Histoire de la civilisation occidentaleMarianopolis College
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Dernière mise à jour :
2001-08-20

La civilisation occidentale dans sa phase du Proche–Orient

Deuxième partie: Les Hébreux (documentation)

Claude Bélanger,
Département des Sciences humaines,
Marianopolis College.

A) Les sources d’information :

Au moment d’aborder l’histoire des Hébreux, il est d’importance que nous nous arrêtions quelques instants pour discuter du problème des sources d’information en histoire et, en particulier, de l’authenticité de la documentation que nous avons pour étudier les Hébreux et le Christianisme des premiers siècles. De façon plus générale, les questions suivantes se posent : comment connaissons-nous le passé? D’où nous viennent les renseignements? De toute évidence, notre capacité à donner des réponses satisfaisantes en histoire est dépendante de la validité de nos sources d’information.

Pour reconstruire le passé, nous avons à notre disposition cinq grands types de sources :

  1. Les sources documentaires manuscrites : les acteurs du passé nous ont laissés des documents écrits. Ces documents se sont multipliés à mesure que l’éducation s’est généralisé. Sources incomparables, ces documents n’en sont pas moins difficiles d’interprétation. On ne sait pas toujours qui a écrit un document, pourquoi il a été écrit, comment il est parvenu jusqu’à nous. L’information est-elle de première main? L’informateur était-il bien informé? La réponse à ces questions est importante si l’on veut utiliser les informations qu’un document nous donne. Ce document est-il authentifié? Ne pourrait-il pas être un faux? Est-il corroboré par d’autres sources d’information? Les historiens ont développé des techniques d’analyses internes et externes des documents qui permettent, malgré la prudence légendaire des historiens, d’arriver à certaines conclusions. (On consultera avec profit, pour se faire une idée de l’ampleur et de la complexité du travail que doit accomplir l’historien, le plan du cours « L’historien et ses sources, ou comment on fabrique l’histoire », donné à l’UQAM.)
  2. Les sources non-manuscrites : les générations du passé ne nous ont pas seulement laissé des documents écrits mais aussi d’autres sources physiques, tangibles. Des monuments, des ruines, des objets de toutes sortes (outils, cartes, images, etc.) sont parvenus jusqu’à nous. Ce sont principalement les archéologues qui font des fouilles dans les diverses strates terrestres et mettent ces objets à notre disposition. Encore ici, ces objets doivent être soumis à une sérieuse analyse pour pouvoir en tirer des conclusions et des informations valables.
  3. La science nous donne une troisième catégorie d’informations. Par exemple, des géologues peuvent analyser des sols et nous dire quelles étaient les conditions climatiques d’une époque; on pourrait en tirer des conclusions par rapport à l’agriculture, la chasse ou la cueillette. Des biologistes peuvent faire des analyses d’ADN sur des corps qui sont ensevelis depuis longtemps; cela pourrait nous donner des renseignements sur les filiations, les maladies, l’âge, le sexe, etc.
  4. Les études et observations de type anthropologique constituent une autre source d’information. Quand des observateurs ont décrit avec détails des sociétés de chasseurs et de cueilleurs à l’époque moderne, cela ne nous donne-t-il pas des renseignements, toutes proportions gardées, sur les sociétés avec un mode de vie similaire qui auraient existées auparavant? Même en étant très prudent avec les informations, on peut arriver à en tirer des conclusions.
  5. Dans les dernières décennies, sous l’influence de groupes sans grande tradition littéraire, les historiens en sont arrivés à considérer la tradition orale comme étant une source valable d’information, même quand il n’était pas toujours possible de corroborer les informations avec d’autres types de sources. Des techniques spécifiques d’analyse pour ce type de sources ont été développées. Ainsi, notre vision des sociétés autochtones a-t-elle été transformée.

B) La Bible comme source d’information :

En tournant brièvement notre attention vers les Hébreux et les débuts du Christianisme, sans entrer dans des controverses stériles, on est frappé par l’ampleur de la documentation dont on dispose pour leur étude, particulièrement quand on la compare à ce qui est disponible pour les autres sociétés du Proche-Orient*. Entre autres sources, principalement mais non exclusivement, nous disposons de la Bible (les 39 livres de l’Ancien Testament et les 27 du Nouveau Testament pour les Chrétiens). Il s’agit d’un document considérable qui nous informe sur l’histoire des Hébreux et des premiers Chrétiens.

Les récits que nous donne la Bible sont-ils dignes de foi? On notera que la Bible, et les Évangiles (Gospels), ne sont pas des écrits d’historiens de métier. Leur but n’était pas de faire œuvre scientifique. Néanmoins, ils racontent une histoire : celle des Hébreux, celle de Jésus, etc. Alors que les croyants voient la Bible principalement comme la révélation de la parole de Dieu, paroles qu’ils ne peuvent mettre en doute, le but de l’historien qui se penche sur ce document est tout autre. Il veut, à l’aide de ce document, comprendre la société qui y est décrite, en analyser l’histoire, saisir son évolution. Quand on se penche avec les yeux de l’historien sur la Bible on arrive à quelques constatations et aussi à quelques réserves.

Disons d’abord que plusieurs études sérieuses ont démontré l’historicité de beaucoup d’événements décrits dans la Bible (pour être renseigné davantage, voir le livre de Werner Keller, The Bible as History, 1965; ce site discute de cas soulevés par Keller; celui-ci discute de découvertes archéologiques qui vont dans le même sens. Ces deux sites sont en anglais.).

Malgré cela, quelques réserves doivent être faites : nous savons peu de choses sur les auteurs des différents livres de la Bible. Ces sources ont été écrites sur une très longue période. La liste officielle des documents que contient la Bible n’a pas toujours été la même. Si les textes de l’Ancien Testament, d’origine juive, ont été assez tôt solidifiés et portent peu à controverse, ceux du Nouveau Testament ont subi des variations au cours des premiers siècles; certains livres, dits Apocryphes (de caractère douteux), ont été rejetés. Des changements mineurs au Nouveau Testament ont été effectués jusqu’au Concile de Trente en 1546. On se souviendra aussi que tous ces documents sont des textes traduits : de l’ancien Hébreux, de la langue araméenne, de la version des Septante*, ou de la Vulgate* de Saint-Jérome. Faut-il s’étonner qu’il y ait des différences d’interprétation et des hésitations?

On me permettra deux derniers commentaires. 1) Les Évangiles chrétiens furent rédigés à partir de 66 et seront terminés vers la fin du premier siècle. Il semble que les évangélistes ayant rédigé après Marc (les évangélistes sont Marc, Matthieu, Luc et Jean; aucun n’a été disciple de Jésus; tous racontent des événements auxquels ils n’ont pas assistés; ils donnent des informations de seconde main) aient eu l’opportunité de consulter son document. Certains le répètent souvent, le citant presque textuellement parfois. Cela nous rendra prudents d’autant plus que nous avons tous tendance à donner plus de crédit à une information qui est répétée par plus d’une source. 2) Certains experts juifs ont trouvé quelques commentaires malveillants envers les Juifs dans les Évangiles. On se rappellera que les Évangiles ont été rédigés après que la rupture entre Juifs et Chrétiens ait eu lieu. Or, cette rupture entre les deux rameaux du même arbre s’est faite dans un climat d’animosité mutuelle. Faut-il être surpris d’en trouver des traces dans les premiers documents chrétiens?

Tout cela étant considéré, on en conclura que la Bible constitue une source inestimable mais qu’on doit utiliser avec prudence. Elle nous permet de tracer les grandes lignes des histoires juive et chrétienne. Ces informations sont souvent corroborées par d’autres documents écrits ou par des sources archéologiques. Enfin, ce qui est le plus frappant, c’est que Juifs et Chrétiens qui vécurent immédiatement après la rédaction de ces documents, au moment ou souvent des observateurs très proches des événements étaient encore vivants, eurent beaucoup de foi dans leur authenticité et leur véracité.

© 2001 Claude Bélanger, Marianopolis College