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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
Louis Hébert(1575?-1627)
HEBERT (Louis) (1575-1627), apothicaire royal, premier colon en Acadie et au Canada, procureur, premier seigneur de la Nouvelle-France.
Fils de l'apothicaire de la reine Marie de Médicis, Louis, né vers 1575, apothicaire lui-même, accompagna en 1604 M. de Monts et les hardis pionniers de l'Acadie. Marc Lescarbot seul mentionne son nom dans son Histoire en 1609, affirmant que, dans le bassin de Port-Royal, son nom fut attribué à l'île Hébert et à la rivière Hébert, que les Anglais appellent encore aujourd'hui Bear Island et Bear River : ainsi Hébert est fait, par homonymie, synonyme d'Ours. En 1606, M. de Poutrincourt « fit cultiver un parc de terre pour y semer du blé et planter la vigne, à l'aide de l'apothicaire, homme qui, outre l'expérience de son art, prend plaisir au labourage ». Toute la colonie rentrait en France en 1607.
Mais en 1610, Louis Hébert retourne au Port-Royal avec M. de Poutrincourt. En 1612, le Père Biard reconnaît sa science médicale et ses attraits agricoles : Hébert donna ses soins au sagamo Membertou. Quand, le 16 mai 1613, la Fleur-de-Mai du capitaine La Saussaye aborde à Port-Royal pour y embarquer les Jésuites Biard et Massé, l'on n'y trouva qu'eux et leur serviteur, Hébert et un cinquième, les autres étant bien loin : ce fut à l'apothicaire que l'on présenta les lettres de la Régente autorisant le déplacement des missionnaires. Après le sac de l'habitation par Argall, Louis Hébert rentra en France. Des historiens ont affirmé que son épouse l'avait accompagné en 1610 : elle n'est mentionnée dans aucun document, étant alors mère de jeunes enfants.
En 1617, un ami le persuada à Paris d'émigrer avec sa famille aux bords du Saint-Laurent : c'était évidemment Champlain. Celui-ci s'en ouvrit aux directeurs de la Compagnie des Marchands, qui offrirent à l'apothicaire 100 écus et l'entretien des siens «pour trois ans » : offre qu'il accepta.
M. de Monts, intéressé dans la Compagnie, lui écrivit une lettre, le 18 février 1617, datée de Pons en Saintonge; il lui exprimait son très grand contentement de sa détermination, sachant combien il avait été soigneux au travail dans l'établissement du Port-Royal; il avouait que jusque-là personne ne s'est rencontré pour l'habitation de Québec, où il fallait la culture de la terre et l'entretien du bétail; qu'il l'exhorte à continuer dans ce dessein, malgré les difficultés et les incommodités que « les petits courages n'osent entreprendre »; qu'il écrit aux Marchands de Rouen de la Société, « les priant de lui donner les 100 écus que M. de Champlain lui a mandé qu'il désirait avoir pour accommoder sa famille »; qu'il croit qu'ils ne lui refuseront pas si peu de chose, assurés que la somme leur rapportera « puisque les essais de semences sont déjà faits »; que le succès certain donnera envie à beaucoup d'autres de lui aller tenir compagnie et partager « l'honneur qu'il en aura acquis »; qu'il priera Dieu de conserver sa famille et de bénir ses labeurs, l'assurant qu'il est « son affectionné ami ».
A la vue de cette lettre, est-il rapporté dans le factum anonyme Au Roi sur la Nouvelle-France, M. Hébert vend ses meubles et son avoir, part joyeux de Paris avec sa femme, ses enfants, son beau-frère, « six en nombre », et se rend à Honfleur pour s'embarquer et y acheter des rafraîchissements pour les siens. Inopinément il se voit appeler des Marchands, qui lui parlent de s'obliger envers eux en plusieurs manières. M. Hébert leur dit très à propos : qu'on ne lui avait dit auparavant rien de semblable au déménagement; que, venu à ses frais avec sa famille à Honfleur, il lui était impossible de rentrer à Paris. On refusa de l'embarquer sans signer le contrat de leurs requêtes. Leurs exigences comprenaient ceci : Louis Hébert de Paris, avec sa famille, deux filles et un fils et Claude Rollet, reconnaît se louer par acte à la Compagnie de Canada pour s'habituer au pays, devra pendant deux années travailler aux ordres des commis à Québec pour le service de la dite Compagnie; ces commis lui donneront licence de défricher, labourer, améliorer les terres, et le provenu (rendement) de ses labeurs, il le mettra entre leurs mains, moyennant quoi la Compagnie lui promet de verser 300 livres tournois : sans qu'elle soit tenue de le nourrir, ni de le défrayer d'aucune chose, ni lui donner aucun loyer, moyennant quoi elle lui permet de faire tels labeurs de culture, tabac, blé d'Inde, jardinage, dont les provenus seront à la disposition des commis pour les vendre à la Compagnie au même prix qu'en France : il ne pourra, à peine de confiscation de tous biens, faire la traite avec les Sauvages ni autres : mais pour subvenir à ses nécessités, la Compagnie lui a baillé d'avance la somme de 120 écus valant 300 livres tournois; il devra assister de tout son pouvoir les malades, sans salaire. — Honfleur, le 6 mars 1617 : signé, Thomas Porée, Louis Hébert, Vermule, Boyer.
Le Saint-Etienne appareilla le 11 avril 1617, ayant à bord le Père Le Caron, qui retournait à Québec. Périlleuse traversée, durant laquelle Mme Hébert éleva par les écoutilles le plus jeune de ses petits enfants. afin qu'il reçût aussi la bénédiction du prêtre. Le 14 juin, le voilier accoste à Tadoussac et, le 15 juillet, les colons abordent à Québec et ravitaillent les habitants. En automne, l'apothicaire accorde la main de sa fille aînée, Anne, à Etienne Jonquet, de Normandie : tous deux meurent en 1619 sans postérité. Le 26 août 1621, Guillemette Hébert épousa Guillaume Couillard. Depuis un an, Louis était investi de la charge de procureur du roi. Le 4 février 1623, il obtint du duc de Montmorency le fief du Saut-au-Matelot; puis le 28 février 1626, du duc de Ventadour, celui de la rivière Saint-Charles, « d'une lieue française de terre sur quatre lieues de profondeur ».
Les sieurs De Caen exercèrent envers M. Hébert les mêmes vexations draconiennes Ainsi, le truchement, Etienne Brûlé, voulait prêter à l'apothicaire 100 écus sans intérêt pour payer ses serviteurs : le sieur De Caen s'y opposa, se substituant au taux de 25 % d'intérêt. M. Hébert, ayant des bœufs sans avoir de charrue, demanda à un sieur Jean de La Trompette, résidant à Dieppe, de lui en procurer une, moyennant remboursement : le sieur De Caen le lui défend, affirmant que cela regardait son intérêt. M. Du Pont-Gravé avait loué en Normandie le service de deux hommes « à bon marché » pour M. Hébert : M. De Caen par malice leur refusa le passage à bord. En 1625, craignant qu'on ne lui fasse rendre gorge, Emery De Caen ordonna d'accorder à M. Hébert pour 100 livres par an de vivres, afin de répandre le bruit « que l’on ne peut vivre au pays sans subsistance et sans les subsides des agents-directeurs, fermant ainsi la bouche à la famille Hébert ». Ainsi l'héroïque premier colon du Canada travailla sans cesse, « pour les autres et non pas pour lui », de l'aveu désolant de M. de Champlain.
Le 23 janvier 1627, ayant au préalable fait une chute grave, il succombait à ses conséquences. Le chroniqueur Sagard, lui met sur les lèvres, au lit de mort, de fort beaux accents chrétiens. Sa veuve, Marie Rollet, se remaria, le 16 mai 1629, à Guillaume Hubou et ne lui donna point de postérité : au retour des Jésuites en 1632, elle hébergea plusieurs Sauvagesses orphelines et mourut le 27 mai 1649; enfants :
Guillaume, aîné et unique fils, épousa le 1er octobre 1634 Hélène, fille de Pierre Desportes et de Françoise Langlois et en eut trois enfants : il mourut en 1639 et sa veuve s'unit en 1640 à Noël Morin; enfants :
Joseph, né le 3 novembre 1636, se maria le 12 octobre 1660 à Charlotte-Marie, fille de Pierre-Charles de Poitiers, écuyer et capitaine d'infanterie, et d'Hélène de Belleau. La Relation de 1661 contient une lettre d'un prisonnier chez les Agniers, où il est dit que « M. Hébert, qui avait été blessé d'un coup de fusil à l'épaule et au bras, fut donné aux Onéiouts et qu'il a été poignardé à coup de couteau par des Iroquois ivres ». Sa jeune veuve sans enfant se remaria en 1667 à Simon Lefebvre, sieur d'Angers;
Françoise, née en 1638, épousa en 1651 Guillaume Fournier à qui elle donna quinze enfants;
Angélique, née en 1639, mourut au berceau.
Ainsi la famille Hébert ne s'est perpétuée que par les enfants de la famille Fournier, apparentée, il est vrai, aux descendants de la famille Morin.
BIBL. - Arch. can., Ottawa; Sagard Théodat, Hist. du Can., Paris, 1636; Az. Couillard Després, Hist. de la Prem. Fam. fr., Montréal, 1907; R. G. Thwaites, The Jes. Relat., t. 72, Cleveland, 1904; H. P. Biggar, The Early Trad. Co. of New-Fr., Toronto, 1901; C. H. Laverdière, Œuvres de Champlain, 6 vol., Québec, 1870; Bull. des Rech. hist., tabl. gén., Beauceville, 1925.
[Sur Louis Hébert, on complètera, et vérifiera, les informations en consultant sa biographie au site du Dictionnaire biographique du Canada]
Source : Louis LEJEUNE, Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Tome I, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931, 862p., pp. 744-746.
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Claude Bélanger, Marianopolis College |