Date Published:
15 August 2003 |
L’Encyclopédie de l’histoire
du Québec / The Quebec History Encyclopedia
L'Honorable
Sénateur Joseph-Hyacinthe Bellerose
(1820-1899)
JOSEPH Hyacinthe Bellerose, longtemps député de Laval,
puis sénateur, qui a passé sa vie à Saint Vincent
de Paul de l'île Jésus, naquit à Trois Rivières,
le 12 juillet 1820. Il mourut à Saint Vincent, le 13 août
1899, dans sa quatre vingtième année. Je l'ai bien connu,
quand j'étais tout jeune, car Saint Vincent est le village de
mon enfance. Je suis particulièrement heureux de faire place,
dans cette modeste galerie de nos hommes marquants, à celui que
nous appelions toujours "Monsieur le sénateur".
Bellerose commença son cours classique à Nicolet, où
on le trouve de 1833 à 1837, et il le termina à Saint
Hyacinthe, en 1841. Il entreprit, après avoir porté la
soutane un an ou deux, de faire son droit à Montréal.
Mais il ne fut jamais admis au barreau. Il se mit, en effet, peu après,
dans le commerce, à Saint Vincent de Paul. Le sénateur
David a écrit, dans une chronique à La Patrie, qu'il avait
été maître d'école. Peut être a t il
enseigné uniquement dans les collèges où il avait
étudié. En tout cas, vers 1845, il résidait à
Saint-Vincent. C'est là qu'il épousa, en 1847, Henriette
Armand, fille du lieutenant colonel François Armand et sœur
du sénateur Joseph-François Armand, de Rivière
des Prairies. Je ne leur ai pas connu d'enfants. Il fit aussi partie
de la milice, au moins dès 1855, ce qui était fort bien
vu à cette époque. Dans ma jeunesse, disons entre 1872
et 1878, M. le sénateur était le maire de notre paroisse
et il était aussi lieutenant colonel. Je l'ai entendu parler
plus d'une fois, dans les assemblées publiques, sur la place
de l'église, et je l'ai vu souvent, dans le champ avoisinant
le collège, parader, à la tête d'un bataillon, à
cheval et sabre au poing. Ce qu'il me paraissait important et imposant,
autant que fier et bel homme !
En 1853, l'un des condisciples de Bellerose à Saint Hyacinthe,
M. Norbert Lavallée, né à Saint François
du Lac en mai 1821 et ordonné prêtre en 1847, arrivait
à Saint-Vincent comme curé. Il devait diriger la paroisse
jusqu'en 1881, année où il mourut, le 6 novembre. M. Bellerose
se construisit bientôt une résidence voisine du presbytère,
à gauche en regardant la rivière, et les deux anciens
"maskoutains" se fréquentaient assidûment. En
ce temps là, à Saint Vincent, les hommes les plus considérables
du village étaient, avec le curé Lavallée et le
sénateur Bellerose, l'ancien notaire Césaire Germain,
le docteur Pominville et M. Hector Lussier, de la famille seigneuriale
de Varennes, propriétaire du manoir et des terres de Sabrevois
de Bleury.
Bellerose se porta candidat à la députation en 1861,
sous l'Union. Cette première fois, il échoua. Deux ans
plus tard, aux élections de juin 1863, il fut plus heureux et
devint le député de Laval à l'Assemblée
législative. Il garda son mandat jusqu'à la Confédération.
Aux élections d'août 1867, après l'établissement
de la Confédération, il fut élu tout ensemble pour
Ottawa et pour Québec, le double mandat étant alors admis.
Il fut réélu en 18 71, pour le comté Laval toujours,
de la même façon, pour les deux Chambres. Il siégea
à Ottawa jusqu'à sa nomination, le 16 octobre 1873, par
lord Dufferin, comme sénateur de la division de Lanaudière,
et il siégea à Québec jusqu'au 7 juin 1875. Il
s'occupait en même temps, et très activement, des affaires
municipales, et il a été maire de Saint Vincent, si je
ne me trompe (les registres de l'état civil n'existent plus),
une vingtaine d'années, de 1867 à 1887. Avec le curé
Lavallée et le notaire Germain, il s'intéressait aussi
aux écoles, nous visitait et nous donnait des prix. M. le sénateur,
en deux mots, s'occupait de tout, et il jouissait d'un grand prestige.
C'est à lui que Saint Vincent doit l'établissement, dans
son village, de la prison de la Réforme en 1861, puis du pénitencier
provincial, qui a remplacé la Réforme en 1873, ce qui
a constitué, au moins du point de vue matériel, une source
de prospérité.
Bellerose était conservateur en politique et il appuyait Cartier.
Mais il gardait une certaine indépendance dans ses vues et dans
ses attitudes, même vis à vis de son parti. A deux reprises,
Cartier lui offrit des postes importants et après la mort de
sir Georges, on voulut le faire ministre. Pour ne pas se lier, il refusa
tout. Finalement, il se sépara des "bleus", sans s'allier
aux "rouges", à propos de l'affaire des écoles
du Nouveau-Brunswick et du scandale du Pacifique. Du côté
de Québec, au temps de Chapleau, il fit aussi de l'opposition
et fut, avec Trudel et Tardivel, l'un des piliers du parti "castor",
un tenant de L'Étendard et de La Vérité. Dans les
questions politico religieuses, il soutint inlassablement les idées
et les activités de Mgr Bourget. De toutes manières, Bellerose
catholique ardent et patriote militant, resta, sa vie durant, un franc
parleur et un franc tireur. De tels hommes ne sont pas toujours commodes.
Mais, ils rendent souvent de précieux services au bien public.
Dans ses Portraits et Dossiers Parlementaires, publiés en 1873,
le journaliste Auguste Achintre (1834 1886) a comme suit brossé
la silhouette de Bellerose député : "Membre des Communes
et du Parlement provincial, il siège aux deux Chambres et remplit
les devoirs de ses deux mandats avec le zèle un peu brusque et
la ponctualité d'un général en tournée d'inspection.
C'est une individualité, presque un type. Son verbe, sa pose,
son éloquence, ses allures sont essentiellement militaires. Le
physique est à l'avenant. De fortes moustaches d'un blond vif,
auxquelles s'ajoute une impériale savamment tourmentée,
donnent aux traits accentués de sa figure énergique un
air martial et résolu. La voix est forte, l'organe vibrant, la
parole brève, martelée. Lorsque le membre pour Laval adresse
une interpellation au ministère ou défend les réductions
du budget, ses phrases coupées, rapides et nettes, rappellent
les feux de file d'un peloton d'exercice. La Chambre l'écoute
volontiers, car il est rare qu'un des projectiles lancés n'atteignent
point la cible . . ."
Devenu sénateur, et ce fut pour un quart de siècle, Bellerose
resta ce qu'il était député, et le portrait d'Achintre,
très réussi, lui convint jusqu'à l'extrême
vieillesse. A preuve, ce qu'en écrivait feu L. O. David, dans
la chronique dont j'ai parlé à La Patrie (1924), vingt
cinq ans après sa mort : "Bellerose était un ancien
maître d'école qui maniait la parole, comme il avait manié
la férule, avec une vigueur peu ordinaire, même quand il
eut vieilli. Doué d'un physique robuste et d'une voix puissante,
il parlait facilement et d'une façon convaincante. Aussi avait
il, devenu vieillard comme dans sa jeunesse, beaucoup de succès
dans les assemblées publiques . . ."
Le sénateur Bellerose vécut ses dernières années,
d'abord avec Mme Bellerose, puis une fois devenu veuf, en pension au
couvent, chez les bonnes Soeurs de la Providence, à Saint-Vincent,
dont il a été un bienfaiteur insigne. Il est mort là,
le 13 août 1899, à 80 ans. Ce fut un fidèle enfant
de l'Église et un crâne serviteur de son pays.
Source : Abbé Elie-J. AUCLAIR, Figures canadiennes. Deuxième
série, Montréal, éditions Albert Lévesque,
1933, 209p., pp. 86-91. |