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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
Joseph Coulon de VilliersSieur de Jumonville
JUMONVILLE (Joseph Coulon de Villiers, sieur de) (1718-54), cadet, enseigne en second et en pied dans les troupes de la marine.
Fils de Nicolas-Antoine Coulon de Villiers et d'Angélique Jarret de Verchères, il naquit à Verchères, le 8 septembre 1718. Il suivit, comme cadet, son père à la rivière Saint-Joseph des Illinois. Ses états de service, écrits de sa main, dénotent sa présence (1733) à la baie des Puants, auprès de son père et de ses deux frères; mais ils se taisent sur sa carrière jusqu'en 1739. Cette année, il était dans les rangs de l'expédition organisée contre les Chicachas de la Louisiane. Durant l'hiver de 1745, on le trouve en Acadie sous les ordres de M. Marin et il nous apprend qu'il passa l'hiver à parcourir les bois en raquettes. En 1746, il y est encore, mais sous le commandement de M. de Ramezay, assistant à la reddition des troupes du colonel Noble aux Mines. En 1747, il est envoyé à la Rivière-aux-Sables, à la tête d'un parti de Français et de Sauvages alliés dans le dessein d'arrêter les incursions des Agniers. La même année, il fait encore la campagne de Corlaer sous la conduite de M. de La Corne.
Un parti de guerre ayant été levé (1748) contre les Anglais, M. de Jumonville en eut le commandement. Parti de Montréal au commencement de juin, il revenait le 26, après avoir tué une quinzaine d'ennemis. En 1749, M. de La Galissonnière lui manda d'aller mettre l'ordre dans « un poste dérangé : ce à quoi il réussit parfaitement ». Il était enseigne en second, depuis l'année 1744. Les années suivantes, il fut probablement de garnison à Montréal.
« Depuis le traité d'Aix-la-Chapelle (1748), écrit M. Marc de Villiers du Terrage, la France se trouvait en paix avec l'Angleterre; cependant, en Amérique, le bassin de l'Ohio supérieur était l'objet des convoitises anglaises. La garnison française du Détroit se vit bientôt forcée de construire le fort de la Rivière-aux-Boeufs, un peu au sud-ouest du fort Erié ou Presqu'île, et le fort Machault sur la rivière Alleghanys. Ce dernier, menaçant directement les Anglais, Ieur déplut. Le lieutenant-gouverneur de la Virginie, Robert Dinwiddie, envoya son adjudant-major, nommé George Washington, porter une protestation à M. Le Gardeur de Saint-Pierre, commandant du fort (1753). Sa démarche n'eut aucun résultat. »
Le 27 janvier 1754, M. Du Quesne, gouverneur, écrivait à M. de Contrecoeur, qu'il le nommait commandant de la Rivière-aux-Boeufs et dépendances, et lui mandait d'aller avec 600 hommes prendre possession de la Belle-Rivière (Ohio), de presser ses mouvements pour bâtir le fort de Chinangué ou dans les environs. Dans l'intervalle, M. de Saint-Pierre informait le gouverneur du Canada de la protestation servie par Washington : ce qui détermina M. Du Quesne à détacher aussitôt le chevalier Le Mercier, avec les meilleurs officiers et cadets de Montréal.
A leur arrivée, M. de Contrecoeur, ayant appris que les Anglais érigeaient un fort au confluent de l'Ohio et de la Monongahéla, confia à M. Le Mercier la mission de les sommer de se retirer du territoire français (16 avril 1754) ; ce qu'ils firent sur-le-champ. Et les Français y bâtirent le fort Du Quesne. Informé du fait, Washington, muni du grade de lieutenant-colonel et mis à la tête de 150 volontaires, partit (1er mai) de Well's Creek et les conduisit aux Grandes Prairies. Simultanément, M. de Contrecoeur chargeait M. de Jumonville d'aller, avec 34 hommes, à la découverte — en éclaireurs et parlementaires, — muni d'une sommation dont on cite ces passages : « S'il arrivait que, contre toute attente, le sieur de Jumonville eut connaissance de quelques mouvements de l'Anglais sur les terres du domaine du roi, il s'y transportera et leur rendra la sommation dont nous le chargeons. Lui ordonnons que, dans ce cas, il ait à nous dépêcher, avant de faire la sommation, deux bonnes jambes pour nous informer de ce qu'il aura appris, du jour où il compte la faire et de la réponse. S'il entendait dire que les Anglais sont de l'autre côté de la montagne, il ne passera pas la hauteur des terres, ne voulant en rien les troubler et voulant maintenir l'union qui règne entre les deux Couronnes » (23 mai).
Document qui prouve que les éclaireurs ne partaient point en guerre contre les Virginiens. Le 27 au soir, M. de Jumonville s'arrêta dans un vallon profond et obscur pour y passer la nuit. Mais les Sauvages alliés avaient prévenu Washington de sa présence en cet endroit. Le lendemain, vers sept ou huit heures du matin, le commandant et ses 34 hommes se virent cernés par les Anglais et les Sauvages. Le colonel, voyant les Français se saisir de leurs armes, commanda à son monde de faire feu et lui-même déchargea son fusil. Une seconde décharge suivit bientôt la première. M. de Jumonville, par son interprète, réussit alors à faire entendre à Washington qu'il avait un mandat à lui communiquer. Le feu cessa; c'est pendant que l'interprète lisait ou se préparait à traduire la sommation que M. de Jumonville reçut à la tête une balle qui le renversa mort. Neuf Canadiens furent tués à ses côtés et les autres membres de l'escorte faits prisonniers. Un seul Canadien, nommé Manceau ou Monceau, put s'échapper et courut avertir M. de Contrecoeur de ce sanglant guet-apens.
Les noms des braves tombés auprès de l'enseigne commandant ont été conservés : De Roussel, de Québec; Caron, de Québec; Charles Bois, de Pointe-Claire; Gérôme, de Laprairie; Lenfant, de Montréal; Paris, de Mille-Isles; Languedoc, de Boucherville; Martin, de Boucherville, la Batterie, tambour.
Les prisonniers, expédiés à Londres en trophée, s'appelaient : Drouillon, officier; de Boucherville, cadet; Du Sablé, cadet; Louis Paul, de Sorel; Jean-Baptiste Berger, de Varennes; Augustin Bonvouloir, de Longueuil; Joachim Parent, de Soulanges; Nicolas Mil-les, de Lachine; Ducharme, de même; Joseph Brown, de Montréal; Albert Ouimet, des Mille-Isles; Joseph Duchâtelet, de l'Assomption; Joseph Larabel, de la Longue-Pointe. Les soldats Berger et Parent, mis en liberté avec leurs compagnons le 17 septembre 1755, racontent dans une déclaration tous les mauvais traitements qu'on leur fit subir en captivité (V. E. B. O'Callaghan, Docum. of the State of New-York, vol. X).
Prisonniers envoyés à la Martinique : Girardin, de l'Île-Jésus; Lavigne, de Varennes; Morisseau, de Repentigny; Trouin, de même; Collet, de Charlesbourg; Hornier, de Montréal. Prisonnier détenu en Virginie : Laforce.
Le 11 octobre 1745, M. de Jumonville avait épousé à Montréal Marie-Anne-Marguerite, fille de Jean-Paschal Sournande (V. ce nom) et d'Ursule Leverrier et en eut cinq enfants, entre autres :
Joseph, né le 6 mars 1748, et décédé le 21 mai 1760;
Charlotte-Amable, née le 16 août 1754. Le 28 juin 1760, le chevalier de Lévis s'associa à M. de Vaudreuil pour solliciter son admission à Saint-Cyr. Elle y entra en 1762 et en sortit le 22 juillet 1774, mais pour se faire Religieuse au couvent des Bénédictines.
Sa mère s'était remariée à Montréal, le 15 décembre 1755, avec Jean-Pierre Bachoie de Barraute, capitaine au régiment de Béarn, lequel se battit aux Plaines d'Abraham et à Sainte-Foy : le 12 mai 1760, dans une escarmouche, il fut blessé à la tête d'un éclat de bombe et il décéda le 20 à l'Hôpital-Général laissant une fille (1756). (V. Bull. des Rech. hist., Québec. année 1928).
Source : Louis LE JEUNE, «Joseph Coulon de Villiers, sieur de Jumonville», dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. I, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931, 862p., pp. 848-850. |
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Claude Bélanger, Marianopolis College |