Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Février 2006

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Jeunesses laurentiennes

 

Claude Bélanger,

Department of History,

Marianopolis College

Fondée en 1936 par neuf membres sous le nom de Jeunesse de Saint-Eusèbe, (1) la Jeunesse laurentienne fut très lente à s'organiser. De 1936 à 1940 ses activités se limitent à quelques manifestations, dont une participation, avec les Jeunesses patriotes, à la commémoration du Centenaire de la pendaison des Patriotes de ’37-’38. (2) En 1940 l'Association fut incorporée sous le nom de Jeunesse laurentienne; elle publiera, à partir de 1942, une revue mensuelle intitulée La Vérité.

 

Ce sont les circonstances de la guerre qui permettront à la Jeunesse laurentienne de prendre son essor; le président du groupe, Paul-Emile Robert, participera à quelques assemblées de la Ligue pour la Défense du Canada (3) et l'une de ses remarques eut l'heur de déplaire au bureau de censure fédéral ce qui amena son arrestation et une condamnation à amende. (4) Dans le contexte de la guerre, considérant l'opinion générale des Québécois sur cette question, cette condamnation équivalait à une consécration officielle de l'importance de l'homme et du mouvement; les Jeunesses laurentiennes allaient en profiter pour faire du recrutement intensif et se manifester plus ouvertement.

 

En décembre 1942, les Jeunes laurentiens lancent leur premier grand manifeste. (5) Dans ce document ils demandent la "remise des richesses naturelles de la Province de Québec au service de la collectivité", prônent l'achat chez-nous et le coopératisme, et réclament la multiplication d'écoles qui inculqueront aux jeunes "la volonté de tenir dans la vie économique de (la) province, un rôle de patron ou de maître". Grâce à ces mesures, pensent-ils, le peuple québécois sera "maître chez-lui". Dans le domaine social, ils s'inspirent des grandes encycliques et exigent le relèvement du salaire de l'ouvrier et le respect du repos dominical; ils donnent aussi leur appui aux syndicats catholiques et nationaux et entendent combattre "les graves abus du travail féminin dans les usines". Dans le domaine national, ils déclarent adhérer à la doctrine de Groulx; ils insistent particulièrement sur la nécessité de l'éducation nationale et de la célébration de la St-Jean-Baptiste; ils entendent, aussi, faire de la propagande en faveur du Devoir et du fleurdelisé "drapeau national canadien-français". Finalement, ils visent à jouer un rôle politique en travaillant à l'avènement d'un gouvernement québécois "libre de toutes les servitudes partisanes et de tous les des­potismes financiers"; pour accomplir cette tache, ils prônent "la suppression par des moyens constitutionnels de toute entrave au libre développement économique, social ou national du Québec"; ils soutiendront aussi tout effort visant à assurer la "pleine autonomie du Canada" et, en particulier, la création d'une nationalité exclusivement canadienne. En somme ils veulent "un QUEBEC LIBRE DANS UN CANADA LIBRE!". Les idées exprimées dans le manifeste des Jeunesses laurentiennes sont loin d'être originales dans le contexte des années de guerre mais le document a l'avantage de synthétiser les sentiments véhiculés par les milieux nationalistesde l'époque; on y trouve, ainsi, résumé une bonne partie du programme du Bloc populaire; cette association du groupe avec le nouveau parti politique est renforcée par la présence, au lancement du Manifeste de Maxime Raymond, Paul Gouin, André Laurendeau et Jean Drapeau.

 

Le groupe tiendra deux grands Congrès en septembre 1943 et 1944; (6) lors de ces Congrès, les JL reprendront, sous forme de résolutions, la plupart des idées émises dans leur Manifeste. En février 1945, la Jeunesse laurentienne se sabordera pour devenir la section cadette de la SSJB. (7) Lors de sa disparition le groupe comptait environ 3,000 membres répartis en 148 sections locales; sa devise était OSONS! Et ses deux grands dirigeants étaient Paul Emile Robert et Rosaire Morin (8)

 

(1) Le Devoir (LD), 25/9/44, p. 10

(2) LD, 20/2/39, p. 3

(3) LD, 9/4/42, p. 2; 16/4/42, p. 9; 17/4/42, p. 6.

(4) LD, 22/4/42, p. 3 et 3/6/42, p. 3

(5) LD, 3/12/42, p. 6

(6) LD, 27/9/43, p. 2; 21/9/44, p. 4.

(7) LD, 12/2/45, p. 10.

(8) LD, 25/9/44, p. 10;12/2/45, p. 10.

 

 
© 2006 Claude Bélanger, Marianopolis College