Quebec History Marianopolis College


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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

Histoire de la littérature canadienne-française (Québec)

 

CHAPITRE 9

1860-1900.

 

SOCIOLOGIE - ÉLOQUENCE

 

Mgr Laflèche - le Cardinal Bégin - Mgr Th.-E. Hamel.

Orateurs politiques, académiques et religieux : Honoré Mercier

Adolphe Chapleau - Wilfrid Laurier - Mgr Antoine Racine

les abbés Louis-Honoré Pâquet et Gustave Bourassa.

 

[Ce texte a été écrit par l'abbé Camille Roy; il a été publié en 1962. Pour la citation complète, voir la fin du texte.]

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Religion et sociologie

Notre littérature philosophique n'a rien fourni d'original ou de remarquable, pendant cette deuxième période. L'esprit canadien n'a pas encore porté de ce côté un suffisant effort. En matière de philosophie, il a assimilé plus qu'il n'a produit.

 

De graves questions d'ordre religieux, social ou politique ont souvent préoccupé l'attention, et ont suscité des livres ou des oeuvres courtes et rapides, brochures ou pamphlets écrits sous l'influence du moment, et qui n'ont guère survécu à leur actualité. Parmi les auteurs qui méritent une mention spéciale, signalons :

 

Mgr Louis-François Laflèche (1818-1898) , évêque des Trois-Rivières, qui s'employa très particulièrement à lutter contre les erreurs modernes et qui a laissé: Quelques Considérations sur les Rapports de la Société civile avec la Religion et la Famille (1866), recueil d'articles qui contient le meilleur de sa pensée et aussi les meilleures pages qu'il ait écrites.

 

Le Cardinal Louis-Nazaire Bégin (1840-1925), archevêque de Québec, fut avant son épiscopat professeur à la faculté de théologie de l'Université Laval. Il publia La Primauté et l'Infaillibilité des Souverains Pontifes (1873), La Sainte Écriture et la Règle de Foi (1874), Le Culte catholique (1875), écrits dans cette langue excellente, toute d'élégance et de clarté, qui fut toujours celle de l'auteur.

 

Mgr Thomas-Étienne Hamel (1830-1913), qui fut recteur de l'Université Laval, a laissé dans les Mémoires de la Société Royale du Canada, des études d'apologétique scientifique de haute valeur, qui comptent parmi les meilleures pages que l'on ait écrites à cette époque. Mgr Hamel a aussi publié un Cours d'Éloquence parlée, d'après Delsarte (1906) , qui expose toute une conception à la fois théologique et scientifique de l'élocution.

 

On peut encore signaler ici, au point de vue des manifestations premières de notre littérature philosophique et théologique, les opuscules de Mgr Joseph-Sabin Raymond (1810-1887) : Importance des études religieuses (1864), Devoirs envers le Pape; Destinées providentielles de Rome; De l'Église et de l'État; et aussi un livre sur Le Libéralisme (1872) de Mgr Benjamin Paquet (1832-1900), qui fut professeur à la faculté de théologie et recteur de l'Université de Québec.

 

L'éloquence politique

 

Pendant la période qui va de 1860 à 1900, notre éloquence politique ne s'est pas assez souciée de l'art littéraire. Elle a contenu plus de passions que d'idées; et elle s'est parée de plus de déclamations que de beautés. Elle a trop volontiers recherché les lieux communs de la banalité, et ne s'est pas assez renouvelée dans la culture de l'esprit. Elle a aussi souffert d'une trop exclusive formation littéraire oratoire donnée dans les rhétoriques de nos collèges classiques.

 

Parmi les orateurs qui, vers la fin du siècle dernier, ont exercé par la parole le plus d'emprise sur les assemblées politiques ou les parlements, et dont on a recueilli et publié les discours, nous signalerons les suivants.

 

Georges-Étienne Cartier (1815-1873) fut l'un de nos parlementaires les plus influents, et l'un des principaux ouvriers de la Confédération.

 

Ses meilleurs et plus importants discours ont été publiés sous le titre de Discours de Sir Georges-Étienne Cartier (1893) Ils portent plutôt la marque d'une raison froide, solide, que celle de l'éloquence.

 

Honoré Mercier (1840-1894) fut l'un de nos orateurs politiques les plus goûtés. Avocat, journaliste, député, premier ministre de la province de Québec (1887-1891) , Mercier prit part à tous les mouvements politiques importants de son époque. Son éloquence était faite d'une pensée claire, précise, vigoureuse, et d'une chaleur d'émotion qu'une diction lente et pénétrante faisait vibrer davantage. Ses discours sur le soulèvement des Métis au Nord-Ouest, en 1885, et la campagne politique qui suivit l'exécution de Riel, révélèrent toute la force de l'orateur. Patriote ardent, Mercier apparut pendant de nombreuses années comme le plus éloquent et le plus populaire interprète de ses compatriotes canadiens-français. C'est autour de l'idée nationale qu'il s'attacha à les grouper en 1885 et 1886. On a réuni en volume ses principaux discours: Biographie, Discours, Conférences de l'Hon. Honoré Mercier (1890) .

 

Joseph-Adolphe Chapleau (1840- 1898). Avocat très habile dans les causes criminelles, député dès 1867, à Québec, ministre dans différente cabinets, premier ministre de la province de Québec (1879-1882), puis ministre à Ottawa (1882-1892), Chapleau fut probablement de tous nos orateurs politiques le plus capable de charmer et d'émouvoir un auditoire. Il avait de l'homme éloquent toutes les qualités extérieures : un verbe harmonieux, une pose élégante, une tête au profil classique, une longue chevelure tombant avec grâce sur ses épaules, un geste énergique, une diction chaude, caressante ou passionnée : il se dégageait de sa personne, à la minute des grands mouvements oratoires, une sorte de magnétisme qui subjuguait même ses adversaires. Et cette action extérieure était au service d'une belle intelligence, servie par la plus prompte imagination. Chapleau maniait avec facilité la langue française. Quand l'éloquence de Chapleau manquait de substance ou d'idées, ce qui arrivait assez souvent, l'image, le sentiment, la voix et le geste suppléaient alors à la pensée, et faisaient applaudir l'orateur.

 

On a recueilli ses principaux discours: L'honorable J.-A. Chapleau. Sa biographie,, suivie de ses principaux discours, manifestes, etc. (1887).

 

Wilfrid Laurier (1841-1919) fut chez nous le type classique et élégant de l'orateur parlementaire. Né à Saint-Lin, avocat, député, dès 1871, à l'Assemblée législative de Québec, Wilfrid Laurier porta bientôt à Ottawa, sur une scène plus large et plus élevée, son activité politique et les dons de sa parole. Devenu chef du parti libéral, en 1887, il fut premier ministre quand son parti arriva au pouvoir, en 1896, et il garda cette haute fonction jusqu'en 1911.

 

Pendant sa longue carrière parlementaire --- 1871- 1919 -- les plus graves problèmes de notre vie canadienne agitèrent à la fois le peuple et le parlement: les droits scolaires des minorités dans les provinces anglaises, la création des nouvelles provinces de l'Ouest, la question des tarifs douaniers, la participation des colonies aux guerres impériales, l'émancipation progressive des colonies devenues nations autonomes, la création d'un esprit national canadien à base de tolérance et d'entente entre les races. Toutes ces questions constituent comme le fond principal des oeuvres oratoires de Laurier.

 

On lui a souvent donné le surnom de « langue d'argent ». Non pas que son éloquence fût toujours harmonieuse, et d'une forme également soignée. Elle souffrait des nécessités et des habitudes de l'improvisation parlementaire. La composition du discours n'est pas toujours aussi régulière qu'on le pourrait souhaiter. Mais il est arrivé souvent à l'orateur, quand il avait le loisir de bien surveiller la pensée et son expression, de prononcer des harangues qui sont de la meilleure éloquence.

 

Cette éloquence était faite surtout de pensées hautes et claires et des charmes de la diction. Wilfrid Laurier a surtout excellé dans les discussions parlementaires.

 

Il faut ajouter, pour définir l'orateur, que la distinction de sa personne, sa haute taille, élancée et gracieuse, la correction de ses manières, le port noble de sa tête, l'expression fine de son visage, l'harmonie de sa voix, la sobriété élégante de son geste, contribuaient largement à l'autorité et au prestige de son éloquence. Laurier s'exprimait avec une égale maîtrise dans les deux langues française et anglaise.

 

On a recueilli et publié bon nombre des discours de Wilfrid Laurier. Wilfrid Laurier d la tribune (1890) contient les principaux discours prononcés de 1871 à 1890, et une étude sur l'homme et son oeuvre, par le compilateur Ulric Barthe.

 

L'éloquence académique, plus soignée dans ses formes et plus soucieuse d'idées que notre éloquence politique, fut principalement représentée, dans la seconde moitié du siècle dernier, par deux orateurs très goûtés des contemporaine, P.-J.-O. Chauveau (1820-1890) et Adolphe Routhier (1839-1920), dont nous avons parlé au chapitre précédent.

 

Éloquence de la chaire

 

L'éloquence de la chaire, la plus pratiquée chez nous, est celle qui a laissé le moins d'oeuvres écrites. Nos meilleurs prédicateurs n'ont pas assez pris soin de prolonger par le livre l'écho de leurs discours.

 

Parmi les prédicateurs qui attirèrent l'attention par la valeur littéraire, la force ou le charme de leur éloquence, et dont on a publié des oeuvres nous ne pouvons citer que trois noms.

 

Mgr Antoine Racine (1822-1893), premier évêque de Sherbrooke, fut recherché pour sa parole nette, ardente, apostolique. Trop longtemps ses discours sont restés manuscrits ou dispersés dans les journaux du temps. On en a publié un premier recueil : Principaux Discours de Mgr Antoine Racine (1928).

 

Mgr Racine fut longtemps, surtout entre 1860 et 1880, l'un des orateurs préférés des grandes solennités religieuses ou nationales. Ce sont les principaux discours de cette période de sa vie que l'on a groupés : entre autres l'éloge funèbre des soldats morts au service de la Papauté (1860), le discours prononcé à l'occasion du deux-centième anniversaire de la fondation du Séminaire de Québec (1863), l'éloge funèbre de Mgr de Laval, prononcé à l'occasion de la translation de ses restes dans la chapelle du Séminaire de Québec (1878), et le discours prononcé sur les Plaines d'Abraham, à l'occasion de la grande Convention nationale des Canadiens français, en 1880.

 

Le prédicateur se plaisait aux mouvements oratoires où se déployait son talent, et où sa voix forte pouvait élargir sa puissance. On peut citer comme l'une des plus belles pages qu'il ait prononcées le parallèle qu'il fit de l'abbé Jérôme Demers et de l'abbé Jean Holmes, dans son discours pour le deuxième centenaire du Séminaire de Québec.

 

L'abbé Louis-Honoré Pâquet (1838-1915), professeur à la Faculté de théologie de l'Université Laval, fut un orateur sacré très goûté, autant pour la belle ordonnance de ses discours que pour la sonorité exceptionnelle, harmonieuse et métallique de sa voix. Son éloquence consistait plus dans l'exposé clair, méthodique, sobrement imagé, de la pensée que dans les mouvements de la passion ou la chaleur du sentiment. On retrouvera quelques-uns de ses discours dans Souvenir des Noces d'or Sacerdotales de M. l'abbé L.-H. Pâquet (1912); L'abbé Louis-Honoré Pâquet; Échos et Glanures (1916) et Déchéance et Restauration; Carême prêché en 1898, d la Basilique de Québec (1928). Les deux derniers recueils furent publiés après la mort de l'abbé Pâquet.

 

Discours théologiques, académiques, patriotiques, selon l'occasion qui s'offrait, ils portent tous la marque d'un esprit délié, subtil, clair, et aussi celle d'une composition élégante et soignée. On peut citer parmi les meilleures pages de cette éloquence les conférences apologétiques prononcées dans la chapelle du Séminaire de Québec pendant le carême de 1870, le discours sur l'alliance de la raison et de la foi prononcé en 1870, à l'occasion du six-centième anniversaire de la mort de saint Thomas d'Aquin, le sermon sur la Papauté prononcé en 1877, à l'occasion des noces d'or épiscopales de Pie IX. On y retrouve toujours le souci d'une pensée concise et académique.

 

L'abbé Gustave Bourassa (1860-1904) a laissé un recueil de Conférences et Discours (1899), où se retrouve sa parole académique, plus délicate et plus souple qu'éloquente, mais chargée de considérations sur les questions sociales, religieuses, historiques, littéraires que ion esprit très cultivé se plaisait à étudier, et dont il aimait à parler.

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BIBLIOGRAPHIE

 

LAREAU (Edmond) : Histoire de la Littérature canadienne.

AB DER HALDEN (Ch.) : Études de Littérature canadienne-française (abbé G. Bourassa).

ROY (Mgr Camille) : À l'Ombre des Érables (Mgr T.-E. Hamel ); Les Leçons de notre Histoire. Discours (Card . Bégin ).

DAVID (L.-O.) : Souvenirs et Biographies (Laurier, Chapleau. Mercier) Mes Contemporains (Chapeau, Laurier, Mercier); Laurier, sa vie, ses oeuvres.

DE CELLES (Alf.): Laurier et son temps.

BARTHE (Ulric) : Wilfrid Laurier à la Tribune. 

MOREAU ( Henri ) : Sir Wilfrid Laurier ( Paris ) .

SKELTON (O. Douglas) : Life and Letters of Sir Wilfrid Laurier, 2 vols.

PELLAND (J-O.) : Biographie, Discours, Conférences de l'Hon. Honoré Mercier .

DE BONNETERRE (A.) : Biographie de Chapleau, dans l'Hon. A. Chapleau, Discours, etc.

AUCLAIR (Élie-J.) : Mgr Antoine Racine, dans Principaux Discours de Mgr Antoine Racine. L'abbé Louis-Honoré Paquet. Échos et Glanures.

COUGET (R. P. Alex.-Marie) : Souvenir des Noces d'or de l'abbé L.-H. Pâquet.

RUMILLY (Robert): Sir Wilfrid Laurier; Mercier; Mgr Laflèche et son temps.

 

 

Source: Mgr Camille ROY, Manuel d'histoire de la Littérature canadienne de langue française , 21 ème edition, revue et corrigée par l'auteur, Montréal, Beauchemin, 1962 [1939], 201p., pp. 91-98. Le texte a été reformaté et les erreurs typographiques évidentes ont été corrigées.

 

 

 

 

 

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College