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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
Les AcadiensHistoire de l'agriculture et de la colonisation
[Ce texte a été rédigé par Louis-Marie Le Jeune, o.m.i.; il fut publié dans son Dictionnaire en 1931. Pour la citation exacte, voir la fin du texte. Pour une courte biographie du Père Le Jeune et une discussion de la valeur de son Dictionnaire, voir ce texte.] 3. Agriculture. - A partir du traité de Bréda et du rattachement de l'Acadie au Domaine royal, la colonisation prend son essor, modeste, il est vrai, mais actif et fructueux dans tout le pays. La région de la rivière Saint-Jean compte plusieurs seigneuries et censives (1672-1700), autour de celle qui fut concédée en 1635 au sieur de La Tour : seigneurie de Martin d'Arpentigny, son gendre: seigneurie du sieur de Soulanges et de Marson (1672); seigneurie de René d'Amours, sieur de Clignancourt (1684), du sieur de Freneuse, son frère, de Bernard, sieur de Plaine, son autre frère (1695), plus une demi-douzaine de censives à divers habitants. La région de la rivière Sainte-Croix en renfermait un certain nombre : les seigneuries de Michel Chartier de Lotbinière, de Paul d'Ailleboust, sieur de Périgny, de Jean Sareau, Thibaudeau, Villeclair, Lefebvre, Grandchamp. La région intérieure comptait : les seigneuries de Michel Leneuf, sieur de La Vallière et de Sébastien de Villieu, qui concédèrent des censives à Jacques Bourgeois, à Pierre Arsenault, à Jacques Blanchard, Pierre Thériault, Antoine Landry, René Leblanc, Pierre Thibaudeau, tous sur la baie des Mines et de Beaubassin (1675-1700). La région du littoral maritime embrassait l'immense domaine de Nicolas Denys, et de son fils Richard, sieur de Fronsac, les seigneuries de Louis d'Amours, sieur de Chauffours, de Georges Renard, sieur Du Plessis, de Matthieu de Lino, marchand de Québec, du sieur Paul Dupuy. La région du golfe laurentien comprenait la seigneurie de Miscou, qui appartenait aux Denys, une censive à Pokemouche à Michel de Grez, la seigneurie de Jean Gobin de Québec, de Philippe Hénaut, la concession de trois lieues faite par Richard Denys aux Récollets de Restigouche, la seigneurie de douze lieues concédée à Pierre Le Moyne d'Iberville en 1691. Enfin la presqu'île ou Acadie proprement dite voit surgir la Grand-Pré, ainsi nommée à cause des alluvions formés sur le bassin des Mines par le confluent des rivières des Vieux-Habitants, des Canards, des Gaspareaux, ainsi que Piziquid, Cobequid; au sud-ouest, le cap de Sable, Pobomcou ou baronnie de Philippe Mius d'Entremont. Faute de bras, la plupart de ces seigneuries furent improductives; seuls les établissements centraux purent se développer avec une merveilleuse rapidité, à partir de la Cession (1713). La prospérité agricole suit, dès lors, une marche analogue à celle du Canada, sous le gouvernement de M. de Vaudreuil et de ses successeurs. En moins de vingt ans, la production se concentre sur place en se perfectionnant, elle va même jusqu'à une certaine richesse générale, uniformément répartie. La monnaie métallique, qui reste française, finit par surabonder : chaque foyer accumule ses réserves de numéraire. Dans la suite (1725-55), le progrès économique dépasse toutes les prévisions : ce qui révèle la mâle vigueur de la race, qui se trouve pourtant isolée et comme séquestrée du monde. C'est que l'Acadien a hérité de fortes traditions : il aime le travail, la peine, le sacrifice. Epouse, mère, jeune fille secondent avec courage ses longs efforts; elles sont l'âme du foyer, savent tisser les toiles et les linges, se livrer aux besognes du ménage et aux travaux des champs. Les enfants vigoureux, les adolescents bien musclés prêtent leur concours à l'élevage et aux excursions de pêche et aux coupes dans les forêts. Les descriptions champêtres de l'Evangéline ne sont ni idylliques, ni fantaisistes : elles sont la peinture de la vie réelle. C'est un peuple honnête, heureux, respectueux de ses serments, très soumis à l'autorité, le coeur et les bras ouverts à l'hospitalité. Pourquoi lui a-t-on fait un crime de sa langue et de sa religion? Ceux qui se sont constitués ses calomniateurs et ses bourreaux, n'ont-ils pas dans l'âme l'amour passionné du même patrimoine? Le 6 décembre 1740, Mascarène écrit au Secrétaire des Colonies « que l'accroissement des habitants français est tel qu'ils ont divisé et subdivisé entre leurs enfants les terres qu'ils possédaient. Maintenant, ils demandent de nouvelles concessions que ni Philipps ni Armstrong ne s'étaient crus autorisés à leur accorder, les instructions de S. M. les réservant aux seuls Protestants. Aussi plusieurs des Français sont allés s'établir sur les limites ou hors de la N.-E., malgré les ordres contraires ». Il ajoute insidieusement : « Si on les retenait de force, ils passeront en bloc à la colonie française et au Cap-Breton; en cas de conflits, ils prendront vite pied contre nous et, comme ils sont au moins dix contre un, ils ne tarderont guère à détruire notre garnison et même à s'emparer du fort qui tombe en ruine. » Philipps, en effet, et ses officiers mandataires à Annapolis s'étaient attribués cent mille acres à la Grand-Pré et à Beaubassin; leurs amis de Londres, King, Gould, Allured et Henry Popple, Andrew Robinson participeraient avec largesse au partage convenu. Cependant, un groupe considérable se détermina à émigrer vers le Nord : ils fondèrent Beauséjour, la Prée des Bourques, celle des Richards, Tintamarre, La Coupe, Le Lac, Le Portage, la Baie Verte. L'installation anglaise à Halifax coïncide avec l'exode des Acadiens qui, pratiquement, sont persuadés qu'ils s'établissent en terre française, puisqu'on leur refuse des lots en terre anglaise. Les uns se transportent à l'île Saint-Jean ou à l'Ile-Royale; les autres à Missaguesh, à Memramcouk, à Petcodiac et vers les régions de la rivière Saint-Jean. Retour à la page sur les Acadiens
Source : LE JEUNE, L., « Les Acadiens », dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada , Vol. 1, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 862p., pp. 11-12.
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Claude Bélanger, Marianopolis College |