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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History EncyclopediaM. LE VICE RECTEUR JEAN-BAPTISTE PROULX (1846-1904)par L'ABBE Jean Baptiste Proulx, qui fut longtemps curé de Saint Lin et vice-recteur de l'Université Laval à Montréal de 1889 à 1895, l'un des hommes les plus discutés mais aussi les plus considérables de son temps, est né à Sainte Anne de Bellevue, d'une modeste famille, le 7 janvier 1846. Il fit ses études classiques et théologiques au séminaire de Sainte Thérèse, et il fut ordonné prêtre, à Montréal, par Mgr Bourget, le 25 juillet 1869. Professeur un an à Sainte Thérèse, il passa ensuite quatre ans missionnaire au Manitoba. Revenu en 1875 dans son diocèse d'origine, il fut aumônier au couvent de Saint Laurent, professeur de lettres et d'histoire à SainteThérèse pendant sept ans, aumônier à Sainte-Darie (Montréal) deux ans, curé de l'Ile Bizard deux ans, et enfin curé de Saint Lin de 1888 à 1904. Le 27 juillet 1889, il était nommé, par Mgr Fabre, vice recteur de l'Université Laval à Montréal, poste qu'il occupa six ans, jusqu'au commencement d'octobre 1895, tout en restant curé de Saint Lin, avec deux et même trois vicaires pour l'assister. Démissionnaire de ses fonctions de vice-recteur, il continua d'être curé de Saint Lin jusqu'à sa mort. Mgr Fabre l'avait créé chanoine honoraire et l'Université Laval de Québec l'avait honoré du doctorat ès lettres. On a dit, en plus, que Léon XIII l'avait élevé à la prélature romaine. Je ne suis pas certain du fait, bien que je sache qu'il en a été question à Rome. Mgr Fabre, c'est connu, n'aimait pas, pour ses prêtres, ces sortes de distinction. Cela expliquerait peut être que la susdite prélature soit restée dans le domaine des possibilités. En tout cas, M. Proulx n'en fit jamais lui même état. Il mourut, assez soudainement, au cours d'un voyage à Ottawa, dans un hôpital de cette ville, le 1er mars 1904, à 58 ans. De stature moyenne et bien découplé, figure aux traits accentués, nez fort, bouche large, yeux vifs et perçants, chevelure fournie, du plus beau noir, teint très brun et chaud, M. Proulx respirait la force et la santé. Heureusement doué, d'autre part, de talents supérieurs et d'aptitudes diverses, très intelligent et de tempérament énergique, appliqué et travailleur, il semblait né pour l'action et on le sentait capable de rudes besognes. Et c'est ce qu'il a bien fait voir au cours d'une carrière aussi féconde que mouvementée. Missionnaire dans l'Ouest, il se dépensa avec ardeur au service des âmes. Professeur à Sainte Thérèse, il se montra un excellent maître par la solidité et la variété de ses connaissances, par l'ordre et la clarté de ses leçons, par son entrain et sa bonne humeur. Il ne contribua pas peu au relèvement de cette maison après l'incendie d'octobre 1881. Entre temps, il écrivit des petits drames et des comédies qui eurent du succès sur la scène écolière — Edouard le Confesseur, par exemple, et l'Hôte à Valiquette. Aumônier ou curé, il se dévoua pareillement, avec une grande générosité d'âme, à ses ministères. Mais, son oeuvre principale, c'est à l'Université, de 1889 à 1895, qu'il l'a accomplie. M. Proulx avait 43 ans quand il devint vice recteur en juillet 1889. Mgr Fabre et ses collègues de la province ecclésiastique de Montréal lui confiaient, en le nommant à ce poste, une lourde tâche, car on était à une époque de transition délicate et difficile. Mgr Bourget, qui avait administré Montréal de 1840 à 1876, et venait de mourir, après dix ans de retraite, à Sault au Récollet, en juin 1886, avait puissamment contribué, en 1852, à la fondation de l'Université Laval à Québec. Quinze ans plus tard, constatant que nombre de jeunes Canadiens de la région de Montréal, se trouvant trop loin de Québec, s'inscrivaient à l'université anglo protestante de McGill, ce qui constituait un danger pour leur foi, ou tout au moins pour leur formation supérieure catholique, il demanda à Rome l'établissement d'un siège universitaire catholique dans sa ville. Mais Québec avait des droits acquis et entendait les maintenir. De là des démarches, des requêtes, des « missions » à Rome, s'étaient succédées et poursuivies, dans l'un ou l'autre sens, avec beaucoup de vivacité. En 1878, l'Université Laval, sur le désir de Rome, établissait une succursale à Montréal, avec, outre la faculté de théologie confiée aux Sulpiciens du grand séminaire, une faculté de droit et une faculté de médecine, sous la dépendance de Québec. D'autre part, un groupe de médecins distingués, qui jouissaient de la confiance au moins tacite de Mgr Bourget, avaient fondé dans la métropole une Ecole de médecine et de chirurgie, affiliée à Victoria de Cobourg, dont les bâtisses se trouvaient près de l'Hôtel Dieu. Par suite, même après 1878, les pourparlers et les discussions s'étaient continués. Le Saint Père Léon XIII, afin d'assurer l'ordre et la paix, venait de commander, par une constitution apostolique en date du 2 février 1889 (le décret Jam dudum), de fixer à Montréal un autre siège (altera sedes) de Laval, pratiquement indépendant dans sa gouverne propre, mais relevant toujours de Québec pour la nomination officielle des professeurs et la collation des grades. C'est ce système nouveau que l'abbé Proulx était chargé de mettre sur pied et de faire fonctionner. Mgr Fabre, vice chancelier du nouveau siège universitaire, était un homme de douceur et de paix. Il voulait la bonne entente entre tous et la fidèle obéissance aux instructions du Saint Siège. Par ailleurs, tout en se soumettant au pape et à ses directions, son clergé en général et beaucoup de citoyens éminents cherchaient à obtenir encore plus d'autonomie pour le siège universitaire de Montréal et en particulier se refusaient à voir mourir tout simplement l'Ecole de médecine et de chirurgie ou, comme on disait, l'Université Victoria. De part et d'autre, les esprits étaient montés et l'excitation générale plutôt mouvementée. Le nouveau vice recteur, soutenu par Mgr Fabre et ses suffragants, Mgr Racine et Mgr Moreau, puissamment aidé en outre par le vénéré supérieur de Saint Sulpice, M. Colin, et par d'autres prêtres et laïques de premier rang, se mit généreusement à l'oeuvre. Il serait difficile de dire en quelques lignes ce qu'il dépensa d'énergie, de patience, d'ingéniosité et d'habileté à l'accomplissement de sa tâche. Il s'agissait d'abord de fusionner les deux écoles de médecine. La besogne était ardue, à cause des longs débats qui avaient précédé et par suite des opinions tranchées de quelques-uns des tenants des deux partis. Le vice-recteur y réussit. Quand, au commencement d'octobre 1891, eut lieu, dans l'ampithéâtre [sic] de l'Hôtel Dieu, l'inauguration officielle de la nouvelle faculté de médecine, qui réunissait les plus distingués professeurs des deux anciennes — ils étaient vingt trois, dont les deux derniers, le Dr Foucher et le Dr Guérin, viennent de mourir à l'été de 1932 — on peut écrire que M. Proulx remportait un beau triomphe. Tout cependant n'était pas fini. Quelques mois plus tard, M. Proulx se rendait à Rome, avec Mgr Racine — les étudiants du collège canadien dont j'étais se le rappellent — pour plaider et gagner, devant la Congrégation de la Propagande, la mise en acte selon ses vues des instructions pontificales. De retour au pays, il lui fallut discuter, devant la Chambre de Québec, les « bills » relatifs à la faculté de droit, à celle de médecine, à celle de médecine vétérinaire, à l'école polytechnique. Enfin, il eut à s'occuper de la construction de l'édifice universitaire de la rue Saint Denis, à y installer les divers cours et à tout ce qui s'ensuit. Et cela, il le fit modestement, selon les moyens dont il disposait, avec un souci constant des possibilités de l'heure. Aussi, en octobre 1895, lorsque M. Proulx, le vice recteur des temps troublés, dut quitter ses fonctions rectorales pour se confiner dans sa cure de Saint Lin, le second siège de Laval, l'altera sedes de Montréal, était il solidement établi. L'autonomie complète qui a été plus tard accordée à ce siège, devenu en 1919 l'Université de Montréal, il n'est pas exagéré de prétendre, je pense, que c'est lui principalement qui l'avait préparée et rendue possible. On l'a depuis, qu'on me pardonne de le dire en toute franchise, beaucoup trop oublié, même à l'Université. L'abbé Proulx a été aussi activement mêlé aux affaires politico religieuses canadiennes, lors des élections générales de juin 1896 qui portèrent sir Wilfrid Laurier au pouvoir. Le 11 septembre de cette année 1896, M. Proulx partait de nouveau pour Rome, chargé par Mgr Fabre d'exposer, devant les Sacrées Congrégations, la situation des choses au Canada. La question des écoles du Manitoba était à ce moment très vivante et l'on ne s'entendait guère à son sujet. M. Proulx a lui même raconté les circonstances de cette « mission » à Rome, en une brochure — Dans la ville éternelle pendant que se discutait la question des écoles du Manitoba — qu'il a pubilée, à son retour, en 1897. Je ne saurais y insister ici. Mais je crois pouvoir dire, en toute vérité, que si nous avons eu un délégué apostolique en avril 1897 — Mgr Merry del Val — puis la lettre encyclique Affari vos de Léon XIII en décembre de la même année et enfin l'établissement d'une délégation permanente à Ottawa en août 1899, ce qui assure la cohésion des esprits dans les décisions à prendre pour le maintien de nos intérêts religieux, le travail de M. Proulx au cours de sa « mission » à Rome de 1896 n'y a pas été étranger. C'est le moins que l'on puisse affirmer. L'ancien vice recteur, qui était un causeur plein d'attrait et un orateur éloquent, avait de même la plume alerte et facile, sinon toujours élégante et absolument correcte. Il a beaucoup écrit. Nous avons de lui plusieurs récits de voyages, qui ne manquent ni de vie, ni de pittoresque : Voyage à la baie d'Hudson (avec Mgr Lorrain en 1884), par exemple, et Cinq mois en Europe (avec le curé Labelle en 1885), et plusieurs autres. En plus, à propos de sa gestion universitaire, il a édité une dizaine de brochures considérables — de vrais volumes — qui en racontent les diverses péripéties et sont précieuses pour l'histoire. Toute sa vie d'ailleurs, jour par jour, avec une constance qui ne s'est jamais lassée, il a tenu le registre de ses actes et même de ses pensées. On, conserve ces « mémoires », en quelque soixante casiers, au séminaire de Sainte Thérèse. Toute sa vie est là ! On aura eu beau faire le silence autour de sa tombe et aussi de son souvenir pendant un temps, M. Proulx n'est pas de ceux qu'on peut oublier toujours. Nécessairement, l'histoire en tiendra compte. Ses dernières années ont été, c'est vrai, un peu assombries ou attristées. A cause des difficultés épineuses auxquelles il avait été mêlé, on l'a beaucoup discuté de son vivant même. Par respect pour des intérêts supérieurs qui lui étaient plus chers que la vie, il ne s'est pas toujours défendu comme il l'aurait pu. D'autre part, très bon et très charitable, ayant largement donné aux pauvres et aux oeuvres, en même temps qu'il se dépensait, à l'Université et ailleurs, pour le bien public, il n'a guère laissé de fortune en mourant, et même son crédit posthume en a souffert. Je sais, par des témoins dignes de foi, que sa succession aurait pu se régler plus avantageusement, si tous ceux qui étaient en situation et en mesure de le faire y eussent mis plus de bonne volonté. Mais il serait trop délicat pour moi d'entrer dans plus de détails. En somme, l'ancien vice recteur a donné sa vie, sans compter, aux causes les plus hautes et les plus nobles, à celle surtout de l'éducation supérieure. Il a pu se tromper, tout homme est faillible. Que s'il est permis ou loisible de ne pas approuver toutes ses idées et tous ses moyens d'action, on ne saurait ne pas reconnaître, et cela suffit à son honneur et à sa gloire, qu'il fut actif et tenace, intelligent et habile, sincère et dévoué, et jusqu'au fond de l'âme. En deux mots, l'abbé Proulx a été un prêtre utile à la sainte Eglise et un citoyen bienfaisant pour sa patrie et pour sa race. C'est là, je crois, ce que l'histoire se doit de proclamer. Source : Abbé Elie-J. AUCLAIR, Figures canadiennes. Première série, Montréal, éditions Albert Lévesque, 1933, 201p., pp. 127-137. Il est abondamment question de « l’ambassade » de l’abbé Proulx auprès du Vatican sur la question des écoles du Manitoba ailleurs au site. |
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Claude Bélanger, Marianopolis College |