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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
Louis Coulon de Villiers
VILLIERS (Louis Coulon de) (1710-51), frère de Nicolas-Antoine, sieur de Villiers, surnommé le Grand Villiers, cadet à l'aiguillette, enseigne en second et en pied, lieutenant, capitaine, chevalier de Saint-Louis.
Il naquit le 10 août 1710 et il suivit son père à la rivière Saint-Joseph des Illinois, en qualité de cadet .à l'aiguillette. En 1732, il fut promu enseigne en second. On pense qu'il servit ensuite au pays d'en-haut (1739), dans la campagne contre les Chicachas, au fort Saint-Frédéric (1741-44), en Acadie en 1746, sur le lac Ontario en 1747, en qualité de lieutenant.
En 1750, il reçut le commandement du fort des Miamis avec des instructions précises de M. de La Jonquière, qui insiste « sur le crédit qu'il s'est acquis parmi ces nations, sur sa capacité et le zèle qu'il a pour le service du roi, et se rapporte à la sagesse, prudence et expérience du dit seigneur, pour tous les cas non prévus dans la présente instruction ». En effet, a l'occasion de l'inventaire des biens de son frère aîné, le notaire le mentionne ainsi : « Louis Coulon, écuyer, sieur de Villiers, lieutenant dans les troupes, actuellement dans les pays d'en-haut » (1752). Le 31 octobre 1753, M. Du Quesne écrivait au ministre que « malgré la précaution du sieur de Villiers, les Miamis rebelles ont été lever la chevelure chez les Anglais ». Le 29 décembre, à son retour, il se maria à Montréal et l'acte dit qu'il est « capitaine des troupes de cette garnison ».
Sur les entrefaites, le gouverneur organisa un envoi de renforts à M. de Contrecoeur, levant un groupe de Sauvages chrétiens qu'il confia à de bons officiers et les fit partir pour la Belle-Rivière. Le 4 juin 1754, ils étaient rendus à Chatocoin, lac situé dans le comté de Chatauque (N.-Y.). En effet, l'ingénieur de Léry fils, qui s'y trouvait, écrivit dans son journal : « Le 14 du mois à 6 heures du soir, sont arrivés M. de Villiers, capitaine, à la tête des Nipissings et Algonquins; M. de Longueuil, capitaine, avec les Iroquois; M. de Montesson, lieutenant, avec les Abénaquis; M. de Longueuil, enseigne en second, avec les Hurons de Lorette, tous ensemble faisant le nombre de 120 à 130 hommes. » Puis il ajoute : « M. de Villiers et les autres officiers partent, le 16, pour le fort Du Quesne sur le lac en canots d'écorce. »
Le capitaine, commandant de ce parti, portait à M. de Contrecoeur de la poudre et des marchandises (Lettr. de Péan, 15 juin). M. de Péan, qui était alors à Chatocoin, écrivait en outre à M. de Contrecoeur, son oncle : « J'ai eu bien de la peine à me défaire de M. de Carqueville, qui est un excellent officier; lui, avec M. de Villiers et Le Mercier vous seconderont parfaitement : j'envie leur bonheur. » Le parti arrivait, le 26, au fort Du Quesne, à huit heures du matin : M. de Contrecoeur lui apprit l'assassinat de son frère de Jumonville, en date du 28 mai dernier, et le dessein qu'il avait formé de faire partir, le lendemain, un détachement de 500 Français et de quelques Sauvages pour aller chasser les Anglais et venger la mort des siens; il destinait le chevalier Le Mercier au commandement de la troupe.« Mais, écrit M. de Villiers dans son journal, comme j'étais son ancien, que je commandais les nations et que mon frère a été assassiné, M. de Contrecoeur m'honora de ce commandement, et M. Le Mercier me témoigna qu'il se ferait grand plaisir de faire la campagne sous mes ordres. J'assemblai les Sauvages domiciliés pour leur faire accepter la hache, que M. de Contrecoeur leur présenta, avec un collier à chaque nation, en leur prononçant un discours avec sept branches à la main. Tous acceptèrent la hache; et l'on chanta les chansons de guerre. Le 27, on délibéra, M. de Contrecoeur, les sieurs Le Mercier, de Longueuil et moi, sur le plan de la campagne et la façon de traiter avec les Anglais. Le 28, M. de Contrecoeur me remit l'ordre de partir. Le 29, on dit la messe au camp, et l'on se mit en marche. Le 30, nous étions au hangar, qui était de pièces sur pièces, bien crénelé, de 32 pieds de long sur 22 de large, où on laissa vivres et gardes. Le 1er juillet, j'y laissai un bon sergent avec 20 hommes et quelques Sauvages malades, ainsi que les pirogues et des munitions : l'aumônier ne pouvant plus continuer le voyage, nous donna l'absolution générale et retourna au hangar.
On envoya en avant des découvreurs et l'on se mit en marche, le 2. Il me vint des Sauvages du hangar avec un Anglais déserteur, qui avoua que les Anglais avaient rejoint leur fort (Necessity). Le 3, malgré la pluie, quelques Nipissingues et Algonquins refusèrent d'aller plus loin, et je leur dis de rester là. Ayant marché tout le jour par la pluie, j'arrêtai au lieu où mon frère avait été assassiné, et j'avançai en ordre, et j'aperçus Ies Anglais sur la droite en bataille, qui venaient à nous. Les Sauvages et nous, fîmes le cri et avançâmes à eux, qui se replièrent sur le fort : on s'attacha à l'investir, le bois étant à une portée de fusil. Le feu fut très vif de part et d'autre et nous parvînmes à éteindre, par notre mousqueterie, le feu de leur canon : ce qui m'inquiéta était bientôt le manque de munitions. M. Le Mercier me proposa de faire des fascines pour les resserrer au fort, la nuit, et j'ordonnai à M. de Bailleul de rassembler le plus de monde possible, en cas de sortie générale : et nous prîmes aussi des caches de vivres, munitions et marchandises qui encouragèrent Sauvages et miliciens. Le feu du fort se ralluma avec vigueur de six à huit heures du soir; la pluie continuant et les hommes épuisés, je proposai à M. Le Mercier d'offrir aux Anglais de parler : un capitaine vint qui fut reçu par mon second : nous leur dîmes que, n'étant pas en guerre, nous ne voulions pas les exposer aux cruautés de nos Sauvages en nous résistant, que nous étions sûrs de les réduire, la nuit, et que nous faisions grâce de capituler, n'étant venus que pour venger mon frère et ses compagnons et les chasser du domaine du roi de France.
« Capitulation accordée, ce 3 juillet 1754, à 8h.du soir :
« Art. 1er. Nous accordons au commandant anglais de se retirer avec toute sa garnison dans son pays, et lui permettons d'empêcher qu'il lui soit fait aucune insulte par nos Français et Sauvages;
« Art. II. Il lui sera permis de sortir et d'emporter tout ce qui lui appartiendra, à l'exception de l'artillerie et les munitions de guerre que nous nous réservons;
« Art. III Nous leur accordons les honneurs de la guerre, avec une petite pièce de canon, voulant bien par là prouver que nous les traitons en amis;
« Art. IV. Les articles signés, ils amèneront sitôt le pavillon anglais;
« Art. V. Demain, à la pointe du jour, un détacheraient français ira faire défiler la garnison et prendre possession du dit fort;
« Art. VI. Ils seront libres de mettre leurs effets cachés pour les venir chercher, quand ils auront rejoint des chevaux, y laissant autant de gardiens qu'ils voudront, aux conditions qu'ils donneront paroles d'honneur de ne plus travailler à aucun établissement dans ce lieu ici, ni en deçà la hauteur des terres, pendant l'année à compter de ce jour;
« Art. VII. Comme ils ont en leur pouvoir un officier, deux cadets et les prisonniers faits dans l'assassinat du sieur de Jumonville et qu'ils promettent de les renvoyer avec sauvegarde jusqu'au fort Du Quesne, et que, pour sûreté de ce traité, MM. Jacob Vanebrane (Van Braam) et Robert Stobo, tous deux capitaines, nous seront remis en otage jusqu'à l'arrivée de nos Canadiens et Français, nous obligeant de notre côté à donner escorte pour ramener en sûreté les deux officiers qui nous promettent nos Français, dans deux mois et demi pour le plus tard. — Fait en double sur un des postes de notre blocus.
Signé : James Mackay, George Washington, Coulon-Villiers.
« Pouvions-nous attendre des avantages si considérables vis-à-vis d'ennemis presque aussi nombreux que nous, qui nous attendaient depuis plusieurs jours, qui avaient une prairie où était leur fort, qui avaient neuf canons, qui n'étaient attaqués que par une mousqueterie sauvage ou d'habitants peu accoutumés à la discipline militaire? Aussi ne dois-je le succès de cette entreprise qu'à leur valeur, à la fermeté des officiers et à l'exemple des cadets qui composaient ce parti.
« Le 4, je fis prendre possession du fort : la garnison défila, et le nombre de leurs morts et blessés m'excita à la pitié, malgré mon ressentiment de la façon dont ils avaient fait périr mon frère. Nos Sauvages prétendirent au pillage auquel je m'opposai; mais les Anglais, encore pétris d'effroi, prirent la fuite, laissant leur pavillon, et un drapeau, et leur pièce de canon. Je démolis leur fort et M. Le Mercier fit casser les canons et futailles de boissons pour obvier à un désordre certain : un Sauvage prit 10 Anglais que je fis renvoyer par un autre. J'en ai été quitte dans cette attaque pour deux Français tués et un Panis, 17 blessés dont deux Sauvages. Je fis ce jour environ deux lieues, portant sur des brancards blessés et malades. Le 5, j'arrivai au camp des Anglais dont je fis défaire le retranchement et brûler les maisons, détachant M. de La Chauvignerie pour détruire celles des environs. Le 6, je fus au hangar, arrangeai les pirogues, ravitaillai le détachement, trouvai quelques caches et fis brûler le hangar; j'embarquai et fus obligé, vers les 6 heures du soir, à camper par une très grosse pluie. Le 7, on continua la route, en brûlant tous les établissements que je trouvai : et sur les 4 heures je remis mon détachement à M. de Contrecoeur » (V. Am. Gosselin).
Ce brillant fait d'armes eut un grand retentissement dans la colonie. A la fin du mois, M. de Villiers apportait à M. Du Quesne les lettres de M. de Contrecoeur; le gouverneur répondit « qu'il avait été fort aise d'embrasser cet officier qui vient de si bien servir l'Etat et sa patrie ». La santé compromise du capitaine exigea quelques mois de repos. Puis il est envoyé à Niagara, à la fin de juin 1755, avec un détachement de 200 hommes pour former un camp d'observation; il reçut, au mois d'août, un renfort du fort Presqu'île. La défaite de Braddock retarda la marche en avant des Anglais. Et M. de Villiers fut rappelé à Montréal par M. de Vaudreuil (15 novembre). Ce dernier faisait des plans pour déloger l'ennemi de Chouaguen. C'est Montcalm qui dirigea les opérations; mais M. de Villiers se distingua sous ses ordres, empêchant les Anglais de sortir du fort et méritant ainsi l'estime et les éloges du général. Il se distingua également à Carillon, d'où il revint hiverner à Montréal (1756).
L'année suivante fut remarquable surtout par la prise du fort William-Henry. M. de Villiers, à la tête de 300 volontaires et Sauvages, se signala comme toujours. « Je ne saurais trop me louer de cet officier, écrivait Montcalm; il a marché avec un zèle qu'on lui connaît; sa réputation est bien faite et n'a pas besoin d'actions pour l'augmenter.» Sa nomination au titre de chevalier de Saint-Louis, datée du 1er mai 1757, lui fut notifiée à l'automne. Mais il tombait malade en octobre de la petite vérole et il en mourut le 2 novembre suivant. Le même jour, Montcalm apprenait la nouvelle à M. de Lévis : « Je suis inconsolable de la perte du pauvre Villiers : je n'écris pas à sa femme, mais dites-lui combien je regrette son mari et que, indépendamment de tout ce qu’elle mérite par elle-même, je serai toujours fort aisé de lui témoigner, en toute occasion, l’estime singulière que j’avais pour Villiers. »
Il avait épousé à Montréal, le 29 décembre 1753, Marie-Amable Prud’homme, qui lui donna une fille, Louise, née le 3 juin et inhumée le 6 septembre 1755. Sa veuve reçut une pension de 150 livres et épousa (15 septembre 1760) Michel Mongon de Jarimeau, seigneur de La Garde et capitaine au régiment du Berry.
Source : Louis LE JEUNE, «Louis Coulon de Villiers», dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. II, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931, 829p., pp. 795-798.
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© 2006
Claude Bélanger, Marianopolis College |