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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
Histoire de la littérature canadienne-française (Québec)
CHAPITRE 8 1860-1900
RÉCITS ET CHRONIQUES - PUBLICISTES ET JOURNALISTES
Joseph-Charles Taché - Hubert La Rue - P.-J.-O. Chauveau - Arthur Buies - Faucher de Saint-Maurice - Hector Fabre - N. Legendre Edmond Lareau - F.-G. Marchand - Oscar Dunn - J.-P. Tardivel - Adolphe Routhier, etc. [Ce texte a été écrit par l'abbé Camille Roy; il fut publié en 1962. Pour la référence complète, voir la fin du texte.] Retour à l'histoire de la littérature québécoise
Chroniqueurs, nouvellistes, conteurs expriment ou racontent des impressions, des fantaisies, des aspects pittoresques de la vie populaire. Dans ces genres très souples, mal définis, où un peu de philosophie se mêle à l'observation, l'esprit français a toujours aimé à s'exercer et à faire pétiller sa verve. Notre littérature canadienne ne manque pas d'auteurs qui, dans ces genres, ont montré d'aimables qualités et un sens assez pénétrant de la réalité. La matière qui s'offre au talent des conteurs est chez nous abondante; cependant, les légendes et les scènes de la vie populaire n'ont pas encore été assez largement exploitées par nos écrivains.
C'est. vers ces légendes et ces études de moeurs que se porta d'abord le mouvement littéraire de 1860. Il y chercha la matière originale, abondante, d'une littérature nationale.
En 1860, l'abbé Raymond Casgrain commença à raconter quelques légendes canadiennes. Ces récits fantaisistes et merveilleux allaient bien à l'imagination romantique de l'auteur. La Jongleuse est la plus célèbre de ces légendes. Mais l'abbé Casgrain laissa brusquement la légende pour s'absorber dans l'histoire. Son exemple avait déjà cependant trouvé des imitateurs.
Joseph-Charles Taché (1821-1894) publia dans les Soirées canadiennes, en 1861, Trois légendes, et en 1863, des récits populaires, réalistes, intitulés Forestiers et Voyageurs , qui furent plus tard réunis en volume. Dans ce recueil se trouvent rappelées, en une langue souvent fruste et savoureuse, qui imite celle des « hommes de chantiers », la vie des bûcherons et leurs veillées au « camp ».
Joseph-Charles Taché fut longtemps journaliste; il fonda le Courrier du Canada, en 1857. Dès 1854, il publiait dans la Minerve et le Journal de Québec, en collaboration avec P.-J.-O. Chauveau , et sous le pseudonyme de Gaspard Le Mage, une série de portraits groupés sous l'étiquette de Pléiade rouge ; il y exerçait sa verve, parfois un peu lente, contre la Pléiade. Ces portraits ont été reproduits dans la collection: Les Guêpes Canadiennes. On trouvera dans la même collection les articles de critique historique que publia Taché, dans la Minerve, en 1883, sur l'Histoire des Canadiens français de Benjamin Sulte, articles qu'il intitulait Les histoires de M. Sulte.
Joseph-Charles Taché a aussi publié deux études qui eurent du succès: Des Provinces de l'Amérique du Nord et d'une Union fédérale (1858), où il étudiait la question de la Confédération, qui déjà se posait dans l'esprit de quelques-uns de nos hommes politiques, et une Esquisse sur le Canada (1855), publiée à l'occasion de l'exposition universelle de Paris.
Hubert La Rue (1833-1881), qui fut un très actif collaborateur de l'abbé Casgrain dans l'organisation du mouvement littéraire de 1860, publia lui aussi dans les Soirées canadiennes, le Foyer Canadien, la Ruche littéraire, où il signait Isidore de Méplats, des études de moeurs qui ont beaucoup intéressé les contemporains. Parmi ces études, citons les Chansons populaires et historiques du Canada (1863), un Voyage autour de l'Isle d'Orléans (1861), un Voyage sentimental sur la rue Saint-Jean; départ en 1860, retour en 1880 (1879). La plupart des études, récits, conférences du docteur La Rue, qui était professeur à l'Université Laval, ont été réunis en deux volumes (1870 et 1881), sous le titre de Mélanges historiques, littéraires et d'économie politique. Dans tous ces Mélanges se retrouvent la pensée ardente du patriote soucieux de la conservation des moeurs anciennes du peuple, et aussi les convictions religieuses du professeur appliqué à faire de son laboratoire de chimie ou de sa chaire une tribune de l'enseignement scientifique chrétien.
Après Casgrain, Taché et La Rue, signalons des chroniqueurs, des publicistes, des journalistes qui ont apporté de façons bien diverses une contribution plus importante à la littérature de l'époque que nous étudions.
P.-J.-O. Chauveau (1820-1890) [à consulter la biographie du Dictionnaire Biographique du Canada] fut l'un des plus remarquables publicistes de son temps. Né à Québec, esprit très cultivé, ministre sous l'Union (1851-1854 ), surintendant de l'Instruction publique pendant douze ans (1855-1867) , premier ministre de la province de Québec (1867-1872) au début de la Confédération, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau a contribué dans une grande mesure à la vie littéraire de son temps.
Préoccupé du mouvement intellectuel de 1860, il avait auparavant, en 1853, publié un roman de moeurs, Charles Guérin, qui reste une oeuvre inexpérimentée de sa jeunesse. Plus tard, il publia un ouvrage d'histoire, L'Instruction publique au Canada (1876), qui fait une suite utile au Mémorial de l'Éducation (1860) qu'avait publié le premier surintendant de l'Instruction publique dans le Bas-Canada, le docteur Jean-Baptiste Meilleur . Nous devons aussi à Chauveau une étude historique et littéraire: François-Xavier Garneau , sa vie et ses oeuvres (1883), où il analyse longuement l'oeuvre de l'historien.
C'est dans les revues et journaux, notamment dans le Journal de l'Instruction publique, qu'il fonda et dirigea longtemps, que se trouve dispersée une large part de l'oeuvre littéraire de Chauveau, prose ou vers. On en retrouve des fragments dans les brochures qu'il a publiées, parmi lesquelles il faut rappeler: L'abbé Jean Holmes et ses Conférences de Notre-Dame : Étude littéraire et biographique (1876), et Souvenirs et Légendes (1877), qui contiennent en prose une conférence sur Québec, et en alexandrins faciles des récits légendaires, parmi lesquels on peut lire La Messe de Minuit à l'Islet.
Chauveau s'appliqua souvent à faire des vers. C'est avec de petits poèmes satiriques qu'il débuta dans la carrière littéraire. On peut retrouver dans Le Répertoire National, de J. Huston, les pièces les meilleures ou les plus importantes qu'il ait publiées sur des sujets patriotiques ou fantaisistes: L'Insurrection (1838), L'Union des Canadas (1841), Joies naïves (1841), A Albion (1848), Donnacona (1861).
Mais c'est peut-être comme orateur qu'il laissa auprès de ses contemporains le meilleur souvenir. Il fut en son temps l'orateur académique le plus recherché, et l'on a particulièrement applaudi le Discours à la mémoire des braves tombés sur la plaine d'Abraham (1855), qu'il prononça lors de la pose de la première pierre du monument des Braves, sur le chemin de Sainte-Foy, et celui qu'il prononça sur la tombe de l'historien Garneau, en 1867.
Chauveau fut donc l'un des ouvriers littéraires les plus actifs de son temps. Moins spontané que d'autres, avec une grande application au travail de l'art, il a porté dans presque tous les domaines son besoin d'écrire. On devrait grouper, réunir en volumes beaucoup de ses études trop dispersées.
Arthur Buies (1840-1901) s'est fait une grande réputation de chroniqueur. Né à Montréal, séparé, quelques semaines seulement après sa naissance, de ses parents, qui allèrent se fixer dans la Guyane anglaise, et laissé aux soins de deux tantes qui s'appliquèrent à le bien élever, il mena la vie la plus bizarre et la plus accidentée. Écolier indocile, il quitte Québec, passe par la Guyane, s'en va étudier à Dublin puis à Paris. Devenu soldat garibaldien, en 1859, au grand scandale de ses tantes, Arthur Buies revint au pays étudier le droit, et se fit recevoir au barreau en 1866. Tout aussitôt, l'avocat se lança dans le journalisme et commit d'inquiétantes extravagances d'idées et de plume. Disciple de journalistes et d'écrivains français hostiles à l'Église, il s'attaqua volontiers au clergé canadien, aux idées et aux oeuvres qu'il représente. Il faut négliger cette partie de l'oeuvre de Buies, qui a sombré dans l'oubli. Plus tard, le chroniqueur continua, dans différents journaux qui accueillaient sa collaboration, de rédiger des articles courts, spirituels, variés très recherchés. Ces chroniques ont été réunies en volumes: Chroniques, Humeurs et Caprices (1873); Chroniques, Voyages (1875); Petites Chroniques pour 1877 (1878).
Arthur Buies a aussi consacré son talent d'observation à des études de géographie descriptive. Il a laissé en ce genre : L'Outaouais supérieur (1889), Le Saguenay et le bassin du Lac SaintJean (1896), Récits de Voyages (1890), Les Comtés de Rimouski, Matane et Témiscouata (1890), Au Portique des Laurentides (1891), La Vallée de la Matapédia (1895). Buies est mort à Québec en 1901.
Arthur Buies a représenté chez nous l'esprit parisien, gouailleur et primesautier, frondeur à l'occasion, mais capable de tendresse et de subtile émotion. C'est dans l'article rapide, à la fois grave et léger, où se fixent les impressions mobiles de chaque jour, qu'il a excellé. On trouve dans ces pages où s'appliquaient son esprit et sa fantaisie, des tableaux de vie canadienne pleins de relief, des paysages décrits avec précision, des paragraphes qui sont des strophes de poésie ou des couplets de satire, de petites dissertations à la fois spirituelles et pénétrantes. Le style est mobile comme la pensée, parfois négligé, toujours alerte, et d'une langue abondante et juste.
Arthur Buies a particulièrement aimé la langue française. Il l'a voulue, chez nous, débarrassée de tous les apports dangereux, encombrants, de l'anglicisme. Il a écrit, pour aider à la lutte contre l'anglicisme et le mauvais goût, une brochure, Anglicismes et Canadianismes (1888).
Henri-Edmond Faucher de Saint-Maurice (1844-1897). Né à Québec, il interrompit à vingt ans ses études de droit pour courir au Mexique se battre contre les guérilleros de Juarez, au profit de l'empereur Maximilien. Il se joignit au corps expéditionnaire français, resta deux ans à faire la guerre de surprises et d'embuscades, et ne quitta le Mexique que le jour où furent rappelés les soldats de la France. Il revint au pays avec cette allure crâne, martiale, avec cette attitude de paladin qu'il ne devait plus quitter. Au surplus, ce chevalier un peu gascon avait un coeur d'or, et ses instincts d'héroïsme se pénétraient d'exquise sensibilité.
Après son retour à Québec, Faucher accepta l'emploi de greffier de la Législature provinciale. Cette situation qu'il occupa pendant quinze ans lui fit des loisirs: il écrivit, il raconta ses expéditions de soldat ou de voyageur, et il essaya de peindre la vie canadienne. A partir de 1881, Faucher s'occupa aussi de politique; il fut élu député de Bellechasse à l'Assemblée législative , et il fit du journalisme au Journal de Québec puis au Canadien. Il mourut à Québec en 1897.
Les oeuvres de Faucher de Saint-Maurice sont : De Québec à Mexico (1866); A la Brunante, contes et récits (1874); Choses et autres (1874), où l'on trouve surtout des essais de critique littéraire sur les écrivains contemporains de l'auteur; Deux ans au Mexique (1875); De tribord à babord, trois croisières dans le golfe Saint-Laurent (1877); En route, sept jours dans les Provinces Maritimes (1888); Joies et Tristesses de la Mer (1888), série de monographies où sont racontés des exploits ou des naufrages de marins canadiens; Loin du Pays, souvenirs d'Europe, d'Afrique et d'Amérique, deux volumes (1889); Notes pour servir à l'histoire de l'empereur Maximilien (1889) .
Faucher de Saint-Maurice a élargi la tradition de nos conteurs. Il raconte d'abord ses souvenirs militaires, puis il y ajoute le récit des légendes canadiennes et des histoires populaires telles qu'on en conte à la veillée, chez nous; il en a composé le recueil très attachant A la Brunante. Il y a aussi dans ses récits de voyage toute une littérature géographique qui se charge, non seulement de descriptions, mais d'impressions, d'anecdotes, de détails de moeurs, qui la font intéressante.
Faucher de Saint-Maurice s'est mis tout entier dans son style. Il écrit avec distinction. Il y a des inégalités dans ses récits, mais ces récits sont presque toujours piquants. Il y a tout à la fois, chez Faucher, de la verve populaire et de la recherche académique. Lisez, par exemple, racontées à la brunante, les légendes du Fantôme de la Roche, et du Feu des Roussi.
Hector Fabre (1834-1910) fut avant tout journaliste. Après avoir collaboré à différents journaux, il fonda à Québec, en 1867, l'Événement où pendant une douzaine d'années il régna par son esprit élégant et facile. Nommé commissaire général du Canada à Paris en 1882, il y fonda, cette même année, le journal Paris-Canada qu'il rédigea jusqu'à la fin de sa vie, et où l'on pourrait retrouver la meilleure part de son oeuvre littéraire.
Hector Fabre avait publié en 1877 un recueil de Chroniques : articles légers, spirituels, dont quelques-uns ont perdu avec l'actualité leur principal intérêt.
Napoléon Legendre (1841-1907) s'essaya d'abord dans le roman et publia, en 1872, sous forme de feuilleton, Sabre et Scalpel, qui ne fut qu'un essai isolé; l'auteur n'avait pas les dons nécessaires au romancier. C'est dans l'article court, vif, de la chronique que Napoléon Legendre devait le mieux réussir. Il groupa ses articles en recueils : A mes Enfants (1875), Échos de Québec, deux volumes (1877). Plus tard il publia un volume de Mélanges, prose et vers (1891). Élu membre fondateur de la Société Royale du Canada, Legendre publia dans les Mémoires de la Société quelques-unes de ses meilleures études, entre autres, La Province de Québec et la Langue française (1884), La Langue que nous parlons (1887), A propos de notre Littérature nationale (1895).
Napoléon Legendre fit aussi des vers, et publia Perce-Neige (1886), où il montre une âme délicate, impressionnable, parfois mélancolique, volontiers spirituelle. Il rime avec grâce, sans assez d'efforts vers l'originalité, de petits poèmes où court une légère philosophie.
Edmond Lareau (1848-1890) a réuni en un volume : Mélanges historiques et littéraires (1877), des études ou articles parus dans les journaux ou les revues. Il publia une Histoire du Droit canadien (1888) qui est considérée comme le meilleur de ses ouvrages. Il écrivit aussi notre première Histoire de la littérature canadienne (1874). Cette histoire contient l'étude de nos deux littératures de langue française et de langue anglaise. Elle est abondante, diffuse et manque trop d'esprit critique. On peut encore cependant la consulter avec profit.
Félix-Gabriel Marchand (1832-1900), qui fut premier ministre de la province de Québec 1897-1900), a fait plus de politique que de littérature. Cependant, il était doué d'un remarquable tempérament littéraire qui l'inclina surtout du côté de la satire des moeurs, et qui le fit écrire cinq comédies : deux en vers, Un bonheur en attire un autre , et Les faux brillants ; une autre, Le Lauréat , composée de vers et de prose, est un opéra comique en deux actes; deux autres sont en prose : Fatenville, en un acte, et Erreur n'est pas compte, en deux actes. Toutes ces comédies sont fort agréables, témoignent d'une fine observation des travers.
Marchand a aussi fait l'article de journal, écrit des pages de prose alerte et académique qu'il a groupées avec quelques pièces de vers assez ternes dans Mélanges poétiques et littéraires (1899).
Oscar Dunn (1845-1885) compta parmi les journalistes qui furent les plus goûtés de son temps. Il laissa deux recueils, Dix ans de journalisme (1876) et Lectures pour tous (1878), où revivent en une prose sobre, et parfois ardente, les hommes et les discussions politiques et doctrinales de l'époque. Oscar Dunn a aussi publié un Glossaire franco-canadien (1880); il professait un culte fervent pour la langue française.
Alphonse Lusignan (1843-1892), journaliste militant et, au début de sa carrière, assez mal inspiré, a laissé sous le titre Coups d'oeil et Coups de plume (1884) un volume de chroniques de qualités littéraires très inégales. Il eut lui aussi le souci de la pureté de la langue, et a publié un recueil de F autes à corriger (1890).
Charles-M. Ducharme (1864-1890), qui ne vécut que vint-six ans, fournit à la Revue Canadienne des articles de critique littéraire et des chroniques de la vie sociale, écrits d'une plume alerte, souvent inexpérimentée, qu'il a groupés en un volume, Ris et Croquis (1889). On y retrouve quelque chose des moeurs et de l'esprit de son temps.
L'abbé Léon Provancher (1820-1892) mérite que l'on signale ici son récit de voyage Une excursion aux climats tropicaux. Voyage aux Iles-du-Vent (1890), où l'auteur fait plus de science ou d'histoire naturelle que de littérature; mais il raconte de façon fort agréable, en un style rapide et simple, les incidents du voyage. L'abbé Provancher appartient surtout à la littérature scientifique du Canada. Il a chez nous écrit le premier chapitre de cette littérature. Il fut en ce genre un pionnier. Il a publié La Flore canadienne, deux volumes (1862), et La Faune entomologique du Canada, cinq volumes (1877, 1883, 1886. 1889). Le prêtre qu'était ce savant a aussi laissé des opuscules de piété et d'histoire.
L'abbé Charles Trudelle (1822-1904) a publié Trois Souvenirs (1878), qui contiennent sur la vie des colons des Bois-Francs des récits familiers et parfois dramatiques qui furent populaires. Ils sont écrits avec bon goût.
Jules-Paul Tardivel (1851-1905). Né aux États-Unis, d'un père français et d'une mère anglaise; orphelin de mère dès l'âge de trois ans, et élevé dans la seule connaissance de la langue anglaise, Jules-Paul Tardivel vint à l'âge de dix-sept ans au Séminaire de Saint-Hyacinthe faire des études classiques et apprendre le français. Il devait vouer un culte spécial à cette langue qu'il se préoccupa de défendre contre l'anglicisme. Tardivel fut toute sa vie journaliste. Il débuta au Courrier de Saint-Hyacinthe , puis collabora à la Minerve, et fonda, à Québec, en 1881, le journal ou revue hebdomadaire, la Vérité, dont il fut le rédacteur jusqu'à sa mort.
Il a réuni en trois volumes, intitulés Mélanges, ses principaux articles. On a aussi de lui une Biographie de Pie IX (1878), des Notes de Voyages (1890), un livre très apprécié sur la Situation religieuse aux États-Unis (1900), où il répond à un article de Ferdinand Brunetière, paru dans la Revue des Deux Mondes, sur Le Catholicisme aux États-Unis, un roman antimaçonnique, Pour la Patrie (1895), et deux brochures, L'Anglicisme, voilà l'ennemi (1880) , et La Langue française au Canada (1901) .
Tardivel fut avant tout journaliste catholique. Il fit du journalisme indépendant des partis politiques. Persuadé que la morale publique baisse, quand elle ne s'inspire pas des enseignements de l'Église, et que la législation et l'action politique deviennent facilement dangereuses, quand elles s'isolent des principes de la philosophie chrétienne, Tardivel n'a cessé de combattre toutes les infiltrations libérales qui pouvaient ici fausser les esprits. Il a dénoncé avec une particulière vigueur les influences occultes de la franc-maçonnerie . Il estimait encore que si les partis politiques sont nécessaires, l'esprit de parti peut facilement devenir une puissance aveugle et néfaste. La franchise, l'intransigeance, et quelquefois des erreurs d'appréciation, ont fait à Tardivel beaucoup d'adversaires. Tous se sont plu à louer la droiture de sa volonté, l'indépendance courageuse de sa plume et de ses convictions.
La langue qu'écrivait Tardivel est surtout faite de clarté et de raison. Elle n'a pas de brillant coloris, ni de surprises de mots. Cependant, elle devient facilement chaude et animée quand elle est mise au service des colères ou des hautes passions de l'écrivain.
Adolphe Routhier (1839-1920) fut mêlé pendant près de cinquante ans, et jusqu'à sa mort, à tous les mouvements littéraires de son temps. Il donna d'abord au public ses Causeries du Dimanche (1871), où il disserte sur de graves questions de doctrine, d'histoire de l'Église, et de critique littéraire. Quelques mois après s'élevaient autour des Causeries, et aussi autour des ambitions littéraires de plusieurs jeunes écrivains, des discussions ardentes où se heurtèrent les plus tenaces rivalités. Ce fut l'occasion des Silhouettes littéraires, des Portraits et Pastels, des Profils et Grimaces . Sous le couvert du pseudonyme, l'abbé Casgrain et Joseph Marmette, qui signaient Pla cide Lépine (Silhouettes littéraires), Hubert La Rue, qui signait Laurent (Profils et Grimaces), et Adolphe Routhier, qui se nommait Jean Piquefort, se renvoyaient dans les journaux les moins suaves aménités. Les Guêpes canadiennes ont soigneusement recueilli ces articles, tout ce miel amer de la critique. On relit avec intérêt ces pages, et en particulier les Portraits et Pastels de Routhier.
Plus tard, le polémiste se fit touriste, et il raconta ses voyages : A travers l'Europe (deux volumes, 1881 et 1883); En canot (1881); A travers l'Espagne (1889); De Québec à Victoria (1893). A cette littérature des récits et des souvenirs appartiennent aussi La Reine Victoria et son jubilé (1898), et Québec et Lévis (1900). Routhier se fit critique littéraire dans Les Grands Drames (1889), romancier en publiant le Centurion (1909), qui est un essai de reconstitution d'histoire juive et romaine au temps de Notre-Seigneur, et Paulina (1918), roman des temps apostoliques; il se fit aussi apologiste dans son livre De l'Homme à Dieu (1913). Il publia enfin un drame historique, Montcalm et Lévis (1918). En 1882, il avait publié un volume en vers : Les Échos.
Dans tous ces ouvrages, on retrouve les deux facultés maîtresses du juge Routhier, l'imagination et la sensibilité. L'émotion, plus fortement que la pensée, anime et remplit ses livres. L'auteur s'applique à écrire une langue personnelle, chaude et colorée.
Adolphe Routhier a porté dans ses discours, dont on a deux recueils, Conférences et Discours (deux volumes, 1890, 1905), ces mêmes notes caractéristiques de son talent. Il fut longtemps l'orateur préféré des auditoires académiques et populaires. Le don de l'émotion joint à une chaleur communicative de la voix et du débit lui firent remporter de grands succès. Mais son éloquence trop sensible, pas assez chargée d'idées, offre moins d'intérêt à la lecture. Elle s'inspire d'ordinaire des préoccupations religieuses et nationales de l'orateur et de ses contemporains. Retour à l'histoire de la littérature québécoise
BIBLIOGRAPHIE
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Source: Mgr Camille ROY, Manuel d'histoire de la Littérature canadienne de langue française , 21 ème edition, revue et corrigée par l'auteur, Montréal, Beauchemin, 1962 [1939], 201p., pp. 78-90. Le texte a été reformaté et les erreurs typographiques évidentes ont été corrigées.
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