Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Janvier 2010

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

L'histoire de la littérature canadienne-française

 

CHAPITRE V 1900 à nos jours

LE ROMAN

Maria Chapdelaine — Ernest Choquette — Georges Bugnet — R. de

Roquebrune — Harry Bernard — Léo-Paul Desrosiers —

J.-C. Harvey — C.-H. Grignon — Abbé F.-A. Savard

— Ringuet — Moïsette Olier, et autres

[Ce texte a été écrit par l'abbé Camille Roy; bien que l'édition date de 1962, il a d'abord été publié en 1939. Pour la référence complète, voir la fin du texte.]

 

Le roman, qui fut rare au siècle précédent, s'est multiplié sans abondance depuis 1900. Il a bénéficié lui aussi du mouve­ment d'idées et d'études qui a renouvelé d'autres genres. Au début de cette période, un écrivain de la période précédente, sir Adolphe Routhier, cédant à la vogue du roman historique, publia Le Centurion (1909), roman des temps messianiques, où il fit preuve d'information variée, d'imagination gracieuse, mais où le récit et le dialogue manquent trop souvent de couleur locale.

Le roman canadien, le roman de mœurs surtout, aura bénéficié du succès immense obtenu en France et au Canada par Maria Chapdelaine (1916).

L'auteur de ce roman, Louis Hémon (1880-1913), venu de France en octobre 1911 pour étudier nos mœurs et prendre dans notre vie canadienne un sujet de roman, se fixa à Péribonka (Lac-Saint-Jean), comme em­ployé de ferme chez un cultivateur, Samuel Bédard. C'est là qu'il observa nos gens, leurs habitudes, leur parler, et il transposa dans Maria Chapde­laine la vie qu'il voulut décrire, celle du colon défricheur. Il s'est trouvé que, sauf certaines lacunes, ce roman est la peinture la plus artistique, la plus réussie, que l'on ait faite des mœurs de nos défricheurs. Sans nous attarder à l'aberration volontaire de ceux qui veulent apercevoir dans Maria Chapdelaine une peinture, non pas du colon défricheur, mais de l'habitant canadien en général, et qui pour cela accusent l'auteur d'une généralisation qui n'existe que dans leur esprit, force nous est de reconnaître que Louis Hémon a fait un livre qui révéla l'acuité pénétrante de son observation, sa haute culture, un art supérieur de conduire le récit, une langue propre, élégante et souple où se mêle avec mesure et avec une étonnante vérité le parler populaire canadien, et qu'il montra aussi, par l'exemple, tout le parti que l'on peut tirer, pour le roman, de la matière canadienne.

Louis Hémon eut à peine le temps d'achever son manuscrit. Il fut tué à Chapleau, Ontario, le 8 juillet 1913, victime d'un accident de chemin de fer. Le roman, qui parut d'abord en feuilleton dans le Temps, de Paris, en 1914, fut publié en volume au Canada en 1916. On sait quelle fut ensuite sa pro­digieuse fortune. Il eut sûrement pour effet, chez nous, de mieux faire apprécier l'immense trésor littéraire, encore trop inexploité, de notre vie canadienne. Il fit taire du coup ceux qui allaient encore répétant que notre histoire et nos mœurs n'offrent rien de suffisant à l'effort du romancier. Et beaucoup de romans de mœurs canadiennes parus chez nous depuis 1920, bien qu'inférieurs, au point de vue art ou composition, à Maria Chapdelaine, ne sont pas étrangers à son influence.

Ernest Choquette (1862-1941) fut presque seul vers 1900 à oser faire le roman. Il publia Les Ribaud (1898), Claude Paysan (1899), La Terre (1916) et un recueil de nouvelles: Carabinades (1900). Il a fait preuve d'un réel talent d'analyse psychologique et d'un sentiment vif des beautés de la vie agricole. Il lui manqua un art soutenu de la composition et du style.

Georges Bugnet, depuis plus de trente ans isolé dans l'Al­berta, et trop longtemps inconnu dans notre monde des lettres, s'est révélé observateur pénétrant de la nature et des mœurs de l'Ouest canadien, capable d'apercevoir tout ce qu'il y a de neuf, d'inexprimé encore dans la vie de l'Alberta: la vie des fermiers, celle des métis, et celle de la forêt. Le Pin du Muskeg (1924), poème en prose de la vie végétale, sur laquelle se su­perpose une légère intrigue de vie humaine, révélait tout à la fois la force et la délicatesse de l'artiste. Nipsya (1924), La Forêt (1935) continuent de faire entrer dans le roman canadien la matière précieuse et neuve de la vie de l'Ouest. L'auteur a le don d'animer la forêt, les gens et les bêtes; il est à la fois psychologue et peintre. Le style est personnel, plutôt sobre. Personne chez nous n'a décrit la na­ture, les paysages avec un vocabulaire plus précis, plus technique, et avec plus d'art. Une pensée abon­dante accompagne les observations, les descriptions, leur donne un sens original.

Georges Bugnet est d'ailleurs aussi philosophe que romancier. La solitude le fait réfléchir, l'inspire. Il écoute l'esprit qui, dans la solitude, voit et pense autrement que nos esprits, et lui dicte des jugements, parfois des paradoxes, qui forcent à reconsidérer les choses. C'est après avoir écouté l'esprit que Georges Bugnet a écrit et publié Siraf (1934). Le romancier philosophe est l'un de nos meilleurs poètes, le plus capable d'idées. Il a publié Voix de la Solitude (1938).

Robert de Roquebrune a débuté par le roman historique. Les Habits Rouges (1923) font revivre les principaux person­nages de l'insurrection de 1837-1838. Le livre est écrit dans une très bonne langue, sobre, précise, élégante, mais les ta­bleaux historiques sont trop superficiellement esquissés. D'un Océan à l'Autre (1924), est un autre roman à base d'histoire, où l'auteur étudie la vie des Métis de l'Ouest, et expose de façon trop incomplète pour être bien intelligible aux lecteurs non avertis, l'insurrection de 1870, et sa reprise en 1885.

Avec Les Dames Le Marchand (1927), M. de Roquebrune aborde le roman psychologique. On y voit la rivalité de deux femmes autour de la vocation d'un enfant. L'art de M. de Roquebrune s'est ici affermi. Son style garde ses fines et sou­ples qualités. Les scènes essentielles sont préparées et faites avec plus de maîtrise. Dans Contes du soir et de la nuit (1942) on retrouve le romancier qui mêle l'histoire à la fantaisie.

Harry Bernard est l'un des plus abondants de nos derniers romanciers. Il a abordé successivement des problèmes de vie humaine et de vie canadienne. Il a fait L'Homme tombé (1924), La Terre vivante (1925), La Maison vide (1926), La Dame blanche (1927), recueil de nouvelles, La Ferme des Pins (1930), Juana, mon aimée (1931), Dolorès (1932).

Harry Bernard a réussi surtout dans les peintures de la vie rurale, dans celle des mœurs et des travaux des paysans. Il a le sens du réel. Il voit et il fait voir. Son réalisme est parfois en tenue littéraire un peu négligée. Peut-être la composition du roman fut-elle trop hâtive. Il arrive aussi que Harry Bernard met sur les lèvres de ses gens de la campagne des expressions populaires d'un goût douteux; la vulgarité gâte le réalisme. Dans ses derniers romans, l'auteur a affiné la manière, et y fait de délicates analyses d'âme.

Léo-Paul Desrosiers a commencé par décrire Âmes et Paysages (1922). Il a ensuite publié l'un des meilleurs romans du terroir parus jusque là: Nord-Sud (1931). L'auteur y faisait entrer avec trop de surabondance le terroir lui-même et nos traditions. La fable souffrait de cette surabondance des détails et des descriptions. Mais le livre contenait des visions nettes et justes, pittoresques, de la vie de nos gens vers 1850. Léo-Paul Desrosiers a publié ensuite des nouvelles: Le Livre des Mystères (1936) Il est revenu au roman qui tient à la fois de l'histoire, des mœurs et de la fantaisie: Les Engagés du Grand Portage (1938), Opiniâtres (1941), Sources (1942), Il essaie de reconstituer avec soin le passé. Ses cadres, comme dans Opiniâtres, sont trop disloqués. La composition apparaît trop incohérente et certaines descriptions pas assez rattachées au sujet. Sans compter que l'auteur pratique une recherche du vocabulaire rare qui est souvent trop laborieuse. Ce sont des défauts de technique qui pourtant laissent aux ouvrages une haute valeur.

Jean-Charles Harvey a débuté avec un roman social, Marcel Faure (1922), qui raconte l'effort des Canadiens fran­çais vers l'émancipation économique.

Dans L'Homme qui va (1929), M. Harvey apparut avec la maîtrise d'une langue qui est à la fois ferme, colorée et plastique, l'une des meilleures de chez nous. Ce livre est une série de Nouvelles symboliques. Ces contes représentent l'effort de l'hom­me vers le progrès, vers un idéal inaccessible. L'homme de M. Harvey s'arrête en chemin à trop de voluptés. Le symbolisme s'accompagne d'in­conscience morale. M. Harvey a en­suite publié Les Demi-Civilisés (1934) et Sébastien Pierre (1935), où les mêmes qualités de style recouvrent des observations, des jugements, une philosophie de la vie qui rappellent trop L'Homme qui va.

M. Harvey a repris les mêmes thèmes dans Art et Combat (1937), où à côté d'articles nouveaux se trouvent rééditées quelques nouvelles, études, essais parus dans les ouvrages précédents. Pages de critique (1926) contiennent des études littéraires faites avec un grand souci de franchise et de vérité, et des conseils d'art qui sont judicieux.

Claude-Henri Grignon a débuté par Le Secret de Lind­bergh (1928), puis il a publié un roman de caractère, Un homme et son péché (1933). Dans ce dernier ouvrage il a étudié et peint l'avarice incarnée dans un paysan. Étude de vie rurale en même temps que de vie morale. Accumulation de faits dont quelques-uns ont pu paraître invrai­semblables, que l'auteur déclare avoir empruntés à la vie réelle, et qui peuvent être des conséquences ex­trêmes d'une sordide avarice. Le romancier a peint cette avarice avec des couleurs à la fois sobres et vives. Le style, réaliste et parfois trop ro­mantique, a été ramené à plus de simplicité dans une édition défini­tive. Ce roman reste l'une des oeuvres les meilleures de notre littérature d'imagination.

M. Claude-Henri Grignon a publié un recueil de nouvelles, Le Déserteur (1934), où se retrouvent les meilleures qualités de l'observateur et de l'écrivain.

Pierre Dupuy a écrit André Laurence, Canadien français (1930) où il fait se heurter au besoin réaliste de faire sa vie, le rêve idéaliste d'un étudiant qui ne voudrait qu'étudier, écrire, vivre de l'esprit. Le jeune homme sacrifie une situation intéres­sante qui peut l'enliser, pour s'en aller faire des lettres à Paris. Le romancier devait nous raconter la suite de cette aventure. La suite n'est pas venue. André Laurence reste donc incom­plet, roman où l'auteur a raconté de façon élégante, un peu superficielle, un cas intéressant de psychologie des jeunes.

Antonin Proulx s'essaya vers le même temps dans le roman psychologique, avec cette fable quasi invraisemblable de deux jeunes gens, jeune homme et jeune fille, qui ne se sont jamais vus, que sépare l'océan, et qui s'éprennent l'un de l'autre par correspondance. Le Coeur est le Maître (1930), malgré de l'inexpérience dans la construction, suppose du talent. L'auteur n'a pas donné suite aux promesses de cette première oeuvre.

Louis Dantin, dans La Vie en Rêve (1930), a groupé des nouvelles, qui sont écrites dans le style précis et coloré où l'auteur fait passer des émotions fortes, des visions réalistes, des observations pénétrantes de la vie.

L'abbé Félix-Antoine Savard a écrit un roman lyrique, Menaud, maître-draveur (1937), dont la poésie débordante et la manière nouvelle ont déconcerté la critique. Roman qui témoigne d'une imagination créatrice, d'une sensibilité délicate que surexcite un sens aigu de la vie réelle. Jamais la poésie n'avait, autant que dans ce livre, enveloppé la vie rude des draveurs, ou inspiré l'action de ces gens de rivières et de forêts. Dans ce genre lyrique qu'il a voulu adopter, l'auteur a fait preuve d'un art supérieur.

Mais ce roman d'un draveur idéalisé, mystique, transformé en patriote presque surhumain, devenu soudainement héroïque dans son nationalisme exclusif, refusant de fournir plus longtemps son travail à l'exploitation de nos forêts par l'Anglais, souffrant de ses propres sacrifices, et s'abîmant on ne sait trop pour quelle fin conventionnelle dans une folie inutile, ce roman reste un livre à la fois artistique et largement invrai­semblable. C'est une fiction où sou­vent l'artifice contredit la vie. Le vocabulaire du roman est une oeuvre d'art, concourant au style rapide, à la fois poétique et réaliste; mais il est trop volontairement chargé de cana­dianismes inconnus. L'étrangeté surabondante des vocables est aussi un excès d'artifice.

Artifice, idéalisme, réalisme; poé­sie de la nature, poésie de la vie, tous ces éléments combinés en mesure parfois excessive font de Menaud, maître-draveur une oeuvre à la fois étrange et puissante.

Ringuet (Dr Philippe Panneton) a fait dans 30 Arpents (1938) le tableau des mœurs rurales observées dans l'une de nos anciennes paroisses. Abondance et vérité des détails; vigoureuses peintures de caractères; descriptions réalistes et vivantes de la campagne; langue généralement forte et juste au service d'une pensée originale, parfois trop laborieuse: ce sont de hautes qualités du roman des 30 Arpents. Le roman se déve­loppe comme une chronique. La chronique surchargée de faits et d'incidents y nuit souvent au roman; elle le fait languir. Les incidents n'offrent pas toujours un intérêt assez lié avec la trame du roman. Le cas des Moisan, pas assez ajusté sur la vie réelle, finit par sortir de la vérité générale du paysan, du cultivateur canadien. L'auteur a aussi abusé de certaines façons de parler populaires et triviales. La vraisemblance n'en demande pas tant. Certaines conversations déplaisent par leur vulgarité. L'auteur a eu le souci de mêler à ses récits des pensées qui en soutiennent ou renouvellent l'intérêt: pensées parfois trop laborieuses, mais qui témoignent toujours d'une vigueur ori­ginale de l'esprit.

Rex Desmarchais a publié l'Initiatrice (1932), le Feu intérieur (1935), la Chesnaie (1942). Il se complait dans des études d'âmes et des discussions de problèmes. La Chesnaie est une exploitation à fond et jusqu'à l'invraisemblance et jusqu'à l'exaspération de l'idéologie
nationaliste. Une exaltation chimérique de l'esprit, et des situations extravagantes gâtent le roman. Mais l'auteur montre une grande vigueur de pensée servie par une langue souple et juste. Qu'il discipline leur abondance par une meilleure technique du roman et une intelligence plus équilibrée de la vie réelle.

François Hertel débuta dans la prose par des conseils aux jeunes: Leurs inquiétudes (1936). Pour donner à ses idées une forme plus concrète, il écrivit un roman pour les jeunes: Le beau risque (1939). Le style y est alerte, nerveux, trop souvent heurté et télégraphique. Mais l'analyse des âmes y est subtile, attachante. Ce sont des scènes de vie de collège où le maître fait avec un sens psychologique pénétrant son rôle d'apôtre. Du roman, François Hertel est passé au conte fantaisiste dans Mondes chimériques (1940). L'audace du style et des situations y dépasse trop souvent la mesure où doivent se rencontrer l'originalité et le bon goût.

Robert Charbonneau, dans son roman Ils posséderont la terre (1941), multiplie des analyses d'âmes plus poussées, plus fines, plus intenses que celles que nous a jusqu'ici fait voir le roman psychologique de chez nous. Par ailleurs, l'auteur observe avec acuité le détail des choses. Il manque à ce roman d'être mieux composé. Il déroute par ses incohé­rences.

Adolphe Nantel a débuté par des histoires de bûcherons. A la Hache (1932), où la nature fruste, bien observée, est exprimée, tantôt avec un réalisme plaisant, tantôt avec mau­vais goût, et dans une langue impropre. Le même réalisme, tour à tour pittoresque et excessif, se retrouve dans La Terre du Huitième (1942), qui est un roman de vie forestière et agricole. La valeur des scènes rustiques et des descriptions y est souvent gâtée par un style qui s'efforce trop d'être original, et qui cherchant trop la singularité pittoresque at­trape souvent l'incorrection ou le mauvais goût. D'autre part, la psychologie de l'amour y est trop simpliste, étant remplacée par un instinct audacieux qui est sans délicatesse.

Damase Potvin s'est fait romancier très abondant. Après Restons chez nous (1908), qui fut un essai de jeunesse, il a publié L'Appel de la Terre (1912), Le Membre (1916), Le Français (1925), La Robe noire (1932), La Rivière-à-Mars (1934), Peter McLeod (1937), auxquels s'ajoutent des nou­velles et des contes : Sur la Grand'route (1927), Le Plai­sant Pays du Saguenay (1931) et Un ancien contait ... (1942). Copieuse littérature d'imagination consacrée par la piété aux choses et gens du Saguenay, le pays natal. Les récits font connaître notre petite histoire, mais l'art de la composition et du style n'ajoutent pas toujours assez à la valeur documentaire de l’œuvre.

C'est sur ce thème populaire des mœurs et de la vie fran­çaise dans notre province de Québec que d'autres auteurs ont produit quelques oeuvres que nous rappelons ici: Ubald Paquin: Jules Faubert (1924), Le Paria (1935) ; le P. Adélard Dugré: La Campagne canadienne (1925); le P. Armand Yon: Au Diable Vert (1928); Francis Des Roches: Pascal Ber­thiaume (1932).

Nous avons signalé ailleurs les deux romans L'Appel de la Race (1922), Au Cap Blomidon (1932), où l'abbé Lionel Groulx, qui signe Alonié de Lestres, développe ses doctrines nationalistes.

C'est après 1930 que le genre du roman a davantage pro­voqué de nouveaux essais. Rare pendant les vingt-cinq ou trente premières années de ce siècle, il a fini par séduire un grand nombre de jeunes qui entraient dans la carrière littéraire. On eut tort de penser que le roman est facile à faire. C'est peut-être le genre littéraire qui demande le plus d'origi­nalité, le plus de culture d'esprit, le plus de renouvellement incessant de sa propre personnalité. Aussi est-il arrivé que beaucoup de nos jeunes romanciers ont paru s'épuiser dans leur premier effort et que d'autres n'ont pas tenu la promesse de leur talent. Signalons pourtant quelques-unes de ces oeuvres de jeunesse, témoignages d'une activité littéraire qu'il faut connaître: Dans les Ombres (1931) de Mlle Éva Senécal; La Chair décevante (1931) de Mlle Jovette Bernier; Dilettante (1931) de Claude Robillard; Madame Després (1934) de Jean Véron. Avant eux tous, avait commencé à travailler Moïsette Olier, qui a montré de fort précieuses qualités d'observation, de psychologie et d'écriture dans L'Homme à la Physionomie macabre (1927), Mademoiselle Sérénité (1936), Étincelles (1936), auxquels s'ajoute une sorte de poème en prose: Cha8inigane (1934).

 

Romans pour enfants

Le roman pour enfants est un genre difficile, qui prend du temps à s'établir chez nous. Il y faut une ingénuité d'âme et de style qui est une forme spéciale du sentiment et de l'imagination. Ce sont des femmes qui ont donné en ce genre les œuvres les plus nombreuses, et les meilleures. Mais ces oeuvres sont à peine de la littérature pour enfants. Il leur manque une originalité d'invention, une certaine naïveté du vocabulaire, une simplicité et une fraîcheur de style qui seules peuvent retenir l'attention des enfants.

Mlle Marie-Claire Daveluy fut la première, croyons-nous, à composer des récits pour enfants; elle a offert à ses petits lecteurs: Les Aventures de Perrine et Charlot (1923), Le Filleul du roi Grolo (1926), Une Révolte au Pays des Fées (1926), Sur les Ailes de l'Oiseau Bleu (1936), La Captivité de Charlot (1938).

Mais c'est Maxine qui a apporté à cette sorte de littérature la plus abondante contribution. Citons entre autres récits: Fées de la Terre canadienne (1928), Le petit Page de Fron­tenac (1930), Les Orphelins de Grand-Pré (1931), Jean la Tourte (1932), La Fée des Castors (1933), Le Pêcheur d'Éperlan (1933), L'Ogre de Niagara (1933), Les Trois Fées du Bois d'Épinette (1936), Le Vendeur de Paniers (1936).

Mlle Marie-Rose Turcotte a aussi écrit pour enfants; entre autres, des récits, contes et nouvelles: Le Carrousel (1928) et Au Pays des Géants et des Fées (1937).

Citons enfin Les Mémoires d'une souris canadienne (1932) et Le Serment de Jacques (1932) de Mlle Marie-Louise d'Au­teuil, les Discours d'Enfants (1932) de Mme Françoise Gaudet, les Contes de la Lune (1932) de Fadette, et les livres de Marjolaine: Contes pour Enfants canadiens, Au Coin du feu, En Veillant (1931).

Faut-il placer dans la collection des romans pour enfants, La Fin du Monde (1931) d'Emmanuel Desrosiers, qui imagine le plus fantastique dénouement de la vie terrestre qui se puisse concevoir?

 

Radio-romans

Un genre nouveau de roman, le radio-roman, a surgi des dialogues radiophoniques où l'on sert par tranches d'un quart d'heure des scènes de vie canadienne. Ce sont des scènes reliées par une intrigue, qui se déroulent avec un intérêt souvent très variable, mais où quelques causeurs ont parti­culièrement réussi à peindre les mœurs, et à donner par le dialogue l'impression de la vie réelle. Parmi ces romanciers de la radio qui ont le mieux créé de la vie et l'ont exprimée avec le plus d'art, il faut citer: Robert Choquette, qui a composé ce Curé de Village (1936) qui obtint un très vif succès, puis les Velder (1941), ou scènes de la pension Velder. M. Choquette avait auparavant publié d'autres causeries radiophoniques: Le fabuliste La Fontaine à Montréal (1935), où l'on retrouve, appliquée au milieu qu'il observe, la psycho­logie du fabuliste. Rappelons ici le premier roman de moeurs publié par M. Choquette, La Pension LeBlanc (1928). Edou­ard Beaudry avec Rue Principale, tome I, Les Lortie (1940) nous a donné l'un de nos principaux radio-romans.

BIBLIOGRAPHIE

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ROY (Mgr Camille) : Romanciers de chez nous; Érables en fleurs; à l'ombre des érables.

HARVEY (J.-Ch.) : Pages de Critique.

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MAURAULT (O.) : Brièvetés.

DUGAS (Marcel) : Littérature canadienne.

D'ARLES (Henri) : Estampes.

LAMARCHE (R. P. M.-A.) : Ébauches et Nouvelles Ébauches critiques.

DANTIN (Louis) : Gloses critiques.

MARION (Séraphin) : En feuilletant nos écrivains; Sur les pas de nos littérateurs.

PELLETIER (Albert): Carquois; Égrappages.

LÉGER (Jules) : Le Canada français et son expression littéraire.

DANDURAND (Albert) : Le Roman canadien-français.

MICHEL (Eleanor) : Les Canadiens français, d'après le roman cana­dien-français contemporain.

 

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Source : Mgr Camille ROY, « Le roman: 1900 à nos jours  », dans Manuel d'histoire de la littérature canadienne de langue française, Montréal, Beauchemin, 1962 [1939], 201p., pp. 160-171.

 

 
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