Date Published:
Juillet 2006

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

Jean-Louis Le Loutre

LE LOUTRE (Jean-Louis) (1709-72), prêtre, missionnaire, grand vicaire de Québec en Acadie. — Durant sa captivité, il signait Desprez.

Fils de Jean-Maurice, sieur Després, et de Catherine Huet, il naquit, le 26 septembre 1709, dans la paroisse Saint-Mathieu de Morlaix (Finistère). A l'issue de son cours clas­sique, on l'envoya étudier la théologie au Séminaire du Saint-Esprit à Paris. A la fin de mars 1737, il se présenta, dit-il, au Séminaire des Missions-Etrangères ; et peu de temps après le Supérieur jugea à propos de le faire ordonner prêtre et de le faire partir immédiatement après. Destiné par l'abbé de l'Isle-Dieu à remplacer M. de Saint-Poncy à la cure d'Annapolis, il prit la mer et débarqua, au mois d'août, à Louisbourg.

M. de Saint-Ovide l'y retint. Le missionnaire passa une dizaine de mois à Maligaouèche avec l'abbé Maillard pour étudier la langue indigène. Nommé aumônier des Micmacs de la Nouvelle-Ecosse ou Acadie, il alla s'établir à Shubenacadie, le 30 septembre 1738: M. Maillard conservait la direction des Sauvages de l'Ile-Royale et de l'île Saint-Jean. En 1745, M. le gouverneur lui envoie de Québec l'ordre de marcher au secours de Louisbourg, en qualité d'aumônier des troupes. En 1746, Le Loutre sert d'agent de liaison entre les hommes du déta­chement de M. de Ramezay et les débris de l'escadre du duc d'Anville : épuisé, il s'em­barque avec M. de SalIiez pour la France, où il arriva malade. Dans les tentatives de retour, il est capturé d'abord sur la Gloire (20 mai 1747), ensuite sur le Marquis de Tourni (avril 1748). Sorti de captivité, il repart avec M. Desherbiers sur la Chabanne et débarque à Louisbourg, le 19 juin 1749, reprenant son ministère auprès des Micmacs. En 1747, sa tête est mise à prix par Shirley et, en 1749, par Cornwallis pour 100 liv. sterling. Il reçoit l'ordre de s'établir à Beaubassin avec mission d'at­tirer les Acadiens sur l'isthme de Chignectou. En 1750, il quitte Beaubassin pour cantonner ses indigènes à la Baie Verte : le Père Germain le remplace. M. Le Loutre n'était plus là, quand le village fut livré aux flammes sur l'ordre des officiers; ni au fort Beauséjour non plus, lorsque le sieur Howe périt misé­rablement, le 15 octobre 1751. Les historiens anglais l'ont néanmoins accusé d'avoir incité les Sauvages à incendier les maisons, quand il est avéré, d'après Franquet, que le fait retombe sur M. de La Vallière.

En décembre 1752, M. Le Loutre entreprend un voyage en France, l'espace d'une année. A son retour, il fait construire les aboiteaux et s'occupe à installer les réfugiés à Tintamarre et à Cocagne. Le 20 mars 1754, l'évêque de Québec conférait au missionnaire le titre et la juridiction de vicaire général « dans toutes les Provinces soumises aux rois soit d'Angleterre, soit de France, et dans la Péninsule ». Après la prise de Beauséjour, Winslow donna ordre d'arrêter Le Loutre (16 juin 1755), mais le missionnaire sortit un quart d'heure avant la reddition. Il se rendit à Québec et prit la mer, deux mois après. Le 15 septembre suivant, il fut fait prisonnier en mer par l'amiral Hawke. Le 22, il expédia de Plymouth un billet à l'abbé de l'Isle-Dieu, où il s'avoue captif à bord, sans permission de toucher terre, suppliant de faire des démarches pour sa mise en liberté. On le transporta à l'île de Jersey, où il fut détenu, l'espace de huit années, victime des inventions d'un soldat mercenaire et colonisateur. Le traité de Paris amena son élargissement.

Dans la suite, M. Le Loutre, fort bien en Cour en vertu de ses services et de sa déten­tion, se dévoua à l'organisation des établis­sements acadiens en France. M. de Choiseul eut recours à ses connaissances et à ses apti­tudes de missionnaire, en lui assurant 3.000 liv. de pension. Cet abbé, affilié au Séminaire des Missions-Etrangères, tant calomnié et dé­précié jusqu'à nos jours, décéda à Nantes, le 30 septembre 1772, en prédestiné, et fut en­seveli, le 1er octobre, dans l'église Saint-Léo­nard.

Source : Louis LE JEUNE, «Jean-Louis Le Loutre», dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. II, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931,  829p., p. 133.