Date Published: |
L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
Joseph-Michel Cadet
CADET (Joseph-Michel) (1719-81), apprenti et marchand-boucher, bourgeois négociant, munitionnaire général des vivres.
Michel Caddè — devenu Cadet dans la suite — fils de Michel et d'Elisabeth Lefebvre, naquit en 1668 à Niort, dans les Deux-Sèvres, et vint s'établir au Canada : le 25 janvier 1694, il épousa à Québec Marie Constantin, qui lui donna six enfants. Le troisième, François-Joseph, né en 1697, se maria en février 1719, à Marie-Joseph Daveine, qui donna naissance à Joseph-Michel, le 24 décembre suivant.
Son père, qui était boucher, mourut le 11 décembre 1720; sa veuve se remaria en 1724 à Pierre Bernard, de Charlesbourg, lequel adopta l'orphelin et le fit instruire. L'adolescent entra comme apprenti-boucher chez son oncle Augustin, devint ensuite marchand-boucher, puis négociant en gros. Le crédit et le succès en firent un respectable bourgeois à 27 ans, en 1746. Il ne tarda guère à gagner les bonnes grâces de l'intendant Hocquart et celles de M. Bigot. En 1748, on le choisissait comme munitionnaire général des vivres du roi : ses contrats de commerce allaient l'enrichir, en raison des circonstances et des hostilités de la Guerre de Sept Ans. Il est reconnu aujourd'hui que M. Cadet déploya une intense activité pour subvenir aux approvisionnements des troupes, surtout durant les deux années de famine. Le Mémoire d'instructions financières, qu'il déposa en quadruple, le 10 août 1758, dans l'étude de Maître Panet, témoigne de sa puissance d'organisation et de la flotte marchande naviguant annuellement entre Bordeaux et Québec, et des transports des vivres jusqu'aux postes les plus éloignés de la colonie : il servit d'instrument au malhonnête Bigot, puis il devint sa victime. M. de Vaudreuil lui décernait des éloges dans sa correspondance et sollicita pour lui comme rémunération l'octroi de lettres de noblesse.
Après la capitulation de Montréal, en 1760, M. Cadet s'embarqua pour la France avec sa famille. Il se vit interner à la Bastille avec cinquante-quatre accusés de dilapidation. Dès le début du procès, le munitionnaire seconda les enquêteurs du tribunal au sujet des finances publiques. M. Bigot, dans son Mémoire de défense, l'accabla de tout son mépris. Dès le 25 février 1762, la Cour accorda des secours à Mme Cadet et à ses enfants. Le 10 décembre 1763, la sentence condamna le munitionnaire à neuf années de bannissement de Paris, à 500 liv. d'amende et à 6.000.000 de restitution.
Le 11 mars 1764, le roi jugea opportun de lui faire grâce du bannissement. On lui accorde un passeport pour aller régler ses affaires au Canada (15 avril 1764-janvier 1765) ; le 11 mars, ordre est donné de lui remettre 200.000 en lettres de change qui lui appartiennent : on lui renvoie ses papiers séquestrés (24 février 1766). Poursuivi et incarcéré une seconde fois pour refus de rendre compte, il est libéré par ordre royal, trois mois après (25 mars). D'après M. Soulavie, M. Cadet réclamait au gouvernement entre dix et onze millions et que, pour être exonéré, on le réhahilita; et un arrêt du Conseil, rendu en 1767, lui alloua la somme de 5.400.000 livres.
Dès lors, M. Cadet fit le grand seigneur, achetant : la terre de Gontranville en Normandie, qu'il paya 376.000 livres, celle de Neung-sur-Beuvron dans le Blaisois; la baronnie d'Avigny, pour 160.000 liv.; les seigneuries de Ponçay, Mondon, Marigny, etc., et le château de la Barbelinière, près de Châtellerault (Vienne) : le tout évalué à 800.000 livres. Il dépensa une fortune en appropriation et en restauration. Néanmoins, il ne cessa de réclamer à la Cour les autres millions, reliquat des dix ou onze qui lui revenaient. Ce fut sans succès. Alors il dut chercher à vendre ses domaines, en 1774. En 1778, il ne lui resta que des débris de sa fortune. Lorsqu'il meurt à Paris, le 31 janvier 1781, il est reconnu insolvable. Dix ans après, ses dernières propriétés sont vendues aux enchères : en vain ses héritiers poursuivent ses réclamations dans d'interminables procès.
M. Cadet avait épousé à Québec, le 10 septembre 1742, Angèle Fortier, qui fut mère de huit enfants, dont quatre moururent en bas âge. Deux de ses filles s'unirent à d'honorables familles de Châtellerault. Le fils unique survivant, héritier du château de la Barbelinière, épousa une demoiselle Lebeuf : il ne paraît pas avoir laissé de postérité. [On consultera avec profit la biographie de Cadet au Dictionnaire biographique du Canada.]
Retour à la page sur La Guerre de Sept Ans [en français] Consult the Seven Years' War Homepage [in English]
Source : Louis LE JEUNE, «Joseph-Michel Cadet», dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. I, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931, 862p., pp. 269-270. |
© 2006
Claude Bélanger, Marianopolis College |