Date Published:
Février 2006 |
Documents de l’histoire du Québec / Quebec History Documents
Manifeste des Jeunes laurentiennes
[1944 ou 1945]
L’association des Jeunes Laurentiennes groupe la jeunesse féminine canadienne-française, pour la mettre plus efficacement au service de Dieu, de la Famille, de la Patrie de nos pères et de nos mères.
Elle veut que, chez nous, l’homme et la femme de demain partagent et vivent les mêmes convictions religieuses et patriotiques pour un accomplissement plus parfait de leurs devoirs familiaux et nationaux.
L’association a pour devise : OSONS!
Osons perpétuer le « miracle canadien »; osons orienter la femme vers le plein épanouissement de son âme catholique et française; osons travailler au relèvement économique, social, national et spirituel de notre race.
Brève déclaration de principes
Les Jeunes Laurentiennes sont des catholiques croyantes et pratiquantse. En toute leur vie publique et privée, elles ne reconnaissent pour lois suprêmes que leur foi religieuse et la morale catholique. Elles confessent que la réalisation de leur programme, même sur le plan temporel, ne va pas sans l'acceptation d'une ascèse fondée sur le catholicisme.
La Jeune Laurentienne tend en droiture à l'action. Toute sa vie, même ses études, sont orientées directement en ce sens.
Programme général
1.- Dans le domaine économique:
Le Jeune Laurentien estime qu'un peuple ne peut rester asservi dans sa vie économique, sans graves dangers pour sa culture et pour sa vie sociale et politique. C'est l’état naturel et c'est un droit pour un peuple que d'être maître chez soi.
Dans l’émancipation économique du peuple canadien-français, la Canadienne française, chargée, pour la plus grande part, des achats de la famille, tient et doit tenir un rôle des plus importants. En conséquence, comme action immédiate, les Jeunes Laurentiennes se vouent :
- A la ressaisie du pouvoir de consommation des Canadiens français, par la pratique de l' "Achat Chez Nous", et par l’application du système coopératiste dans ses multiples formes;
- A la ressaisie de l'épargne canadienne-française par l'encouragement aux caisses populaires, aux compagnies d'assurances et aux mutualités canadiennes-françaises; plus spécialement aux caisses de dotation en vue, non seulement de faire épargner, mais d’attacher à l’épargne une fin stimulante.
- Les Jeunes Laurentiennes se vouent encore à l’encouragement aux écoles ménagères;
- Tout particulièrement au développement de l’artisanat, en propageant, entre elles et dans le public, la mode, pour jeunes ménages, de mobiliers et de garnitures de maison de fabrication artisane.
2.- Dans le domaine social:
Les Jeunes Laurentiennes s'inspirent de la doctrine sociale de l'Église catholique.
- Elles se donnent pour principale fin la restauration de la famille canadienne-française. Cette famille, elles veulent s’employer à la replacer dans ses traditions, c’est-à-dire faire d’elle une famille féconde, amie de l’enfant, et puissamment éducatrice.
- Pour y parvernir les Jeunes Laurentiennes :
a. étudieront tous les problèmes, tous les maux qui affectent, à l’heure actuelle, la famille canadienne-française;
b. elles se feront un devoir de se préparer à leur rôle auguste d’épouses et de mères;
c. elles suivront, autant que possible, des cours d’enseignement ménager, des cours de puériculture, et surtout des cours qui leur apprendront le grand art de l’éducatrice;
d. elles s’appliqueront, en particulier, à réacclimater à l’atmosphère du foyer et à ses tâches, leurs nombreuses compagnes obligées, par devoir, de gagner leur vie au bureau, au magasin, à l’usine;
e. elles apprendront l’art de tenir une maison qui plaise à l’homme et aux enfants, et qui soit d’abord d’une atmosphère catholique et canadienne-française;
f. elles se feront les avocates du retour à la maison stable, possédée comme un patrimoine familial ; elles s’efforceront d’obtenir la réforme législative qui restaurera, dans nos villes, le goût l’ambition de la propriété et d’abord en rendre l’accès possible
g. elles veulent accorder une attention toute spéciale à la famille de milieu rural, attacher à ce réservoir le plus sain et le plus fécond de la race, toutes celles qui y peuvent être attachées;
h. elles veulent travailler au retour de la femme au foyer, par toute la suppression possible du travail et des amusements en dehors du cercle familial;
i. elles entendent combattre dès maintenant la violation du repos dominical et les graves abus du travail féminin dans les usines;
j. elles donnent leur encouragement aux syndicats catholiques et nationaux, aux oeuvres patronales, à l'oeuvre du logement salubre et des Cités-Jardins
3.- Dans le domaine national:
Les Jeunes Laurentiennes adhèrent à la doctrine et à la mystique nationale de monsieur le chanoine Lionel Groulx.
Jusqu’ici la femme a vécu en marge de la vie nationale; il faut que désormais elle ait son rôle à jouer et qu’elle le joue. Elle doit être canadienne française au foyer et dans ses relations sociales. En conséquence, les Jeunes Laurentiennes réclament :
- Une école d'éducation nationale, c'est-à-dire une école (écoles élémentaires, collèges, couvents, universités) qui arme le jeune Canadien français et la jeune Canadienne française de toutes les puissances de leur culture et qui leur donne la volonté généreuse de s'associer à la mission de leur nationalité;
- L'emploi de tous les moyens propres à affirmer, au Canada, dans les Amériques et dans le monde, la personnalité nationale et le vouloir-vivre des Canadiens français, en particulier:
a. par l'usage fier de la langue française dans tous les domaines de la vie privée et publique;
b. par la diffusion du drapeau national canadien-français (le fleurdelisé à croix blanche sur fond bleu royal), n'ayant de cesse qu'il ne soit arboré sur tous nos édifices publics, sur le toit de tous nos foyers, sur la poitrine de tous les nôtres;
c. par la célébration régulière et enthousiaste de la fête de Marie Rollet, de la Saint-Jean-Baptiste, en particulier de la Saint-Jean-Baptiste des Jeunes, dans tous les villages ou hameaux du Canada français;
d. par l'élimination progressive des sociétés féminines qui américanisent les Canadiennes françaises en ne leur apprenant que le neutralisme national;
e. par une prise de conscience plus vive de la mission du Québec, dans le Canada français, dans l'Amérique française, et dans tout le bloc latin du continent;
f. par la substitution du journal d'idées au journal de papier, c'est-à-dire par la diffusion de la bonne revue, l’Action Nationale, Relations, la Famille, par propagande en faveur du bon journal, tout spécialement par la diffusion du quotidien Le Devoir, Le Droit et La Boussole, les plus fiers champions de la cause canadienne-française.;
g. par la résurrection des souvenirs historiques du petit pays;
h. par l’encouragement aux écrivains et aux artistes canadiens-français.
Conclusion
Les Jeunes Laurentiennes adressent leur appel à toute la jeunesse féminine du Canada français, à toutes les jeunes filles qui ont encore au cœur le culte de la famille, le culte de notre avenir et de notre mission comme peuple. Nous voulons être le chaînon qui nous reliera à la lignée des aïeules héroïques, aux femmes de tête et de cœur qui ont forgé l’âme de notre race et nous ont mérité notre survivance. Nous allons prier et travailler ensemble pour une ressaisie profonde de l’âme canadienne-française, pour une véritable renaissance nationale, pour l’accomplissement des nobles destins de notre petit peuple.
Source: Archives du centre de recherche Lionel Groulx. Transcription par David Rajotte.
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