis, il reprit son fauteuil de magistrat. Nouvelle attaque, le 25 février 1864, avec épanchement cérébral qui l'emporta le lendemain.
Le 9 juillet 1831, il avait contracté alliance à Québec avec Adèle, fille de M. A. Berthelot, laquelle décéda sans postérité en 1859; en secondes noces en 1861 avec Jane Morrisson, veuve de Thomas Kinton, officier, décédée en 1905, mère de Louis-Hippolyte (1862-67) et de Charles-François (1863-65).
M. Lafontaine a laissé Les Deux Girouettes, Montréal, 1834; Notes sur l'Amovibilité des curés, ibid., 1837; Analyse de l'Ordonn. du Cons. Spéc. sur les bureaux d'hypothèque, ibid., 1842; L'Esclavage au Can., ibid., 1859.
Source: Louis LE JEUNE, « Sir Louis-Hippolyte Lafontaine », dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, moeurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. II, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 829p., pp. 29-31.
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