Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juin 2006

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

 

Vos doctrines ?

(1926)

[Ce texte a été publié par Esdras Minville en 1926. Pour la référence bibliographique précise, voir la fin du document.]

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D'un bel article de M. Esdras Minville, Un pas dans le bon sens, paru dans L'Actualité économique, septembre 1926, nous reproduisons cet extrait qui en est la conclusion. Ce sont des pages qui méritent la plus grande publicité possible. Elles sont un témoignage, au surplus, de l'état d'esprit d'une portion notable de notre jeunesse qui pense. M. Mainville [sic] vient de commenter le résultat des dernières élections fédérales. Il conclut:

 

Canadiens français, nous avons plus que jamais l'obligation rigoureuse de réaliser promptement « l'union dans la race ». Le vent semble devoir bientôt souffler du bon côté. Ce n'est certes pas le moment de tirer la voile et de nous abandonner au sommeil qui, hélas ! nous envahit d'habitude si facilement, dès que le temps se met au beau. Nous avons autre chose à faire que d'attacher notre sort au sort aléatoire d'un parti politique et de re­mettre sans arrière-pensée notre boussole entre les mains d'un capitaine étranger. Appuyer un groupe ne veut pas dire s'y inféoder. Si la politique est autre chose qu'une fumisterie solennelle et un vaste mensonge, il y a lieu, il est vrai, d'espérer. N'oublions pas néanmoins que, pas plus que l'autre, le parti politique monté encore une fois à la direction des affaires, grâce à notre concours unanime, n'a pas toujours récompensé autant que la jus­tice l'aurait voulu notre longue fidélité. C'est donc plus que jamais le moment de tenir l'oeil ouvert et de donner à nos représentants au parlement central des directives assez précises pour qu'ils ne puissent jamais s'en écarter.

 

Nous permettra-t-on, pour terminer, une remarque à laquelle on ne pourra peut-être reprocher que sa trop rude franchise? Jusques à quand nos chefs de file — nous pourrions en aligner au moins dix sur le pavois, dont les noms se pressent sous notre plume, et qui dépas­sent de quinze coudées les chefs actuels des partis politi­ques — nous donneront-ils le spectacle affligeant de leur lamentable division? Nous, les jeunes, tenons les yeux fixés sur eux. C'est à eux qu'il appartient de dissoudre les chapelles, de briser les coteries qui nous dressent les uns contre les autres et, les premiers, de dompter l'indi­vidualisme forcené qui nous ronge tous ensemble. Oh! la doctrine assez lumineuse pour chasser les nuées qui obscurcissent nos intelligences, assez forte pour capter et relever nos volontés éparses et fléchissantes et les galva­niser en un vouloir irréductible, la doctrine salvatrice qui nous a tant manqué, qui donc en formulera les prin­cipes, qui donc en imprégnera les esprits? Qui donc? sinon les chefs, ceux dont l'autorité et le prestige commandent, à la condition toutefois que chacun d'eux veuil­le descendre de la tour d'ivoire où il se réfugie au­jourd'hui si volontiers, que tous ensemble ils consentent enfin à se rencontrer et, d'un geste généreux, apaisent la mêlée et, écartant les griefs pour n'écouter plus que l'ap­pel de leur conscience, préparer avec amour, article par article, dans l'accord d'une même pensée, le credo politi­que que nous réclamons ! Sont-ils, sommes-nous, tous tant que nous sommes, encore capables d'un si grand geste? Nous nous rallions d'un mouvement unanime autour d'un étendard politique. Pourquoi faut-il que nous hé­sitions si longtemps à nous grouper autour du seul dra­peau qui devrait en appeler à notre fierté et à notre sens national: le drapeau canadien-français? Depuis longtemps, nous devrions avoir les yeux rivés à ce labarum, qu'aucune bannière politique n'a jamais égalé et n'égalera jamais en grandeur et en beauté. Et qu'on ne vienne pas nous parler d'égoïsme de race. Nous ne prêchons pas l'isolement. Nous ne demandons, pour prêter notre plus entière collaboration, que la stricte justice. D'ailleurs, quel homme sensé croira un seul instant que notre dé­chéance servirait les intérêts de la collectivité canadienne? Pensons à nous d'abord, travaillons pour nous. La population canadienne, sans distinction de race, bénéficiera, politiquement et matériellement, de notre effort pour grandir dans le seul sens logique et admissible : celui que nous indiquent et notre origine et notre génie.

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Source : Esdras MINVILLE, « Vos doctrines ? … », dans l’Action française, Vol. XVI, No 10 (octobre 1926) : 235-237.

 

 
© 2006 Claude Bélanger, Marianopolis College